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1657

Jean Loret, La Muse historique

Paris, Chénault, [1656-1665].

Divertissements de Christine de Suède

La lettre du 2 mars 1657 accorde une grande place aux différentes activités de la reine de Suède lors de son séjour en France. Grande amatrice de théâtre, elle assiste à une représentation de Timocrate de Thomas Corneille, des Amours de Diane et d'Endymion de Gilbert ainsi que d'Alcibiade de Quinault.

Depuis que la reine du Nord,
Dont en tous lieux parlent si fort
Les bouches de la Renommée,
Christine, ci-dessus nommée,
Est dans cette grande cité,
Elle a plusieurs fois visité
Cette halle splendide et belle,
Qu’autrement la Foire on appelle,
Laquelle en de rares tableaux,
En lustres de cristal, fort beaux,
En verres, porcelaines, vases,
En livres pleins de belles phrases
En pains d’épices, en afiquets,
En des coquettes et coquets,
En antiquailles, bagatelles,
Confitures, draps et dentelles,
En indiennes, en écrans,
En des montres d’or et cadrans,
En d’exquises orfèvreries,
En des perles et pierreries,
En rossolis et citrons doux,
Et, bref, en infinis bijoux,
Dont cette riche foire abonde,
Est la plus brillante du monde.

De plus, sadite majesté
A trois ou quatre fois été
Au fameux Hôtel de Bourgogne
Non pas pour voir Dame Gigogne,
Turlupin, Garguille ou Michaud.
De telles gens il ne lui chaut,
Ains, plutôt, les méprise, parce
Qu’elle n’aime farceur ni farce :
Le comique ne lui plaît pas,
Un jargon froid, un style bas,
Ne la rendent point ébaudie,
Mais elle aime la tragédie,
Et les poèmes sérieux,
Doctes, galants, mystérieux.

Elle a vu jouer Timocrate,
Qui pourrait ravir un Socrate,
Et l’Histoire d’Endymion,
Qui, selon mon opinion,
(Et celle, aussi, de tout le monde)
En plusieurs beaux traits est féconde
Et fait juger Monsieur Gilbert
Ecrivain tout-à-fait expert.

Alcibiade l’a charmée,
Pièce extrêmement estimée,
Et laquelle élève fort haut,
Le nom de son auteur Quinault.
Cette merveilleuse princesse,
L’écoutant avec allégresse,
Y fit certes un fort grand cas
De tout plein d’endroits délicats
Et de justesses non pareilles
Qui touchent les cœurs à merveille,
Et que les acteurs mêmement
Font valoir admirablement.

Aussi cette Troupe Royale,
Qui seule à soi-même est égale,
Représente chaque action
Avec tant de perfection
Que (quoique le prêcheur en dise)
Il faut aimer la comédie
(Des beaux esprits le cher souci)
Et les comédiens aussi.

Édition de 1857 disponible sur Gallica, p. 450.


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