David Spring – La Suisse au coeur de la guerre des ondes http://wp.unil.ch/ondescourtes Les chroniques internationales du Service suisse des ondes courtes (1939-1945) Tue, 14 Jul 2020 06:37:26 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=5.4.2 « Radio killed the newspaper stars » http://wp.unil.ch/ondescourtes/radio-killed-the-newspaper-stars/ Mon, 04 Feb 2013 07:20:36 +0000 http://wp.unil.ch/mediahistoire/?p=51 Ce refrain travesti du groupe The Buggles pourrait s’appliquer aux relations entre la presse écrite et la radio suisse au cours de la première moitié du XXe siècle. En effet, dès l’apparition de la TSF, les milieux de la presse écrite mettent tout en œuvre pour limiter l’information à la radio par crainte de la concurrence qu’elle représente. Toutefois, le contexte tendu lié à la Seconde Guerre mondiale bouleverse progressivement ce rapport de force.
M. Werner Kämpfen, speaker de langue allemande pour l'Agence télégraphique suisse (photo non datée). © PHOTOPRESS-ARCHIV STR / Keystone
M. Werner Kämpfen, speaker de langue allemande pour l’Agence télégraphique suisse (photo non datée). © PHOTOPRESS-ARCHIV STR / Keystone

Dès la création de la Société suisse de radiodiffusion (SSR) en 1931, la presse écrite et les autorités fédérales chargent l’Agence télégraphique suisse (ATS), propriété des éditeurs de journaux, de la rédaction et de la lecture des informations à la radio. L’ATS émet des bulletins d’informations quotidiens, brefs (10 à 15 minutes) et factuels, pensés comme une offre complémentaire à celle des journaux. Le but de l’Agence est de réduire au maximum la portée et le contenu de ces bulletins. Les journaux cherchent à conserver la mainmise sur l’information et à cantonner la radio au divertissement. Cette répartition des tâches suscite des tensions avec la SSR qui demande régulièrement une plus grande autonomie en matière d’information et une augmentation du nombre de bulletins : elle n’obtiendra satisfaction qu’en 1939 avec le passage de 2 à 4 «flashs» quotidiens. Mais la SSR continue à dénoncer la mauvaise qualité de l’information délivrée qui aurait tendance à pousser les auditeurs suisses à se tourner vers des radios étrangères.

Quand les Chroniques du jour entrent dans l’équation

En plus de la retransmission des bulletins ATS, le Service suisse des ondes courtes (SOC) diffuse régulièrement, dès 1939, de courts résumés d’informations de son propre cru. Se composant de réflexions générales, centrées sur la politique intérieure, ils ne font pas concurrence aux journaux. Mais, dès juillet 1940, si l’on en croit la base de données mise à notre disposition, ces bulletins prennent une nouvelle forme. Intitulés « Revue du jour» ou « Chronique du jour », ils fournissent désormais des informations quotidiennes selon un mode qui se rapproche des bulletins ATS. De plus, les chroniqueurs du SOC, habitués au style radiophonique, les rédigent et les lisent eux-mêmes. Cette autonomie contrevient au modus vivendi élaboré antérieurement avec la presse qui perçoit cette nouveauté comme une trahison.

L’apogée du conflit

Une séance de la Commission presse-radio du 24 septembre 1940 met en exergue cette tension. Les journaux sont représentés par l’Association des éditeurs de journaux (Karl Sartorius) et l’Association de la presse suisse (Jean Rubattel). Le président de l’ATS (Rudolf Lüdi) est également présent. Ensemble, ils s’allient pour conserver le monopole de l’Agence sur l’information: son statut officiel constituerait une forme de caution quant à la crédibilité de l’information délivrée. La question d’une concurrence potentielle des chroniques du SOC est également soulevée lorsqu’il est fait état de la possibilité de les écouter en Suisse par le biais de la télédiffusion. Rubattel parle même d’un 5e service d’information qui entrerait directement en concurrence avec les bulletins de l’ATS. Les milieux de la presse proposent que l’ATS se charge de l’élaboration et de la diffusion de ces chroniques. Ils craignent en effet de créer un précédent sur lequel les studios de la SSR pourraient s’appuyer pour élaborer leur propre service d’information.

Pour les représentants de la radio (Alfred W. Glogg, directeur de la SSR, Paul Borsinger, directeur du SOC, et Riccardo Rossi, membre du Comité central de la SSR) et des PTT (Alois Muri), le SOC serait un organe plus compétent que l’ATS dans ce domaine, car il connaît les besoins spécifiques de la radio et des Suisses de l’étranger. En outre, des bulletins plus orientés sur l’information internationale leur semblent adéquats. En se présentant comme un organe principalement destiné à la Cinquième Suisse, le SOC réfute l’argument de la concurrence: le public visé n’est pas le même. La radio internationale suisse tient désormais, selon eux, un rôle essentiel au sein de la politique fédérale. En diffusant ses émissions à destination à l’étranger, elle se fait en quelque sorte l’ambassadrice de la Suisse. Par ce statut, le SOC justifierait donc une exception.

Les autorités fédérales essayent de concilier les particularités du SOC et les intérêts de la presse. Par souci de consensus, elles proposent que l’ATS demeure la source d’information principale, mais elles permettent au SOC de conserver la rédaction et la lecture des chroniques à l’antenne, une proposition refusée par les journaux, mais qui deviendra la règle dès le début de l’année 1941. Ainsi, les objectifs particuliers poursuivis par le Service suisse des ondes courtes ont permis d’ouvrir une brèche.

Ivan Campari et Julien Longchamp

Bibliographie

Drack Markus T. (dir.), La radio et la télévision en Suisse: histoire de la Société suisse de radiodiffusion SSR jusqu’en 1958, Baden: Hier + Jetzt Verlag für Kultur und Geschichte, 2000.

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Annexes

1) Procès-verbal de la séance de la Commission presse-radio du 24 septembre 1940 [en pdf] qui donne lieu à un débat entre les représentants de la presse et du secteur radiophonique.

Archives du Service suisse des ondes courtes, SOC A 35-001, «Sitzung der Kommission für den Nachrichtendienst im schweizerischen Rundspruch», 24.09.1940.

2) Exemple d’un bulletin de l’ATS du 9 avril 1940 qui permet de constater les similitudes avec les Chroniques du jour proposées par le SOC.

Détraz Christine, Le pain de la veille [Ensemble multi-supports]: aspects de la vie quotidienne en Suisse romande durant la guerre 1939-1945, Lausanne: LEP Loisirs et pédagogie et Radio suisse romande, 1994. © RTS Radio Télévision Suisse

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Les chroniques au coeur de la programmation du Service suisse des ondes courtes http://wp.unil.ch/ondescourtes/les-chroniques-au-coeur-de-la-programmation-du-service-suisse-des-ondes-courtes/ Mon, 04 Feb 2013 07:19:57 +0000 http://wp.unil.ch/mediahistoire/?p=54 A l’aube de la Seconde Guerre mondiale, la Suisse multilingue ressent le besoin de protéger son identité en renforçant les valeurs qui lui sont propres face à la montée en puissance des pays environnants. Parmi les différentes mesures visant à la « défense spirituelle » du pays, la radio, et plus particulièrement le Service suisse des ondes courtes (SOC), occupent une place de choix. Quelles sont les spécificités du SOC et les atouts qu’il représente dans le cadre de la défense nationale spirituelle?
Les installations de Schwarzenbourg vue du sud-ouest (photo non datée). © swissinfo
Les installations de Schwarzenbourg vue du sud-ouest (photo non datée). © swissinfo.ch

Dans le contexte politique des années 1930, la radio, devenant un média de masse, est utilisée par de nombreux pays comme outil de propagande. La Suisse n’est pas en reste. Comme l’atteste son Message concernant « les moyens de maintenir et de faire connaître le patrimoine spirituel de la Confédération » du 9 décembre 1938, le Conseil fédéral veut mettre en place plusieurs mesures visant au développement de la radiophonie sur le plan international, notamment par le biais des ondes courtes, qui sont alors une technologie nouvellement exploitée, permettant d’atteindre des contrées lointaines.

