Interrompu par la pandémie en mars 2020, le processus d’adaptation reprendra son cours à la rentrée : conforme aux attentes du Conseil d’État sur l’acquisition des compétences transverses nécessaires à la transition numérique, le but de la Direction est de former les étudiantes et les étudiants de tous horizons « au numérique » – autrement dit leur permettre d’augmenter leurs compétences dans ce domaine en général mais également selon les nécessités propres à leurs disciplines – et « par le numérique », grâce à l’innovation pédagogique, à la promotion de différentes modalités d’enseignement, au déploiement de logiciels et de tout un environnement numérique. L’arrêt subit des cours sur le campus a évidemment accentué le second pôle de cette stratégie – Giorgio Zanetti évoque « un énorme coup d’accélérateur » – et il s’agit maintenant de « capitaliser sur cette expérience pour faire durablement cohabiter le distanciel et le présentiel ».
Apprendre le numérique et par le numérique relève forcément d’une entreprise interdisciplinaire, à l’UNIL, où ce domaine crucial pour l’avenir de nos sociétés est en soi un objet d’étude aux multiples facettes : dès lors, il s’agit de permettre aux étudiantes et aux étudiants de développer leurs compétences au sens large, en s’appuyant sur l’expertise UNIL en matière de culture numérique et d’approche computationnelle.
« L’informatisation de nos sociétés et l’apparition de nouvelles technologies amènent des enjeux en termes d’emploi, de responsabilité, de santé, d’éthique, entre autres », esquisse Giorgio Zanetti. « Relever ces défis sociaux, culturels, économiques, philosophiques, médicaux, juridiques… exige de travailler ensemble, de croiser les regards sur des problématiques communes et pas simplement d’exploiter chacun dans sa discipline les ressources du numérique », souligne-il. La réflexion interdisciplinaire n’a pas donné lieu à une définition des objectifs d’apprentissage numérique pour tous les étudiants sans distinction, mais permet bien d’offrir aux facultés un outil d’avenir susceptible de soutenir leur propre réflexion numérique afin de renforcer la visibilité des objectifs d’apprentissage numériques de leurs différents cursus et/ou d’en intégrer de nouveaux.
« Ce cadre référentiel inédit n’impose rien précisément parce qu’il se veut au-dessus des logiques disciplinaires, pour permettre à chaque domaine d’étude d’enrichir ses objectifs de formation avec certains objectifs numériques », conclut le vice-recteur. A l’UNIL, cette déclinaison très concrète de l’interdisciplinarité dans l’enseignement du numérique est en marche et inspire déjà d’autres institutions. Une aventure passionnante à suivre…
]]>Pour François Bussy, vice-recteur Recherche, relations internationales et formation continue, la réponse relève désormais de l’évidence : « L’UNIL joue un rôle essentiel de carrefour de la diversité des savoirs et de catalyseur des énergies pour développer des regards croisés sur de nombreuses thématiques comme la durabilité, les parcours de vie et les vulnérabilités, la montagne, le sport et l’éthique », détaille-il. D’où la création de plusieurs centres interdisciplinaires dans ces différents domaines qui sont, selon lui, « l’affaire de tous ».
Une seule vision hyperspécialisée ne permet pas de prendre en compte les multiples facettes d’une problématique globale ; la durabilité, par exemple, concerne une discipline comme la biologie, si l’on songe à la biodiversité, mais aussi la science politique, l’économie, la philosophie, la médecine, la climatologie, la géographie, les sciences de la Terre…
« L’interdisciplinarité permet aux scientifiques d’intégrer d’autres aspects de la question dans leur propre thématique de recherche. Bien sûr, ce n’est pas une baguette magique pour régler toutes les controverses mais c’est un enrichissement réciproque. Entre un spécialiste des OGM, impliqué dans la recherche de solutions pour répondre à la problématique de la faim, et un tenant du principe de précaution et du maintien des conditions naturelles préexistantes la discussion sera sans doute difficile, mais notre rôle comme lieu de recherche est précisément de les pousser à sortir de leur zone de confort, à se mettre à l’épreuve pour connaître la perspective de l’autre et, quand ça se passe bien, on peut s’engager dans une co-construction des savoirs », précise François Bussy.
« L’activisme ne doit pas se substituer à la recherche scientifique, mais les chercheurs se sentent de plus en plus en devoir de communiquer leur conviction profonde », souligne-t-il. De fait, l’interdisciplinarité favorise la recherche au bénéfice de la société, des organismes, institutions, entreprises et différents secteurs d’activité. Un exemple : la montagne, écosystème très sensible aux variations climatiques – ne serait-ce que sur le plan de l’offre touristique – mérite une attention globale et non segmentée.
