Par Roland Cosandey, août 2021.
Les sources et leur critique
L’exploitation des sources télévisuelles soulève des problèmes méthodologiques particuliers dont il est singulièrement peu question. Nous y avons été confrontés dans deux circonstances d’ampleur et d’enjeu différents. L’une tient à notre collaboration à l’établissement de la filmographie neuchâteloise et au constat inattendu de la richesse du corpus télévisuel cantonal préservé pour la seule première décennie d’activité de la Télévision suisse romande. L’autre est une recherche monographique qui prend comme point de départ le sujet d’une émission de 1971 fondé sur l’exploitation d’une œuvre cinématographique documentaire ancienne.
Dans le premier cas, nous sommes intervenu au titre d’éditeur d’une synthèse publiée en ligne par Memoriav. Dues à Laurence Gogniat, rédactrice de la filmographie télévisuelle neuchâteloise (1953-1969), ces considérations constituent, à partir d’un corpus particulier, une sorte de vade mecum pour l’exploration des ressources audiovisuelles de la RTS. Complété par un ensemble de notices données en exemple, ce travail a servi d’orientation pour notre propre étude, Cinq “lectures“ et quelques adages pour un film (presque) retrouvé, dont l’intégralité figure ici-même en pdf. L’émission de la TSR C’était hier du 19 avril 1971 constitue le point de départ de cette étude et fournit par ailleurs les illustrations présentées ici.
Que me donne-t-on à voir ? Une question de mise au point
Notre approche supposant l’examen de la source primaire, le film, au sens non exclusif de ce terme, nous saluons les possibilités d’accès, si indirect soit-il, offert par l’outil digital. Pour ce qui est de la Suisse, les deux ressources majeures sont aujourd’hui le site agrégateur établi par Memoriav d’une part, et, d’autre part, la reprogrammation sur le net que représente le site RTSarchives. Il sera question ici plus particulièrement des problèmes que soulève ce dernier pour chercheur et chercheuse.
Cet ensemble présente une homogénéité particulière puisqu’il concentre une double qualité de producteur. Ce que la Télévision rend depuis 2005 accessible en ligne, via Fonsart, c’est ce qu’elle a produit elle-même pour le petit écran.
La proximité que cette production entretient avec notre histoire récente explique la satisfaction qui saisit toute personne intéressée par la représentation de ce passé proche, partagé par trois générations, auquel le site public de la RTS donne abondamment accès en puisant dans son fonds d’archives et que démultiplie depuis 2009 le site interactif également initié par Fonsart, notreHistoire.ch.
Son bonheur augmente encore quand, d’innocent curieux, cette même personne passe à la recherche historique et qu’elle constate que scriptorium.bcu-lausanne.ch met à sa disposition Radio TV Je vois tout, organe des programmes et magazine illustré, jusqu’à TV8, couvrant ainsi la période de production 1953-2010 (mais en remontant plus haut, au temps de la radio, il est évidemment déjà question de télévision).
Il arrive que ce changement de qualité de l’usager·ère s’accompagne vite, et sainement, d’une forme de soupçon. Dois-je croire que ces images d’une école de recrues de 1928, qui constituent en 1971 l’attraction d’un sujet de l’émission « C’était hier », furent tournées par un amateur, comme l’affirme la notice du site ? Et comme le sujet apparaît sans autre titre que celui de l’émission elle-même dans l’annonce des programmes publiée à l’époque, via le service d’information de la TSR, d’où peut bien provenir l’intitulé que j’ai sous les yeux, ce « 1928, dure école » qui ne figure pas dans ce qui m’est donné à voir ?
Une fois le contact établi avec une très disponible personne du service « Patrimoine, Données et Archives » de la TSR, une fois obtenu l’accès direct à l’intranet de la maison, comment se fait-il que l’on doive constater, à propos de ce même « C’était hier », que les deux seules personnalités interviewées, pourtant dûment nommées par le journaliste, ne figurent pas dans la fiche interne établie sur cette émission, pas plus d’ailleurs qu’elle ne mentionne deux des cinq collaborateurs dûment crédités dans le générique ?
Pour prendre un autre sujet, si le site de RTSarchives précise bien que Découvrir les Welches n’est pas le titre original d’École en liberté, comment ne pas être surpris par une telle substitution d’intitulé s’agissant d’un reportage dont les actions se déroulent à la Chaux-de-Fonds (ville par ailleurs non identifiée comme telle) mais aussi au Tessin ?