Ces mesures se traduisent d’abord par une amélioration technique, avec la construction d’un émetteur national à ondes courtes à Schwarzenbourg, et la création officielle d’un Service ad hoc pour gérer spécifiquement sa programmation. S’ensuit alors une augmentation considérable du nombre d’émissions diffusées à destination de l’étranger. Dès 1941, les émissions pour l’Amérique du Nord et du Sud deviennent quotidiennes. Quant au contenu, une mise en parallèle avec la programmation d’un studio régional comme celui de Sottens permet d’en saisir la spécificité. De cette comparaison ressort en premier lieu la place essentielle accordée aux émissions parlées par rapport aux émissions musicales, contrairement à la programmation proposée par Sottens. Plus que divertir, les émissions du SOC doivent avant tout informer et donner de la Suisse une image culturellement valorisante.

Les chroniques, une spécificité du SOC

Une des marques de fabrique du SOC est la prédominance de l’information dans sa grille des programmes. Ces émissions prennent pour la plupart la forme de chroniques. Si certaines sont de simples reprises des studios régionaux, d’autres, comme les Chroniques du jour et les Chroniques politiques et culturelles, sont des productions propres du SOC. Les premières rappellent les faits principaux de la politique internationale, puis nationale. Leur importance est déterminante dans la mesure où elles représentent, notamment pour les auditeurs d’outre-mer, une prise directe avec l’actualité dans une période où il est difficile, voire impossible, d’accéder à la presse helvétique. Les secondes sont dévolues aux grandes questions qui touchent plus particulièrement la politique intérieure comme la censure, la politique d’asile, la démocratie.

Des émissions en 6 langues

Pour passer outre les barrières linguistiques, et ainsi toucher un public plus large, le SOC développe ses chroniques en six langues. Les trois régions linguistiques suisses sont représentées avec l’utilisation de l’allemand, du français et de l’italien. En tant que langues nationales majoritaires, l’allemand et le français sont prédominants et visent principalement un public composé de Suisses résidant hors du pays. Il est à noter que les nouvelles germanophones sont au départ données en dialecte suisse allemand. Toutefois, son utilisation va progressivement être abandonnée au profit de l’allemand standard, certainement pour toucher un auditoire plus vaste. Quant à la catégorie des langues étrangères, elle comporte l’anglais, l’espagnol et le portugais. Cette dernière langue, la seule à ne pas apparaître dans les chroniques référencées dans la base de données mise à notre disposition, sera adoptée vraisemblablement dès 1941 dans les programmes à destination de l’Amérique du Sud. L’usage de ces six langues permet d’étendre la voix de la Suisse à de nombreux pays et de toucher un public qui dépasse celui des Suisses de l’étranger, suivant ainsi les vœux des autorités fédérales émis dès 1938. Les chroniques sont produites dans ce but et constituent, en particulier pour les pays d’outre-mer, le cœur de la programmation sur ondes courtes. La régularité avec laquelle elles sont retransmises et leur fort développement d’après-guerre en font la particularité et le pilier de la programmation du SOC. En promouvant les valeurs suisses à l’étranger par le biais de ces émissions, cette radio internationale se met au service du Conseil fédéral pour jouer un rôle indiscutable en faveur de la défense spirituelle.

Elise Forestier et Sylvain Amos

Bibliographie

Eck Helène (dir.), La guerre des ondes. Histoire des radios de langue française pendant la Deuxième Guerre mondiale, Paris: A. Colin ; Lausanne: Ed. Payot, 1985.

Reymond Marc, « La radio sous le signe de la Défense spirituelle, 1937-1942 », in Drack Markus T. (dir.), La radio et la télévision en Suisse: histoire de la Société Suisse de radiodiffusion SSR jusqu’en 1959, Baden: Hier+Jetzt, 2000, pp. 93-114.

Tous les textes du séminaire

Annexes

1) Extrait audio de la dernière partie de la Chronique du jour du 2 mai 1945, la seule version radiophonique qu’il nous reste.

Le tapuscrit de ce bulletin: la Chronique du jour du 2 mai 1945.

2) Message du Conseil fédéral à l’Assemblée fédérale concernant les moyens de maintenir et de faire connaître le patrimoine spirituel de la Confédération (Du 9 décembre 1938). Extraits choisis [en pdf].

Le Conseil fédéral relève dans ce Message les mesures effectives prises dans le cadre de la défense spirituelle du pays et celles qu’il reste à prendre. Il met en avant les progrès à accomplir dans le domaine radiophonique, notamment en ce qui concerne les ondes courtes. Il est intéressant de noter l’importance donnée au média radiophonique dans la préservation du sentiment d’identité nationale, ainsi que le projet de mettre en place une véritable propagande culturelle suisse.

Message du Conseil fédéral à l’Assemblée fédérale concernant les moyens de maintenir et de faire connaître le patrimoine spirituel de la Confédération (Du 9 décembre 1938), Feuille fédérale, Vol. 2, Cahier 50, 14.12.1938, pp. 1001-1043.

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La « voix de la mère-patrie » http://wp.unil.ch/ondescourtes/la-voix-de-la-mere-patrie/ Mon, 04 Feb 2013 07:18:22 +0000 http://wp.unil.ch/mediahistoire/?p=57 A l’aube de la Seconde Guerre mondiale, 430’000 Suisses sont établis à l’étranger sans compter les citoyens binationaux, soit le dix pour cent de la population. Dans le contexte de défense nationale spirituelle, le maintien des liens entre la Suisse et ses ressortissants devient une priorité pour la Confédération helvétique. Pour ce faire, la radio constitue un moyen de communication privilégié. Alors que la presse suisse rencontre des difficultés à s’exporter, le Service suisse des ondes courtes (SOC) permet la transmission d’émissions radiophoniques à l’autre bout du monde.
Place centrale de la revue Echo éditée en Suisse par la Nouvelle Société helvétique (NSH) et destinée aux expatriés. © Lätt Arnold, Les Suisses dans le vaste monde, publ. par la Nouvelle Société helvétique et la Commission des Suisses à l’étranger, Lausanne : Ed.Spes, 1931.
Place centrale de la revue Echo éditée en Suisse par la Nouvelle Société helvétique (NSH) et destinée aux expatriés. © Lätt Arnold, Les Suisses dans le vaste monde, publ. par la Nouvelle Société helvétique et la Commission des Suisses à l’étranger, Lausanne : Ed.Spes, 1931.

La volonté d’entretenir les liens avec les expatriés ne date pas de la Seconde Guerre mondiale. Dès 1914, la Nouvelle Société helvétique (NSH) se forme à Berne. Cette association se donne notamment pour but de « resserrer les liens et multiplier les relations des Suisses à l’intérieur du pays et à l’étranger. » A cet effet, elle crée un Secrétariat des Suisses à l’étranger en 1916. Dans la conception de la NSH, les Suisses de l’étranger sont perçus comme une extension de leur pays d’origine, d’où leur importance. Elle les désigne comme la « Cinquième Suisse », après l’acceptation en 1938 du romanche en tant que quatrième langue nationale. Estimant que les ressortissants suisses sont avant tout les ambassadeurs de leur pays d’origine, la NSH édite à leur intention, en 1927, le manuel Ta Patrie, censé leur donner les connaissances nécessaires pour propager la culture helvétique de par le monde et défendre ses intérêts.

En raison de sa spécificité, le Service suisse des ondes courtes permet de donner une autre envergure à ces démarches en diffusant des émissions régulières destinées à un public international large, mais également aux Suisses de l’étranger, depuis l’émetteur à ondes courtes de la Société des Nations à Prangins dès 1934, puis par le biais de l’émetteur national de Schwarzenbourg dès l’été 1940. Ces émissions constituent un moyen efficace pour faire entendre la « voix de la mère-patrie ».