L’interdisciplinarité n’est pas toujours valorisée dans le milieu scientifique, qui peine à reconnaître cette dimension notamment chez les jeunes chercheuses et chercheurs, sommés de poursuivre l’excellence dans le champ exclusif de leur discipline, une quête qui peut freiner leur ouverture, estime François Bussy. L’UNIL a signé récemment la Déclaration de San Francisco sur l’évaluation de la recherche (DORA), dont l’enjeu principal est de mettre fin à la pratique d’établir une corrélation entre le facteur d’impact d’une revue et la qualité de la contribution d’un scientifique. L’étude des candidatures académiques ne doit plus se focaliser uniquement sur l’hyperspécialisation, le nombre de publications et de citations, mais tenir compte aussi d’autres critères comme la communication, la médiation, la capacité à accepter les débats et les mandats dans un esprit scientifique ouvert à l’interdisciplinarité et à la société.
par Iago Otero, coordinateur du Centre interdisciplinaire de recherche sur la montagne (CIRM)
Concrètement, il faut soutenir financièrement le démarrage de projets interdisciplinaires pilotes à risque d’échec, former des chercheurs et chercheuses en intégration des méthodes des sciences sociales et naturelles aussi bien qu’en gestion de conflits et facilitation, et enfin redéfinir les normes d’évaluation de carrière pour mieux reconnaître l’interdisciplinarité à l’échelle de l’UNIL. D’une manière plus générale, il s’agit de développer certaines aptitudes comme l’empathie pour se comprendre les uns les autres, y compris quand on travaille avec des partenaires non-scientifiques qui parlent des langages très différents.
Professeur à l’UNIL et à l’EPFL, médecin chef de l’Unité de médecine de précision du CHUV, Jacques Fellay mène ses recherches génomiques dans une visée de soins et de santé personnalisée. Soutenu par un financement du Fonds Engagement Migros, il étudie ainsi la possible origine génétique de l’arrêt cardiaque auprès d’une cohorte de patients à risque, suivis par le Service de cardiologie. Un troisième service est impliqué : celui de médecine génétique. L’étude cherche à valider l’hypothèse génétique, donc le lien entre certaines mutations sur le génome et cette menace cardiaque.
Un arrêt du cœur létal, sans signes avant-coureurs, survient chez des personnes parfois jeunes et sportives, souffrant généralement d’une maladie cardiaque restée méconnue. Détecter cette prédisposition pourrait aider ces patients à mieux se connaître, à organiser leur existence dans une optique de prévention, voire à partager ces informations avec leurs proches potentiellement à risque. Dans la cohorte étudiée, certains ont surmonté l’événement cataclysmique qu’est un arrêt cardiaque subit, d’autres ne sont pas malades… mais acceptent de se confronter à cette éventualité dont l’annonce viendrait pourtant ébranler leur vie.
L’information qui leur sera communiquée est à double tranchant : rassurante dans une certaine mesure mais aussi potentiellement anxiogène. Dans ce contexte, des chercheurs de l’Institut des humanités en médecine vont observer et analyser l’étude en cours, basée sur de nouvelles technologies biomédicales et impliquant les patients dans leur propre prise en charge.
Ainsi, comme chercheuse associée à cet institut, la philosophe et éthicienne Gaia Barazzetti a reçu un soutien de la FBM pour son projet. Responsable de recherche au ColLaboratoire de l’UNIL, elle s’intéresse aux motivations et aux attentes des participants, ainsi qu’au processus de restitution des résultats sur la base de guidelines validées en 2019 au CHUV. « Il s’agit de ne rendre aux patients que les résultats qui répondent au critère de cliniquement actionnables, autrement dit il faut que les informations données soient utiles à chaque patient concerné en termes de traitement ou de prévention », esquisse-t-elle.
Gaia Barazzetti
Responsable de recherche au ColLaboratoire
Dans le cadre de sa propre étude réalisée avec un échantillon de participants à la recherche menée par le professeur Fellay, Gaia Barazzetti s’intéresse notamment à la notion d’utilité personnelle d’un retour de résultats. Cette notion renvoie à la valeur d’un résultat du point de vue du participant à la recherche et reconnaît l’importance d’une approche centrée sur la personne, ses besoins, préférences, relations et ressentis.
Elle entend suivre en collaboration avec les équipes du CHUV l’organisation et la tenue des consultations médicales qui seront mises en place, sachant qu’il y a encore une dizaine d’années on ne communiquait pas aux participants les résultats de recherches en génomique. « C’est la première fois qu’on est dans ce type de démarche en Suisse », précise-t-elle. Les données de sa propre recherche pourraient contribuer à faire évoluer le dispositif. « Il est important pour une éthicienne de nourrir la réflexion sur les questions normatives avec des données de terrain. Je fais de la recherche participative pour pouvoir intégrer les points de vue des patients dans la réflexion sur les questions soulevées par le développement de la santé personnalisée », conclut-elle.