Quant à « la découverte de l’altérité romande » qu’y voit le descriptif de l’émission, il ne faut guère d’attention pour déceler rapidement l’inconsistance d’une telle qualification devant des images illustrant en fait une expérience d’enseignement in situ. La fiche interne n’est guère moins approximative, qui ne retient qu’une seule catégorie d’élèves, là où la démarche du film consiste à mettre en valeur un effort pédagogique mené ici avec les élèves d’une école de commerce, là avec des écoliers de 11-12 ans.
La mise en ligne fait fi d’un effort minimal de contextualisation, qui aurait entraîné en l’occurrence à signaler que ce sujet était un des produits du vaste projet télévisuel avec lequel la Télévision suisse s’était donné pour tâche, dès 1962, d’accompagner l’Exposition nationale de 1964, et peut-être aussi à expliquer pourquoi l’équipe de réalisation n’est pas romande, mais alémanique, la réalisatrice, Ludy Kessler, étant alors une importante réalisatrice de la Télévision suisse alémanique.
Ah si la retraite de Russie avait été filmée!
Les termes “Archives“, “Histoire” sont des mots de passe. Le slogan dont la RTS les accompagne, « Mille et une archives. Le passé comme si vous y étiez », fait écho à une idée d’immédiateté et d’objectivité qui est le régime de perception généralisé de la ressemblance visuelle, analogique ou digitale. C’est une vieille idée, qui escamote le discours pour asseoir la présence, qui substitue la transparence à la forme.
S’agissant d’images en mouvement, on en trouve l’expression achevée dès que la photographie s’est mise à bouger, à la fin du 19ème siècle, chez un Boleslas Matuszewski par exemple. Et si nos récriminations ne sont pas pertinentes, c’est qu’en fait nous ne sommes pas confronté à des archives.
La seule façon d’aborder sereinement RTSarchives n’est pas de regretter que le site soit autre chose que ce qu’il est, mais bien de considérer sa nature et sa fonction réelles. Cette plateforme est un canal de (re)programmation. A ce titre elle répond à tous les canons du recyclage. Et ce qui est programmé dans ce processus de réédition, ce n’est pas la télévision comme phénomène caractérisée par un flux d’émissions souvent composites, mais des sujets puisés selon diverses raisons – l’actualité, un thème, une personnalité, l’histoire de la Télévision aussi… – dans le riche fonds que représente la production conservée, soit les archives audiovisuelles de la Télévision proprement dites, c’est-à-dire les images et les sons dont elle détient les droits.
Je te tiens, tu me tiens par la barbichette…
Toute recherche historique suppose une collaboration avec les lieux d’archivage qu’elle sollicite et autant qu’avec les lieux, dont la digitalisation des ressources permet aujourd’hui de ne pas toujours fréquenter physiquement l’espace, elle suppose une relation avec les conservateurs, en l’occurrence gens d’archive, de catalogue, de documentation, de restauration.
Depuis quelques années, cette collaboration est acquise avec la TSR. La révision de la Loi fédérale sur la radio et la télévision de 2015 (LRTV) stipulant que la SSR a l’obligation de sauvegarder ses archives audiovisuelles et de les mettre à disposition, le service public a ouvert ses fonds à la communauté scientifique et en a soustrait cet accès à la logique commerciale qui prévalait jusqu’alors.
Toute approche d’une source suppose la compréhension de la fonction et de la pensée catalographique à l’oeuvre. Pas de transmission sans histoire de cette transmission et sans les métadonnées qui en configurent l’identité. Ce point aussi est acquis et on conçoit, aux deux cas mentionnés plus haut, à quel point le dialogue est essentiel pour la compréhension des objets par les uns comme par les autres.
Les limites sont celles auxquelles se heurtent à l’interne les archivistes eux-mêmes. D’une part, les données dont ils.elles ont hérités furent constituées à des fins pratiques par des documentalistes indexant les images dans la perspective d’un éventuel réusage; d’autre part, la qualité de l’indexation varie passablement dans le temps. L’écart entre des formes de saisie variables, répondant essentiellement à des fins productionnelles, et une méthodologie conforme aux normes archivistiques va probablement demeurer pour longtemps encore le principal objet du dialogue instauré.
Un regard non prescriptif
Nous disions plus haut sur quelles pratiques reposent nos réflexions. Revenons-y.