Représentation de la Cinquième Suisse dans les chroniques du SOC

Les chroniques, ayant pour sujet spécifiquement les colonies helvétiques, donnent une idée de la perception que les journalistes du SOC se font des Suisses de l’étranger. Ces derniers sont considérés comme des émissaires au service de la Suisse. En promouvant le savoir-faire helvétique dans des domaines tels que l’économie, la technologie ou l’agriculture, ils participeraient à son rayonnement. C’est pourquoi, le SOC essaie, par le biais de ses bulletins, de soigner ce public-là, en lui témoignant son soutien dans les moments difficiles. Il ne faut pas oublier que les expatriés connaissent souvent une situation précaire dans les pays en guerre.

Un autre instrument: la revue Echo

La revue Echo, éditée depuis 1921 par le Secrétariat des Suisses à l’étranger, poursuit des buts similaires. Une certaine complémentarité l’unit au SOC. Le médium papier propose parfois la grille des programmes de la radio internationale suisse, des articles les annonçant ou vantant l’utilité d’un tel service. De plus, tout comme la radio, Echo franchit les frontières pour se retrouver dans les clubs, sociétés ou familles des Suisses de l’étranger. La revue demeure une des seules publications dont la diffusion a été autorisée par la censure allemande. Contrairement au SOC, Echo s’adresse uniquement aux Suisses de l’étranger. Le public visé représente donc l’une des différences centrales entre les deux médias. En outre, le SOC, par le biais de ses chroniques, propose une information quotidienne, alors que la revue paraît mensuellement. Néanmoins, tous deux se rejoignent pour participer à l’effort de propagande à destination des Suisses de l’étranger, un effort particulièrement encouragé par la Confédération en ces temps de guerre.

Sophie Chiffelle

Bibliographie

Arlettaz Gérald et Graf Christoph (dir.), Die Auslandschweizer im 20. Jahrhundert = Les Suisses de l’étranger au XXe siècle, Etudes et Sources, Archives Fédérales Suisses, n° 28, Berne: P. Haupt, 2002.

Guanzini Catherine et Wegelin Peter, Kritischer Patriotismus: Neue Helvetische Gesellschaft = Patriotisme critique: Nouvelle Société Helvétique = Patriottismo critico: Nuova Società Elvetica: 1914-1989, Berne: P. Haupt, 1989.

Tous les textes du séminaire

Chroniques

Les deux Chroniques politiques et culturelles des 25 août 1943 (anglais) et 23 juillet 1944 (anglais), qui ont pour unique objet la question des Suisses de l’étranger, ont été réalisées à presque une année d’intervalle. Toutefois, les thématiques abordées ne varient guère, à savoir la situation des colonies suisses en temps de guerre, et par conséquent, celle des expatriés.

Annexes

1) Présentation du Service suisse des ondes courtes par Paul Borsinger, son premier directeur [en pdf]. Il explique le double but du Service, à savoir renforcer les liens avec les expatriés tout en faisant connaître la position de la Suisse parmi les autres nations.

Echo: revue des Suisses de l’étranger, Olten: Edition Otto Walter, S.A., juin 1940, pp. 10-11.

2) Nombre de ressortissants suisses à l’étranger 1926-1992 [en pdf].

Ces chiffres officiels ne prennent pas en compte les Suisses installés à l’étranger qui possèdent une double nationalité et ceux qui ne sont pas annoncés auprès d’un consulat. Il faut alors les revoir nettement à la hausse. Pour ces raisons, il est difficile d’estimer le nombre exact d’expatriés helvétiques.

Marc Perrenoud, « Aperçu sur les Suisses de l’étranger et la décolonisation en Afrique », in Arlettaz Gérald et Graf Christoph (dir.), Die Auslandschweizer im 20. Jahrhundert = Les Suisses de l’étranger au XXe siècle, Archives Fédérales Suisses, Etudes et Sources, n° 28, Berne: P. Haupt, 2002, p. 330.

Liens

Sur la défense nationale spirituelle
(Dictionnaire historique de la Suisse)

Sur les Suisses de l’étranger
(Dictionnaire historique de la Suisse)

Sur la Nouvelle Société helvétique
(Dictionnaire historique de la Suisse)

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Quand Pierre Béguin défend la censure http://wp.unil.ch/ondescourtes/quand-pierre-beguin-defend-la-censure/ Mon, 04 Feb 2013 07:17:54 +0000 http://wp.unil.ch/mediahistoire/?p=60 Dans le Dictionnaire historique de la Suisse, le journaliste Pierre Béguin est décrit comme un « champion énergique de la liberté de presse». Cette réputation semble méritée quand on lit son essai de 1951 sur la Seconde Guerre mondiale, Le Balcon sur l’Europe. Il s’en prend alors à la politique de censure menée par la Confédération : « La Suisse s’est laissée contaminer par les doctrines totalitaires », écrit-il. Pourtant, pendant la guerre, celui-ci a défendu dans un premier temps la censure dans ses chroniques radiophoniques.
Pierre Béguin au micro (photo non datée). © swissinfo
Pierre Béguin au micro (photo non datée). © swissinfo.ch

Au moment où la guerre éclate, Béguin est un journaliste de seulement 36 ans, mais déjà reconnu en Suisse romande. Correspondant à Berne pour La Suisse, puis dès 1941 pour le Journal de Genève, il travaille également pour la Société suisse de radiodiffusion (SSR), au Service suisse des ondes courtes (SOC). Deux fois par semaine, les auditeurs de l’étranger entendront sa voix, à l’occasion de brèves Chroniques politiques sur la politique intérieure. A la radio – comme dans la presse –, il commente à de nombreuses reprises le régime de censure instauré par les autorités.

A la radio, une présentation peu objective des faits

Le 8 septembre 1939, le Conseil fédéral édicte un arrêté chargeant l’armée de surveiller les médias suisses. Cette tâche est déléguée à la Division Presse et Radio (DPR) – d’abord placée sous la direction du commandement de l’armée, puis du Département de justice et police dès janvier 1942.

Que dit Béguin à ce propos ? Ses chroniques du 29 novembre 1939 et du 3 juin 1940 sont exemplaires du point de vue qu’il défendra à l’antenne tout au long de la guerre : la presse serait encore libre. Le journaliste fait remarquer que la Suisse ne connaît pas un régime de censure préventive, contrairement aux États totalitaires. En outre, ce contrôle se limiterait à l’actualité internationale. Les journalistes recevraient seulement « des avis et des conseils » des autorités. La Suisse étant neutre, ils doivent, entre autres, éviter les « injures » et montrer « une certaine retenue » en évoquant les pays belligérants, mais « sans rien taire à leurs convictions » précise le chroniqueur.

Béguin admet que, « s’il y a des abus patents, un journaliste peut faire l’objet de sanctions ». Toutefois, selon lui, celles-ci seraient « extrêmement rares », car les journalistes s’imposeraient d’eux-mêmes une « discipline spontanée ». Rien de trop restrictif donc. Il en conclut : « Notre régime de la presse reste l’un des plus libéraux qui subsistent encore en Europe ».

Béguin a raison de mentionner que la censure helvétique intervient après la publication des informations. Mais la présentation qu’il donne de ce régime est très éloignée de la réalité. D’abord, l’État a fait bien plus que « conseiller » les journalistes. Certaines thématiques ont été interdites : les critiques de l’armée, les récits de personnes rentrant de l’étranger, etc. Aussi, la presse reçoit régulièrement de la DPR des instructions lui prescrivant comment traiter certains événements de l’actualité. La circulaire, envoyée aux rédactions le 18 juin 1940, démontre que les indications sont très précises et laissent peu de marge de manœuvre aux journalistes.