]]>« L’étude des polythéismes antiques couvre un champ très large, et c’est précisément cela qui la rend fascinante », estime Christophe Nihan, professeur à la FTSR. « Entre les polythéismes grec, égyptien, levantin, anatolien ou romain, il y a des continuités importantes mais aussi des différences fondamentales. Ces différences faisaient d’ailleurs déjà l’objet de nombreux commentaires dans l’Antiquité : un Grec ne comprenait souvent pas la manière dont un Égyptien vénérait ses dieux, et vice-versa ! L’approche interdisciplinaire est donc indispensable pour rendre compte de la richesse et de la diversité de ce champ d’études. »
Le 6 décembre 2019, une journée d’étude a été organisée autour des animaux, pour remercier une collaboratrice, Anna Angelini, qui a elle-même publié plusieurs travaux sur le sujet. Les animaux occupent une place centrale dans les religions antiques et la construction de leur rôle varie considérablement d’un polythéisme à l’autre, c’est donc un excellent thème comparatiste. Outre le cas des animaux regardés comme des divinités, la journée a abordé plusieurs autres phénomènes, tels que la représentation animale des dieux, les formes de possession animale, rapprochant la personne possédée de certains animaux comme la chèvre ou le cheval, l’usage rituel d’objets en forme d’animaux, etc. Cette rencontre a notamment mis en lumière le besoin de nouveaux modèles pour comprendre une telle diversité.
La cohabitation avec les animaux interrogeait déjà autant dans l’Antiquité que de nos jours, mais les réponses apportées étaient différentes. Se pencher sur ce lointain passé permet aussi de réfléchir à l’apport des études antiques pour les réflexions contemporaines sur le statut des animaux et leur place dans la société.
Outre les cours et séminaires souvent donnés à plusieurs voix, les enseignantes et enseignants de lettres et de FTSR organisent donc ensemble des conférences, des journées d’étude et des colloques.
Toutes les activités peuvent être consultées sur le site Polythéismes des mondes antiques créé à cet effet.
]]>Lui travaille sur l’hydrologie, la glaciologie, la géomorphologie et les liens avec les écosystèmes aquatiques. Elle est biologiste et limnologiste (spécialiste des lacs). « Ce type de centre peut mettre en tension la politique actuelle avec la politique nécessaire pour nous protéger plus fortement contre les conséquences du réchauffement climatique », esquisse Stuart Lane. Il précise que trois éléments sont à évaluer quand on réfléchit aux risques : il y a le danger lui-même, l’exposition et le niveau de vulnérabilité. Or, certaines décisions renforcent la vulnérabilité, comme, dans la plaine du Rhône, un changement dans la construction des maisons qui ne tient plus compte des inondations comme autrefois, où l’on construisait d’abord des sous-sols puis des rez-de-chaussée au-dessus : « Certains types de planification augmentent le niveau de vulnérabilité et c’est particulièrement le cas dans les villes, où la population est très concentrée », observe-t-il.
Le nouveau centre est interdisciplinaire parce que les enjeux le sont. Si 20 à 25% de l’eau des barrages provient des glaciers, quel impact sur le bilan hydrique à l’horizon 2080 ? Faut-il investir déjà dans de nouveaux barrages alors que le gain n’est pas immédiat dans la mesure où, aujourd’hui, le prix de l’énergie est faible ? On peut encore penser au tourisme de montagne, également affecté par ces changements. Autant de questions qui impliquent dans ce projet les sciences économiques et les sciences sociales (Faculté des HEC et Faculté des sciences sociales et politiques). L’impact sur la biodiversité intéresse évidemment aussi la Faculté de biologie et de médecine.
Comme le souligne Marie-Élodie Perga, il s’agit d’étudier ces phénomènes mondiaux à une échelle régionale (en gros le glacier du Rhône et le territoire Valais-Léman) et de constituer des données précises pour « générer de l’action », voire guider les choix des politiques, des cantons, des villes, des institutions, des ONG, des entreprises ou des simples particuliers, et en relation avec ces différents acteurs. « Notre recherche n’a aucune résonance si elle se construit uniquement en laboratoire, entre nous qui serions seuls détenteurs du savoir, si elle ne prend pas en compte les autres types de connaissance et si nous n’entrons pas nous-mêmes en résonance avec les préoccupations des gens, donc l’écoute doit bien être des deux côtés », explique la chercheuse.
Tous deux sont formels : les événements extrêmes vont se multiplier, les pics de chaleur, la sécheresse, l’intensité des orages, des crues, voire à plus long terme la pénurie des ressources vitales. Comment, dès lors, s’y préparer ? « Il n’y a pas de solution unique », insiste Marie-Élodie Perga, qui ne bloque pas sur la question du nucléaire, par exemple, et envisage la science comme un moyen d’aider les communautés à investir le plus efficacement possible dans certaines solutions plutôt que d’autres, en fonction des données propres aux capacités locales et aux effets climatiques sur tel ou tel écosystème. Elle prévient aussi : « Il n’y a aucune énergie propre et il faudra forcément consommer moins. »
Pour Stuart Lane, le changement reste à notre portée : « On attend beaucoup des technologies. Les panneaux solaires, par exemple, doivent être rendus plus efficaces. Si on critique une nouvelle technologie, il faut se donner les moyens de la modifier. Nous devons prioriser les problèmes et savoir que les coûts du changement ne sont pas exorbitants », conclut-il.
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