Dans le premier cas, il s’agit de l’élaboration d’un outil filmographique rendant compte d’un corpus d’émissions définies par leur relation à un lieu, le Canton de Neuchâtel. Les notices individuelles rendent compte de quatre aspects: l’émission télévisée saisie comme expression formelle et discours; l’identification de la chose montrée – lieu, personne, événement; la contextualisation du sujet; la contextualisation de l’émission ou collection à laquelle appartient le sujet.
L’élaboration de ces champs est facilitée ou compliquée par l’état des sources primaires – les films – , comme par l’état des métadonnées et celui des archives administratives (sur lesquelles nous n’avons pas travaillé).
Dans le deuxième cas, nous nous sommes interrogé sur la présence, l’usage et l’origine d’un film de 1929 (c’est sa date) repéré dans une des nombreuses émissions que la Télévision a produites au cours de son histoire à partir d’images antérieures, dites « d’archives ». Parti d’une découverte – le film en question était parfaitement inconnu ! – et d’un premier souci d’identification, nous avons fini par considérer l’émission en question non pas comme une source secondaire fortuite nous renseignant sur l’existence d’une production suisse nulle part signalée, mais comme une réinterprétation propre de ce matériau ancien, méritant comme telle toute notre attention. Et il était naturel que l’accès donné aujourd’hui à ces images sur RTSarchives fasse à son tour l’objet de la même attention. Une école de mitrailleurs des compagnies attelées d’Arthur Adrien Porchet (Film AAP, 1929) se trouve ainsi saisi dans les divers avatars de sa transmission. Restait à s’interroger sur l’existence matérielle du film, mais ceci est une autre histoire.
Nous avons dit plus haut à quelle opération de re-programmation correspondait la part de sa production archivée que la Télévision met à disposition via l’internet. Nous avons souligné que l’entreprise s’accompagnait de la production, sous forme de ré-intitulé et d’introduction, d’une sorte de méta-métadonnées témoignant de la vision contemporaine établie par l’institution à propos de ce qu’elle choisissait de donner à voir au public. Mais l’“institution“ est une abstraction : quel comité de production? quelles compétences éditoriales? quelles formes de décision à propos des contenus? quelle vision des destinataires? quelle évaluation de la fréquentation et de la satisfaction?
La mise en ligne est effectuée sans embarrasser l’internaute d’informations sur les manipulations éditoriales venant modifier ce qui est effectivement archivé, sans l’encombrer de commentaire sur la part absente par force (tout ce qui relève du direct: habillage de l’émission, générique, commentaire off prononcé à l’antenne…), ni d’indications sur la place du sujet dans la composition originale de l’émission ou encore sur le jour et l’heure de son passage à l’antenne. C’est le régime d’une conception éditoriale fort courante, qui considère que tout ce qui est “spécialisé“ ne peut qu’éloigner le chaland.
Considérer le remontage d’images dites d’archives, dans une émission comme « C’était hier » par exemple, non pas comme une trahison du document original, mais comme sa reformulation, le déplacement de perspective est de taille, puisqu’il revient à abandonner une position de prescription pour une attitude descriptive, un préjugé pour une analyse.
Ce déplacement nous oblige, en toute rigueur, d’envisager également l’exploitation de son patrimoine auquel se livre la Télévision sur l’internet comme une politique de programme et non comme un mésusage de ses archives. Une politique qui produit, entre autres, une relecture du passé de l’institution par l’institution elle-même, comme elle traduit, de façon plus ou moins explicite, une vision du public.
Ainsi se définit la part des choses: voir RTSarchives comme un nouvel objet d’histoire; aborder les archives audiovisuelles de la Télévision proprement dites comme une source primaire, en sachant toutefois que celle-ci n’est guère saisissable autrement que sous la forme réinterprétée de sa digitalisation.
]]>Profitant d’un séjour prolongé à Londres, nous entamons une série consacrée à l’évolution des Television studies et du service public audiovisuel en Grande-Bretagne. Nous commençons celle-ci par un entretien avec Simon Dawes qui vient de publier sa thèse (British Broadcasting and the Public-Private Dichotomy. Neoliberalism, Citizenship and the Public Sphere, Palgrave, McMillan, 2017) consacrée à l’évolution de la régulation audiovisuelle en Grande-Bretagne.
Par François Vallotton, novembre 2018.
Simon Dawes est Maître de conférence à l’Institut d’études culturelles et internationales (IECI) et chercheur associé au Centre d’histoire culturelle des sociétés contemporaines (CHCSC) de l’Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ) en France. Il participe également à la réflexion menée au sein du collectif, The Media Reform Coalition, qui réunit des représentants du monde universitaire, du monde médiatique et de la société civile pour réfléchir aux questions contemporaines de gouvernance médiatique. La thèse de Simon Dawes est l’opportunité de remettre cette problématique dans une perspective historique, tout en invitant à des comparaisons – qu’il reste à prolonger – sur la nature et l’évolution du service public en Suisse et en Europe.