Par ailleurs, l’idée d’une « discipline spontanée » n’est pas aussi nette que Béguin le prétend. La DPR réprimande quotidiennement la presse. Ce sont surtout les commentaires sur l’actualité internationale qui posent problème. Les autorités estiment que de nombreux journaux ne sont pas assez « neutres » et prennent parti, en particulier pour les Alliés. Les sanctions pleuvent. L’historien Georg Kreis a recensé 1560 remises à l’ordre frappant des articles critiques à l’encontre des forces de l’Axe et 123, des propos anti-alliés. La presse socialiste fait l’objet d’un acharnement spécifique. L’« indisciplinée » Basler Arbeiter Zeitung – organe du parti socialiste – est ainsi avertie 134 fois entre janvier 1942 et mars 1944.

Béguin ne pouvait ignorer ces réalités. Comme beaucoup de journalistes, il collabore avec la DPR en tant que consultant.

La radio davantage surveillée que la presse écrite

Dès que Béguin n’occupe plus de fonctions au sein de la DPR, il se montre plus critique à l’égard d’une censure qui tend pourtant à s’atténuer vers la fin du conflit. Par exemple, le 11 mars 1944, il note dans le Journal de Genève que « le contrôle de la presse n’est pas toujours exercé par des hommes compétents ». Le 27 octobre, le journaliste hausse le ton dans l’hebdomadaire Servir. Il commente avec soulagement l’assouplissement des mesures de censure. « Une démocratie ne peut se maintenir à la longue, si l’opinion n’est pas libre », écrit-il. La vision d’une presse libre, qu’il a présentée jusqu’alors dans les chroniques radiophoniques, est ici remise en question. En mai 1945, Béguin se plaint dans le Journal de Genève que la censure ne soit pas abolie. Extrêmement virulent, il multiplie les attaques. Ainsi, l’arrêté qui soumet à une autorisation de l’État tout nouveau journal est qualifié de « particulièrement odieux ».

Ces articles prouvent que Béguin partage déjà l’opinion critique sur la politique de censure qu’il défendra, en 1951, dans son Balcon sur l’Europe. Pourquoi est-il plus sévère à partir de 1944 ? On a évoqué son départ de la DPR. N’étant plus lui-même un « censeur »,  il retrouve son indépendance et peut s’exprimer plus librement sur le sujet dans la presse. Il ne fera pourtant pas part de ses critiques dans les chroniques radiophoniques et poursuit même sa collaboration avec un SOC toujours sous haute surveillance.

La SSR est davantage contrôlée que la presse écrite. En plus d’être soumise à l’œil avisé de la DPR, celle-ci est placée sous la tutelle du Département des postes et des chemins de fer dès septembre 1939. Intégrée dans la hiérarchie administrative des PTT, la SSR – renommée alors Service de radiodiffusion suisse (SR) – est davantage sous l’emprise de la politique gouvernementale que les journaux. Les manuscrits de la plupart des émissions sont lus par le directeur du SR, Alfred Glogg, ou l’un des directeurs des studios régionaux avant leur diffusion, réalités que se garde bien de décrire Béguin. Par ailleurs, l’orientation internationale des émissions du SOC a certainement également astreint le journaliste à moduler quelque peu ses propos.

A l’antenne, notre « champion de la liberté de presse » a donc été contraint d’infléchir son discours.

Grégoire Luisier

Bibliographie

Bertholet Denis et al., Pierre Béguin, journaliste et témoin de son temps: un demi-siècle d’histoire de la Suisse, 1930-1980, Hauterive: Ed. Gilles Attinger, 2008.

Kreis Georg, Zensur und Selbstzensur: die schweizerische Pressepolitik im Zweiten Weltkrieg, Frauenfeld, Stuttgart: Huber, 1973.

Tous les textes du séminaire

Chroniques

Dans les chroniques du 29 novembre 1939 et du 3 juin 1940, Pierre Béguin argumente que le régime suisse en matière de presse est compatible avec les principes du libéralisme. Pour le prouver, son principal ressort rhétorique est de minimiser l’impact de la censure. Cela commence par le choix des mots. Il évite d’employer le terme «censure» et préfère parler de «contrôle des journaux» (euphémisme révélateur). Béguin considère le régime des États totalitaires comme le lieu où s’exerce une «véritable censure». Se référer à ces pays, où la presse est soumise à une censure préventive rigoureuse, lui permet de faire apparaître les mesures helvétiques comme légères et donc encore «libérales».

En règle générale, la Division Presse et Radio a contrôlé les émissions de la SSR après leur diffusion. Toutefois, entre mai et septembre 1944, une vingtaine de Chroniques politiques du SOC ont été soumises à la censure préventive de la DPR. Ceci est attesté par la présence d’une Imprimatur sur les manuscrits des émissions, par exemple sur celui de la chronique du 20 mai 1944.

Annexes

1) Proclamations et dispositions générales de la Division presse et radio à l’Etat-major de l’armée [en pdf]. Le 8 septembre 1939, la Division Presse et Radio établit une liste de sujets interdits.

Prescriptions relatives au contrôle de la presse: édition de décembre 1944, Berne: [s.n.], 1944, p. 43.

2) Circulaire envoyée aux chefs de presse des arrondissements territoriaux le 18 juin 1940 [en pdf]. Ce document sera transmis, le jour-même, aux rédactions.

Bourgeois Daniel, La presse suisse pendant la Deuxième Guerre mondiale, Lausanne: Formation continue des Journalistes, 1983, p. 21.

3) «Lois inapplicables, lois inappliquées». Extrait de l’article de Pierre Béguin sur la censure, publié dans Servir le 27 octobre 1944.

Denis Bertholet et al., Pierre Béguin, journaliste et témoin de son temps: un demi-siècle d’histoire de la Suisse, 1930-1980, Hauterive: Ed. Gilles Attinger, 2008, p. 192.

4) Rapport du Conseil fédéral sur la censure pendant la Seconde Guerre mondiale (du 27 décembre 1946) [en pdf].

Audiovisuel

Extrait de l’émission de la TSR Continents sans Visa du 1er octobre 1964 [archives RTS]. Pierre Béguin s’exprime à propos des «tabous» de la presse suisse dans les années 1960 (l’avortement, la remise en question de l’armée) qui ne sont pas tout à fait les mêmes que ceux des années de guerre.

Liens

Sur Pierre Béguin
(Dictionnaire historique de la Suisse)

Sur la censure en Suisse
(Dictionnaire historique de la Suisse)

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Communi(qu)er : la Mobilisation générale http://wp.unil.ch/ondescourtes/communiquer-la-mobilisation-generale/ Mon, 04 Feb 2013 07:16:48 +0000 http://wp.unil.ch/mediahistoire/?p=65 Le rôle du Service des ondes courtes (SOC) lors de la Seconde Guerre mondiale fut en premier lieu d’informer les Suisses expatriés. Cette radio internationale se distingue de l’Agence télégraphique suisse (ATS) et de la presse écrite notamment par l’importance qu’elle accorde à la forme de ses chroniques, cherchant par ce biais à atteindre une véritable communion entre les Suisses à travers le globe.
Affiche de mobilisation générale, 1939. © RDB / ATP
Affiche de mobilisation générale, 1939. © RDB / ATP

Durant la Seconde Guerre mondiale, le SOC, sous l’égide du Service de radiodiffusion (nom pris par la SSR au cours de la guerre), s’adresse en priorité aux auditeurs suisses vivant à l’étranger. Ce média, contrairement à une presse partisane et d’information s’adressant avant tout à un public suisse, a vocation à toucher une audience internationale. Cette différence d’auditoire est importante car elle influence la manière même de rendre l’information. En effet, alors que les citoyens vivant en Suisse étaient avant tout attirés par les informations pratiques qu’ils pouvaient trouver dans la presse écrite, l’intérêt des citoyens établis à l’étranger résidait principalement dans l’accès à une information non soumise à la propagande des belligérants.

L’information radiophonique : rapidité et proximité

La radio se distingue par la rapidité avec laquelle elle peut transmettre l’information. Dans la Chronique politique du 28 août 1939, on annonce officiellement la mobilisation partielle, ce qui ne sera fait dans la presse écrite que le lendemain. Une allocution du président de la Confédération Philipp Etter, publiée également  dans un titre comme la  Gazette de Lausanne, est donnée à entendre. Notre source ne nous permet pas de savoir sous quelle forme le discours a été retransmis, s’il a été lu par le journaliste ou s’il s’agit d’un enregistrement.

L’information racontée comme une histoire

La chronique du 30 août s’adresse clairement aux concitoyens expatriés. Le chroniqueur raconte le déroulement de  la journée du lundi 28 août 1939 : le vote des pleins pouvoirs au Conseil fédéral et l’élection du Général Guisan. Au-delà de l’information délivrée, le journaliste veut faire partager ces évènements à tous les Suisses de l’étranger qui n’ont pas eu « le privilège » d’assister à cette « manifestation d’une grande beauté » qui restera à jamais gravée dans les mémoires. La rhétorique est incantatoire et la tonalité appartient au registre du sermon. Alors que les bulletins de l’ATS sont élaborés dans le but de délivrer une information brute, le SOC semble plus attentif à la forme qu’au contenu. Les mots sont choisis avec soin pour (r)éveiller le sentiment patriotique des citoyens expatriés. La Gazette de Lausanne, pour sa part, dans son numéro du 29 août 1939, relate les événements de manière très factuelle.

Le SOC rassemble les Suisses du monde entier

Le chroniqueur parle et relate les faits de manière à capter l’attention de l’auditeur. Il s’adresse directement à lui en l’impliquant dans son récit : « Nous vous l’avons dit ici même tout dernièrement ». Les expressions sont conformes au caractère exceptionnel de la situation. Lorsque le journaliste évoque l’élection du Général Guisan par exemple (Chronique politique du 30 août 1939), celle-ci est présentée comme un choix unanime. En faisant abstraction des quelque 21 voix qui s’étaient portées sur son rival Jules Borel, l’élection est élevée au rang d’un acte quasi sacré.

Contrairement à la presse écrite qui relate cette élection de manière factuelle, la chronique du SOC revêt un caractère solennel. Ce n’est pas uniquement un journaliste qui s’adresse aux auditeurs, mais l’expression d’une forme de communion entre les différents Suisses à travers le monde autour des valeurs d’unité et de solidarité. Un message de confiance est passé : la Suisse veille, elle monte la garde. On rappelle ainsi aux Suisses du monde entier qui ils sont et surtout d’où ils viennent. De physique et militaire, la mobilisation devient spirituelle.

Constance Dayer

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Chroniques

Dans la chronique du 28 août 1939, le Service des ondes courtes rappelle la position spécifique de la Suisse au sein des Etats neutres européens.

Dès le 28 août 1939, la mobilisation des troupes de couverture de la frontière est décidée; deux jours plus tard, le Parlement vote les pleins pouvoirs et élit le Général Guisan. La chronique du 30 août 1939 revient sur ces événements avec une certaine emphase. La mobilisation générale de l’armée – 430’000 militaires et 200’000 complémentaires – se déroulera du 3 au 5 septembre dans un très grand calme; l’Exposition nationale, fermée le 1er septembre, rouvrira 4 jours plus tard.

Annexe

Un article, paru dans la Gazette de Lausanne [en pdf] le 29 août 1939 et intitulé «Une mesure de prudence et de sécurité», annonce la levée des troupes de couverture de la frontière de manière très factuelle.

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Pearl Harbour, attaque surprise ou provoquée ? http://wp.unil.ch/ondescourtes/pearl-harbour-attaque-surprise-ou-provoquee/ Mon, 04 Feb 2013 07:15:13 +0000 http://wp.unil.ch/mediahistoire/?p=67 Le 8 décembre 1941, le Service suisse des ondes courtes (SOC) émet un bulletin d’information dans lequel est annoncé un événement qui va changer le cours de la Seconde Guerre mondiale : l’attaque japonaise de Pearl Harbour. On verra ici de quelle manière cet événement a été présenté par les médias suisses. Ceux-ci relaient-ils la position officielle américaine d’une attaque surprise ou replacent-ils l’épisode dans le cadre des tensions croissantes qui marquent les relations entre le Japon et les Etats-Unis durant l’année 1941?
L’USS Arizona, le 7 décembre 1941. © Library of Congress, Prints & Photographs Division, FSA/OWI Collection, reproduction number, LC-USE62- D-OA-000189
L’USS Arizona, le 7 décembre 1941. © Library of Congress, Prints & Photographs Division, FSA/OWI Collection, reproduction number, LC-USE62- D-OA-000189
Le 7 décembre 1941, à 7h49, l’armée japonaise lançait une attaque sur les îles Hawaï dans l’océan Pacifique, où la flotte américaine était amarrée. Cette attaque, qui a causé d’importantes pertes tant matérielles qu’humaines du côté américain, a conduit à l’entrée en guerre des Etats Unis.

La chronique du 8 décembre 1941 est presque exclusivement consacrée à cette nouvelle : elle souligne les conséquences très graves de cet événement tout en réaffirmant le principe de la neutralité intégrale qui oriente la politique helvétique. Synthèse très concise, elle ne parle pas des dégâts engendrés par l’offensive japonaise.

Si les Chroniques du jour se déclinent dans plusieurs langues, elles ne sont pas la traduction exacte l’une de l’autre. La version française précise : « la crise dans le Pacifique s’était dénouée de la façon prévue par les observateurs les moins portés au pessimisme ». Cette formule quelque peu alambiquée laisse entendre que l’extension du conflit aurait été souhaitée par certains; sous la neutralité et la factualité du propos affleure une prise de position, certes euphémisée, qui témoigne d’une forme de soulagement par rapport à cette issue.

La version allemande, quant à elle, souligne – dans un jeu de mot involontaire – que l’attaque de Pearl Harbour n’intervient pas «dans un ciel serein», tout en évoquant une forme d’escalade et de durcissement dans les relations entre les Etats-Unis et le Japon au cours des derniers mois. Si on insiste sur l’échec des démarches «conciliatrices» de Roosevelt, une distance est maintenue vis-à-vis de la condamnation unilatérale de l’«agression nippone», telle qu’on peut la lire dans les communiqués et la version officielle américaines.

Des regards contrastés

Lorsque l’on compare le Service des ondes courtes et la presse, on remarque que le SOC a généralement un temps de réaction plus bref que la presse. Toutefois dans ce cas, et comme on peut le lire dans la Chronique du jour en français, la nouvelle du bombardement a donné lieu à des éditions spéciales des journaux dès l’après-midi du 8 décembre 1941.

La prudence des chroniques du SOC contraste avec le parti-pris de la Gazette de Lausanne que l’on peut lire dans un article en date du 10 décembre : « Mais il reste chez les peuples comme une répulsion instinctive en face d’une brusque agression que rien n’a précédée, qui surprend un adversaire sans défense. Le mouvement panaméricain [l’Amérique latine ayant aussitôt déclaré la guerre au Japon] est-il une revanche de la morale ? » Cet extrait exprime la position pro-américaine tenue par le journal face à cet événement.

En définitive, le SOC est tenu à une très grande prudence dans le traitement de l’actualité internationale. Notre analyse montre toutefois que les Chroniques du jour, bien qu’elles soient beaucoup plus prudentes que la presse quant à tout jugement de valeur, dévoilent parfois un certain point de vue sur l’événement. L’étude de cas montre plus globalement que le SOC se distingue aussi bien de la version partisane de la Gazette de Lausanne que de la version officielle américaine qui juge l’attaque inattendue et couarde.

Giorgia Andreani

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Chroniques

La version française de la Chronique du jour du 8 décembre 1941 permet de constater l’importance de l’attaque de Pearl Harbour qui a débouché sur l’entrée en guerre des Etats-Unis. Indépendamment de la relation des faits, le texte montre que l’attaque n’était pas totalement inattendue. On remarque aussi l’absence d’information concernant les dégâts causés par l’attaque.