Simon Dawes a répondu à nos questions par voie électronique. Nous le remercions très chaleureusement pour sa contribution.
François Vallotton: Tu insistes dans ton ouvrage sur la nécessité de repenser les catégories de public et de privé en rompant d’une part avec la dichotomie qui prévaut dans la littérature secondaire (le modèle américain versus le modèle européen) et en privilégiant d’autre part une perspective historique montrant comment cette interaction s’est constamment renégociée au fil du temps. Pourquoi cette prémisse et quelle conséquence sur la définition même de la notion de service public ?
Simon Dawes: La raison d’être de l’historicisation de la dichotomie public-privé était à la fois théorique, méthodologique et politique. Cette dichotomie a d’abord été identifiée comme une opposition importante, à la fois dans les documents réglementaires et politiques sur la radiodiffusion britannique et dans la littérature secondaire, dans le champ des études sur les médias et les communications au Royaume-Uni ainsi que dans la littérature anglophone en général. Du fait d’une certaine doxa liée à l’idée de service public, un engagement interdisciplinaire privilégiant une approche historique et étroitement reliée à certains concepts connexes (citoyenneté et consommation, sphère publique, néolibéralisme) est devenu nécessaire. Après tout, le travail de Habermas sur la sphère publique (si souvent cité en référence par les spécialistes de la radiodiffusion) est lui-même une historicisation de cette dichotomie à partir du développement de la liberté de la presse et de l’opinion publique, ainsi qu’une relecture critique de ces concepts dans les perspectives libérale, républicaine et marxiste.
En matière de radiodiffusion, le problème de l’application d’une dichotomie trop rigide (la radiotélévision de service public est bonne, la radiotélévision commerciale est mauvaise) est qu’elle tend à ignorer les aspects positifs des modèles commerciaux (que ce soit dans une économie réglementée de service public ou non) et les aspects négatifs des radiotélévisions de service public. Revenons sur ce dernier point : Il ne s’agit pas seulement de savoir dans quelle mesure, par exemple, le service des informations de la BBC a parfois échoué, dans sa pratique, à répondre aux normes d’impartialité qu’on attend d’elle, ou de critiquer le fait que les divertissements de la BBC n’ont pas toujours une plus-value à offrir en termes de qualité. Il s’agit aussi de savoir dans quelle mesure le service public a été véritablement «public», et d’examiner ce que cela signifie exactement. Souvent, cela signifie qu’il est indépendant (à la fois des intérêts du gouvernement et des intérêts de l’entreprise). Mais l’indépendance de la BBC est un enjeu de débats et de luttes permanent, et elle a récemment été rendue moins indépendante du politique, les membres du gouvernement ayant désormais un rôle dans la gestion quotidienne de l’organisation. En ce qui concerne ce dernier point, nous pourrions également nous référer aux interactions étroites qui existent entre les professions de la BBC d’une part, et des cadres du Parti conservateur et de l’establishment plus large de Westminster de l’autre. Ou encore à la montée de la culture de l’évaluation et des logiques néolibérales de concurrence et d’entrepreneuriat au sein de la BBC depuis les années 1990 (comme nous le démontre Georgina Born, 2005, et Tom Mills, 2016), malgré son caractère apparemment «public». L’indépendance concerne également celle de l’organisme de régulation de la BBC, qui a historiquement été toujours trop proche de la BBC elle-même et du gouvernement ; un radiodiffuseur public véritablement indépendant devrait donc être indépendant des influences de l’État comme du marché et responsable auprès d’un organisme de régulation lui aussi tout aussi indépendant.
Mais il s’agit aussi de savoir dans quelle mesure ce radiodiffuseur a déjà été une entreprise «publique», c’est-à-dire que le public lui-même a son mot à dire dans la façon dont elle est gérée. La notion (de plus en plus critiquée) de «service public» porte avec elle des références remontant au XIXe siècle et une certaine condescendance élitiste victorienne envers les masses. Il a peut-être été conçu «pour le public», et en ce sens il a recouvert beaucoup de choses positives, mais il n’a jamais été géré «par le public». Il s’agit d’une structure hiérarchique, fondamentalement «top-down», qui crée une citoyenneté aussi passive que les consommateurs, décrits longtemps comme «aliénés», de l’industrie culturelle. C’est un vœu pieux et naïf que de penser que le seul recours au terme de «citoyens» suffit à assurer la participation active du public.