La version allemande de la Chronique du jour du 8 décembre 1941 n’est pas une traduction littérale de la version française; elle insiste plus sur l’échec des négociations entre l’Amérique et le Japon qui ont précédé l’attaque. Cette chronique resitue ainsi l’épisode dans l’évolution récente des relations politiques et économiques bilatérales dont le Pacifique est le théâtre. Pour l’auteur, et contrairement à la version officielle américaine, les forces américaines n’ont pas été prises par surprise.

Annexes

1) Dans son édition du 9 décembre 1941, la Gazette de Lausanne reprend, par le biais des agences et sans autre commentaire, les déclarations de guerre, respectivement du Japon, de la Grande-Bretagne et des Etats-Unis. Le message de Roosevelt insiste sur le double jeu du gouvernement japonais qui visait à poursuivre la négociation, tout en préparant activement l’attaque aérienne.

2) Après avoir rendu compte des réactions officielles à l’attaque de Pearl Harbour, la Gazette de Lausanne du 10 décembre 1941 propose son analyse des événements. Le journaliste souligne le spectaculaire revirement de l’opinion publique américaine quant à l’entrée en guerre, en en rendant responsable les conditions qui ont présidé au lancement de l’offensive japonaise.

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Paris brûle-t’il ? http://wp.unil.ch/ondescourtes/paris-brule-til/ Mon, 04 Feb 2013 07:13:31 +0000 http://wp.unil.ch/mediahistoire/?p=69 Les enjeux politiques de la libération de la France transparaissent dans les Chroniques du jour du Service suisse des ondes courtes (SOC) et révèlent la lutte qui oppose les Alliés et les Forces Françaises de l’Intérieur (FFI) pour la gestion du territoire jusqu’au terme du conflit mondial.
La foule sur les Champs-Elysées, le 26 août 1944. © Library of Congress, Prints & Photographs Division, FSA-OWI Collection, reproduction number, LC-USW36-1 A
La foule sur les Champs-Elysées, le 26 août 1944. © Library of Congress, Prints & Photographs Division, FSA-OWI Collection, reproduction number, LC-USW36-1 A

Le projet du débarquement en Normandie, concerté entre les Alliés, révèle dès sa planification de vifs débats autour de la capitale française. Les forces alliées veulent progresser le plus rapidement possible en direction du bassin de la Ruhr afin de détruire l’industrie allemande, comme l’écrit le général Bradley dans ses mémoires: « La ville (Paris) n’avait plus aucune signification tactique. En dépit de sa gloire historique, Paris ne représentait qu’une tache d’encre sur nos cartes ». Libérer la capitale française  ne ferait que ralentir les troupes alliées et demanderait un effort logistique immense afin de ravitailler la ville après le départ des Allemands.

L’écho des ondes courtes

Pour ces différentes raisons, la libération de Paris n’est pas l’objectif immédiat des commandants alliés, qui subissent en revanche la pression exercée par le chef de la France Libre, le Général de Gaulle. Pour celui-ci, la libération de Paris est au contraire absolument prioritaire et doit se faire par une unité française. Les FFI sont entrées dans la capitale le 19 août 1944 et le 23, le Service suisse des ondes courtes (SOC) annonce la libération de Paris en reprenant une information de la BBC. Cette nouvelle anticipe la libération effective qui n’aura lieu en réalité que le 25 août. Les FFI, d’où provient l’information, veulent mettre en avant, par cette manœuvre médiatique, le rôle prépondérant joué par les Français dans la libération de la ville et garantir la place du pays à la table des vainqueurs du conflit. La chronique précise que « sa population s’est soulevée contre les Allemands » et plus loin, « la lutte de quatre jours a opposé 50’000 patriotes armés aux troupes d’occupation allemandes et aux collaborationnistes de Vichy ». Les FFI insistent dans leur communiqué sur la libération de la ville par leurs soins. En effet, l’ombre de l’Allied Military Government of Occupied Territories (AMGOT), section des états-majors alliés, plane sur la France. Charles de Gaulle est convaincu que le seul moyen d’éviter une transition gouvernementale sous l’autorité américano-britannique est d’entrer dans Paris en qualité de chef de la France Libre, avec l’entière adhésion des Français. Pour le futur chef de l’État, c’est à cet instant que se dessine la France de demain.

Sur le plan radiophonique, la BBC, qui avait relayé la proclamation des FFI, se fait remettre à l’ordre par le grand quartier général allié et doit, dès le lendemain,  apporter un correctif au communiqué de la veille. Le 24 août 1944, la chronique du SOC souligne à son tour que «Paris n’a pas encore été libéré» et que les FFI ont demandé l’intervention des Alliés. De Gaulle obtiendra toutefois ce qu’il souhaitait afin de préserver sa liberté de manoeuvre en France: c’est une division française, celle du Général Leclerc, qui pénètre la première dans la capitale.

La libération de la France n’a pas suscité uniquement l’enthousiasme perceptible généralement à travers les images d’archives. D’importants désaccords divisent les Alliés et sont dissimulés derrière la simple mention de la chronique du 23 août: « Paris est libéré ».

Baptiste Jaccard et Damien Chenevard

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Chroniques

La libération de la France suscite l’enthousiasme des pays alliés depuis un mois. La progression des troupes débarquées en Normandie annonce la fin d’une guerre qui n’a que trop duré. Les combats pour la libération de Paris commencent le 19 août 1944. Cela fait donc quatre jours que les médias n’ont pas de nouvelles de la capitale française et le monde retient son souffle. C’est pourquoi, lorsque la BBC annonce la libération de Paris, cette information est reprise avec empressement par le SOC dans sa Chronique du jour du 23 août 1944.

Suite à l’annonce de la veille, la BBC dans un premier temps, puis le Service des ondes courtes dans un second temps, font un correctif (Chronique du jour du 24 août 1944). La lutte pour Paris reflète la rivalité entre Français et Anglo-saxons pour la gestion du territoire. Après qu’une source française a annoncé de manière anticipée la libération de Paris sans l’aide des Alliés, ceux-ci ont tenu à corriger la nouvelle et souligner que rien ne pouvait se faire sans leur aide.

Audiovisuel

Extrait sonore tiré de Luneau Aurélie, Radio Londres: les voix de la liberté (1940-1944), Paris: Perrin, 2005.

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Guerre des (m)ondes : L’URSS vue par le Service suisse des ondes courtes http://wp.unil.ch/ondescourtes/guerre-des-mondes-lurss-vue-par-le-service-suisse-des-ondes-courtes/ Mon, 04 Feb 2013 07:12:00 +0000 http://wp.unil.ch/mediahistoire/?p=72 Si au début de la Seconde Guerre mondiale les relations économiques et politiques entre la Suisse et l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques sont inexistantes, elles vont évoluer au cours du conflit. Le Service suisse des ondes courtes (SOC) transmet à son auditoire international une vision contrastée de ces relations bilatérales et de l’idéologie communiste elle-même.
Affiche créée en 1944 par l’artiste Hans Erni pour le Comité pour le rétablissement des relations entre la Suisse et l’URSS. © Catalogue collectif suisse des affiches, Bibliothèque nationale suisse.
Affiche créée en 1944 par l’artiste Hans Erni pour le Comité pour le rétablissement des relations entre la Suisse et l’URSS. © Catalogue collectif suisse des affiches, Bibliothèque nationale suisse.

Après la Première Guerre mondiale, toute relation diplomatique officielle entre l’URSS et la Suisse est suspendue malgré la neutralité proclamée par la Confédération helvétique. Le Conseil fédéral rompt avec les autorités soviétiques sous le prétexte de leur prétendue implication dans les événements de la Grève générale de 1918. En 1923, le délégué soviétique Vatzlav Worowski est assassiné à la Conférence de Lausanne par Moritz Conradi, un Suisse de Russie. Cette affaire fait grand bruit en URSS, surtout quand le tribunal vaudois acquitte le coupable, ce qui provoque le boycott commercial de la Suisse par l’URSS. A partir des années 1930, un groupement pour la restauration des relations avec l’URSS est fondé; ses membres proviennent pour la plupart des milieux de l’industrie, mais ils ne parviennent pas à contrebalancer le très fort anticommunisme qui prévaut au sein de la société suisse.

Renouer le dialogue sous l’angle économique

C’est au moment où le Pacte germano-soviétique est signé, le 23 août 1939, que l’on remarque une évolution progressive dans l’attitude du SOC vis-à-vis des relations Suisse-URSS. Les chroniques montrent notamment sous un jour favorable les démarches entreprises pour le rétablissement des contacts économiques. Dans une Chronique du jour du 9 janvier 1941, il est fait mention de relations officieuses entre les deux pays. Le journaliste évoque l’envoi d’une délégation économique suisse à Moscou et la nécessité de telles transactions pour le commerce extérieur helvétique.

Une position schizophrénique 

Paradoxalement, la vision du communisme reste très négative. Les chroniques du SOC peuvent se montrer virulentes à l’égard de l’URSS, n’hésitant pas à la considérer comme une puissance qui cherche à étendre son « hégémonie » sur le monde entier et qui a des revendications incompatibles avec l’honneur et la souveraineté. Ces attaques se retrouvent surtout lors des émissions diffusées entre le 30 novembre 1939 et le 13 mars 1940, dates de la guerre finno-soviétique. Lors de ce conflit, le SOC sort de sa réserve traditionnelle. Par exemple, dans la Chronique politique du 3 janvier 1940, il signale que des sommes importantes sont envoyées à la Croix-Rouge finlandaise comme un hommage « envers l’héroïque Finlande qui lutte pour les plus hautes valeurs spirituelles et verse son sang pour défendre avec ses libertés la cause de l’humanité toute entière ». Un parallèle est tissé entre la Suisse et la Finlande, tous deux des petits pays encerclés par des grandes puissances aux velléités hégémoniques.

Il en va de même pour l’idéologie communiste présente sur le territoire helvétique. En effet, elle est considérée comme un corps étranger qu’il faut combattre. Les différentes démarches pour proscrire le parti communiste suisse , dont l’interdiction sera effective en novembre 1940, et réduire son champ d’action sont annoncées, dans la Chronique politique du 7 août 1940, comme des « œuvres de propreté, de sécurité et de prévoyance politique ».

Entre la politique économique présentée d’un point de vue favorable et l’idéologie communiste vivement décriée, le SOC adopte une position que l’on pourrait qualifier de « schizophrénique ».

Dans la tourmente…

Depuis l’opération Barbarossa, l’URSS devient l’ennemie de l’Allemagne et de ce fait, les chroniques n’évoquent plus les relations entre la Suisse et l’URSS. C’est seulement après Stalingrad, quand l’URSS se profile comme puissance victorieuse, que le SOC relaye de manière positive les efforts de certains parlementaires pour rétablir des relations normales entre les deux pays. Différents pourparlers sont engagés durant l’été et l’automne 1944, mais ceux-ci sont rompus début novembre, l’Union soviétique, via Radio Moscou, refusant de renouer contact avec la Suisse car elle estime que la Confédération a toujours été une alliée d’Hitler. Trois jours plus tard, le 7 novembre 1944, une Chronique du jour reprend le communiqué du Conseil fédéral : «Le reproche de poursuivre une politique hostile à l’URSS ne peut présenter de réalité pour tout observateur impartial directement et complètement informé sur l’attitude de la Suisse, de son gouvernement et de son peuple».

Marek Chojecki et Cristina Eberhard

Bibliographie

Dreyer Dietrich, Schweizer Kreuz und Sowjetstern. Die Beziehungen zweier ungleicher Partner seit 1917, Zurich: Verlag NZZ, 1989.

Pavillon Sophie, L’Ombre rouge. Suisse-URSS 1943-1944. Le débat politique en Suisse, Lausanne: Antipodes, 1999.

Tous les textes du séminaire

Chroniques

La fin de la guerre finno-soviétique est présentée dans la Chronique politique du 13 mars 1940 comme un échec important face à un ennemi de la démocratie. Le chroniqueur n’hésite pas à comparer l’URSS à un pays impérialiste et sans morale. La Suisse, quant à elle, est identifiée à la Finlande: ce sont des petits peuples pacifiques qui cherchent à «vivre en bonne intelligence avec tous [leurs] voisins». La virulence de la chronique face à l’URSS est sans précédent. Pourtant, on remarque que le nom de ce pays et celui de son idéologie ne sont jamais cités.

Durant l’hiver 1939/1940, il n’y a toujours aucun contact commercial entre la Suisse et l’Union Soviétique. Les milieux de l’industrie d’exportation suisses redoutent que l’alliance de l’URSS avec l’Allemagne leur fasse perdre leurs contacts commerciaux avec cette dernière. Le Conseiller fédéral Marcel Pilet-Golaz, responsable du Département politique, se prononce alors pour des discussions d’ordre commercial avec l’URSS, mais contre une entrée en matière diplomatique. La Chronique du jour du 9 janvier 1941 montre une vision positive de l’URSS transmise par le SOC, alors que la situation économique de la Suisse l’exige.

Liens

Sur Marcel Pilet-Golaz
(Dictionnaire historique de la Suisse)

Sur les relations diplomatiques entre la Suisse et l’URSS
(Dictionnaire historique de la Suisse)

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Le SOC et les relations germano-suisses http://wp.unil.ch/ondescourtes/le-soc-et-les-relations-germano-suisses/ Mon, 04 Feb 2013 07:11:43 +0000 http://wp.unil.ch/mediahistoire/?p=75 En novembre 1945, le Service suisse des ondes courtes (SOC) participe à la construction de ce que l’on peut appeler un discours de légitimation au sujet de la politique économique de la Confédération helvétique envers le IIIème Reich, menée pendant la Seconde Guerre mondiale.
Lauchlin Currie, le 17 juillet 1939. Conseiller économique du Président Roosevelt, il représente les Etats-Unis dans le cadre de la délégation alliée qui se rend à Berne du 12 février au 8 mars 1945 pour pousser les autorités suisses à mettre un terme aux relations économiques avec le Reich. © Library of Congress, Prints & Photographs Division, photograph by Harris & Ewing, reproduction number, LC-H22-D- 6999
Lauchlin Currie, le 17 juillet 1939. Conseiller économique du Président Roosevelt, il représente les Etats-Unis dans le cadre de la délégation alliée qui se rend à Berne du 12 février au 8 mars 1945 pour pousser les autorités suisses à mettre un terme aux relations économiques avec le Reich. © Library of Congress, Prints & Photographs Division, photograph by Harris & Ewing, reproduction number, LC-H22-D- 6999

Dans ses prescriptions à l’attention des médias, la Division Presse et Radio (DPR), organe fédéral en charge de la censure, fait figurer la question des relations économiques de la Suisse comme un sujet tabou, à l’exception des déclarations officielles du gouvernement. Malgré cela, à plusieurs reprises, le SOC éclaire son auditoire international sur les circonstances qui poussent la Suisse à traiter avec l’Allemagne. On retrouve ainsi régulièrement des chroniques faisant allusion au manque de matières premières essentielles ou de nourriture qui placent la population suisse en mauvaise posture. Le SOC exprime, de manière certes indirecte, le fait que, sans l’existence d’échanges économiques avec l’Allemagne, la Suisse court à sa perte.

Un bouclier face aux accusations du sénateur Kilgore

En juin 1945, la Suisse se voit critiquée par le sénateur Harley Kilgore, le vice-président de la commission des affaires militaires du Sénat américain. Ce dernier accuse en effet la Suisse d’avoir « saboté » les accords Currie du 8 mars 1945 concernant le blocage des avoirs allemands en Suisse. Il présente copie d’une correspondance entre le vice-président de la Reichsbank Emil Puhl et le ministre allemand des Affaires économiques Walter Funk qui semble indiquer une forme de double jeu de la part des autorités suisses.

La réponse du Conseil fédéral, dont le SOC se fait le porte-voix, est rapide et sans appel. Les Chroniques du jour du 15 et du 16 novembre 1945 font une place importante aux explications et à la défense de la Suisse vis-à-vis de ces attaques. Dans le cadre de la réponse, ou plutôt de cette « riposte », le SOC  joint à l’information officielle donnée par la Berne fédérale une prise de position propre et consacre une partie importante de ces chroniques à ce sujet : «Il faut souhaiter que cette réponse catégorique mettra fin une bonne foi à certaines attaques contre notre petit pays que l’on essaie de discréditer au mépris de toute bonne foi». L’auditoire auquel sont destinées les Chroniques du jour se trouve en dehors des frontières du pays. Le but du SOC est donc de délivrer un message clair au monde sur le fait que la Suisse rejette avec véhémence les accusations du sénateur américain et que l’attitude helvétique a été exemplaire.

Les deux chroniques de la mi-novembre 1945 accordent respectivement 19 et 22 lignes à ce sujet, proportion importante que l’on ne retrouve quasiment jamais sur des sujets économiques. On peut y voir la volonté de la Suisse de défendre sa position ainsi que le rôle de relais que joue le SOC pour la transmission au-delà des frontières d’une image irréprochable de la Confédération.

Le SOC comme acteur diplomatique

Bien que les relations économiques entre la Suisse et l’Allemagne soient un sujet qui doit être traité avec la plus grande prudence, le SOC joue un rôle majeur pour rassurer les milieux économiques et politiques des autres nations. Ce rôle relais se fait durant la guerre en dépit des restrictions imposées par la Division Presse et Radio. Toutefois, ces mesures seront quelque peu assouplies avec la volonté de construire un discours de légitimation vers la fin du conflit mondial, et par la suite. Les commentaires du SOC sur les relations économiques germano-suisses servent dès lors à renforcer le message officiel pour justifier un peu plus le comportement de la Confédération pendant et après la guerre.

Thibault Aegerter et Lionel Varone

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Chroniques

Les Chroniques du jour du 15 novembre 1945 et du 16 novembre 1945 se situent après la fin de la Seconde Guerre mondiale. Les éléments importants pour notre réflexion se trouvent à la fin de chacune de ces deux chroniques lorsque le SOC traite des informations relatives à la Suisse. On y trouve en effet un paragraphe au sujet des accusations portées à l’égard de la Confédération, et plus précisément sur sa politique économique avec l’Allemagne. On peut également y lire la réponse de la Suisse à toutes ces attaques et ainsi relever l’importance du Service suisse des ondes courtes comme relais de ces informations au-delà des frontières du pays. La prise de position de la part du SOC, bien que cela soit un sujet confidentiel, montre l’importance de cet événement.

Annexes

1) Le Président de la Délégation suisse, W. Rappard, aux Chefs des Délégations alliées, L. Currie (USA), P. Charguéraud (FR) et D. Foot (GB), 8 mars 1945 (Documents Diplomatiques Suisses).

2) Commission Indépendante d’Experts Suisse – Seconde Guerre Mondiale, La Suisse, le national-socialisme et la Seconde Guerre mondiale. Rapport final 2001-2002, chapitre 4: Relations économiques internationales et transactions financières.

Liens

Sur la Deuxième Guerre mondiale
(Dictionnaire historique de la Suisse)

Sur la Mission Currie
(Dictionnaire historique de la Suisse)

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La politique espagnole au prisme du SOC : le départ de Suñer en septembre 1942 http://wp.unil.ch/ondescourtes/la-politique-espagnole-au-prisme-du-soc-le-depart-de-suner-en-septembre-1942/ Mon, 04 Feb 2013 07:10:55 +0000 http://wp.unil.ch/mediahistoire/?p=77 Le 3 septembre 1942, le ministre des Affaires étrangères espagnol et chef de la Phalange Serano Suñer est écarté du gouvernement par Franco. C’est un tournant dans la politique étrangère de l’Espagne qui correspond à la modification en cours du rapport de force entre l’Axe et les Alliés. Comment cet épisode va-t-il être traité par les médias suisses et en particulier par le Service suisse des ondes courtes (SOC)?
Entrevue d’Hendaye, 23 octobre 1940. De gauche à droite: Karl Wolff, Himmler, Franco et Ramón Serrano Suñer. © Deutsches Bundesarchiv
Entrevue d’Hendaye, 23 octobre 1940. De gauche à droite: Karl Wolff, Himmler, Franco et Ramón Serrano Suñer. © Deutsches Bundesarchiv

Après avoir été l’un des premiers Etats à reconnaître de jure le gouvernement de Franco, la Suisse intensifie ses relations commerciales avec l’Espagne dès 1939. Les ports atlantiques de la Péninsule ibérique représentent des portes de sortie très importantes pour le commerce d’outre-mer de la Confédération tandis que le wolfram livré par l’Espagne à l’Allemagne est payé par de l’or volé qui transite par la Suisse.

Changement ou continuité ?

La Chronique du jour du 4 septembre 1942 annonce que Franco a remanié son gouvernement et que son ancien bras droit a quitté le poste de ministre des Affaires étrangères. Le chroniqueur reprend la version officielle du journal madrilène Arriba qui dément toute modification d’orientation politique en lien avec cette réorganisation: «Un changement de personnes dans un gouvernement totalitaire n’a rien qui puisse surprendre. L’hypothèse que l’esprit de l’armée et de la phalange pourrait se trouver modifié à la suite du remaniement ministériel n’est pas défendable».

De l’Axe aux Alliés

Cette source est intéressante dans la mesure où il est rare qu’un chroniqueur du SOC traduise aussi unilatéralement un épisode sensible de politique extérieure. Même s’il précise sa source, elle est qualifiée d’«autorisée» et vise à démentir les «interprétations que des commentateurs trop pressés seraient tentés de présenter». Plusieurs voix s’élèvent en effet au niveau international pour souligner une forme de victoire diplomatique des Alliés, le départ de Suñer étant propre à inaugurer une politique plus «alliophile» : ce sera effectivement le cas avec la nomination du nouveau ministre des Affaires étrangères F. Gomez Jordana. L’Espagne passera d’une collaboration totale avec le Reich à une diversification de ses alliances.

Des interprétations contrastées

Il est intéressant également de comparer cette chronique avec les articles des journaux suisses de l’époque. La Gazette de Lausanne, dès le 5 septembre, évoque le point de vue américain qui souligne l’opposition de plus en plus forte qui se manifestait en Espagne contre Suñer et ses partisans. Parallèlement, le compte rendu des réactions en Espagne – en citant longuement Arriba –, en Allemagne, puis, le 7 septembre, de Vichy montre les divergences quant à l’interprétation de cet épisode.

Cette comparaison fait encore mieux ressortir le parti-pris du SOC de ne relayer que la position officielle espagnole. De par les relations commerciales privilégiées de la Suisse avec l’Espagne – des liens qui vont encore s’intensifier au cours des mois suivants –, les autorités helvétiques ne souhaitent pas froisser le partenaire ibérique. Sous son caractère très factuel, cette chronique met en lumière les enjeux diplomatiques de cette période.

Mathieu Gallay

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Chronique

La Chronique du jour du 4 septembre 1942 annonce le remaniement ministériel en s’appuyant sur la version officielle du journal Arriba : on tient à relativiser le poids de cette décision quant à une forme d’infléchissement de la politique espagnole.

Annexes

Gazette de Lausanne, édition du 5 septembre 1942. Le journal rend compte du remaniement ministériel en Espagne dans différents articles. En page 2 [en pdf], la reprise d’une information publiée par un journal suédois est complétée par une brève de Havas rendant compte de la prestation de serment des trois nouveaux ministres. En page 4 [en pdf], la réaction des milieux américains est mise en regard avec la déclaration du journal gouvernemental Arriba.

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