De même, nous devons être prudents quant au recours stratégique à des notions de «public» qui relèvent du sens commun. Je sais bien que, si vous vivez dans un pays où les médias nationaux sont les relais de la propagande d’Etat, des concepts tels que «liberté de la presse» et «intérêt public» sont évidemment des valeurs importantes et essentielles à promouvoir. Mais l’exemple de l’histoire des médias britanniques montre que la liberté de la presse peut facilement être confondue avec le libre marché et/ou (ce n’est pas la même chose!) le pouvoir illimité des barons de la presse ; d’un autre côté, le terme d’«intérêt public» a été mobilisé dans les politiques successives de l’audiovisuel, et cela dès les années 1960, pour substituer au monopole du «service public» un équilibre entre les valeurs du service public et de la concurrence. Avec les dispositifs de régulation les plus récents, nous devons maintenant également composer avec la notion de «valeur publique», ce qui, une fois de plus, semble très séduisant, mais qui, à y regarder de plus près, ne fait que nous éloigner encore plus du «service public» : le terme, relevant du New Public Management, renvoie en effet à une approche qui essaie de rendre poreuse les frontières entre les organismes publics et privés.
FV: Ton cadre d’analyse est beaucoup influencé par une perspective foucaldienne et notamment sa réflexion sur le néolibéralisme présente dans ses leçons au Collège de France. Quel est l’apport de cette lecture et en quoi permet-elle de poser un regard différent sur la question de la régulation de l’audiovisuel ?
SD: L’historicisation de la dichotomie public-privé est elle-même profondément foucaldienne, notamment dans la manière dont la critique de la «gouvernementalité» a été reprise dans le travail de l’«école anglophone» des Foucaldiens, comme Nik Rose. Je suis venu à Foucault pour de nombreuses raisons. Dans la littérature secondaire sur la citoyenneté, la consommation, la sphère publique et le néolibéralisme, il y a souvent les débats théoriques entre les adeptes d’une approche foucaldienne et ceux plus proches de Gramsci ou d’Habermas, par exemple. D’un point de vue méthodologique également, j’ai commencé à utiliser l’analyse critique du discours (ACD), mais j’ai finalement trouvé que l’analyse archéologique et généalogique foucaldienne était plus utile pour l’étude archivistique à long terme et plus convaincante pour interpréter un large corpus de textes que l’approche marxiste générale qui essaie d’identifier les distorsions idéologiques. Mais je ne rejette pas les perspectives gramsciennes ou habermassiennes ; je m’intéresse plutôt à l’utilisation de perspectives multiples pour combler les lacunes qui apparaissent lorsqu’on privilégie une seule approche (théorique ou méthodologique).
En termes de (néo)libéralisme, le travail de Foucault est particulièrement important : en particulier, ses conférences sur le libéralisme (publiées sous le titre Sécurité, Territoire, Population) et le néolibéralisme (Naissance de la biopolitique). Le terme «néolibéralisme» a tendance à être utilisé dans beaucoup d’études anglophones sur la politique des médias (et dans beaucoup d’autres domaines) comme étant à peine plus qu’un raccourci pour tout ce qui ne va pas dans le monde. Dans d’autres disciplines cependant (notamment les études urbaines et la géographie), il y a eu une longue succession de débats sur la façon de comprendre le néolibéralisme, de s’intéresser à son histoire et de croiser des approches théoriques et méthodologiques plurielles pour le critiquer. Une grande partie de ce travail a bénéficié d’une lecture critique des conférences de Foucault (à l’origine inédites) sur le sujet. Une fois que vous les avez lues, vous ne pouvez plus continuer à utiliser le terme de façon désinvolte ; et si vous ne les avez pas lues, alors vous devriez peut-être l’utiliser avec prudence. Il existe maintenant des revues dans d’autres disciplines qui rejettent systématiquement tout article qui utilise ce terme sans reconnaître ce qu’il signifie et quelle approche est utilisée pour l’analyser. Plus globalement, je ne pense pas que le réductionnisme soit quelque chose de particulièrement fructueux dans les études sur l’audiovisuel.
Plus que le simple respect des standards de rigueur académique, c’est vraiment important parce que cela nous aide à comprendre ce qui se passe réellement dans le domaine de la radiodiffusion. La «néolibéralisation» de l’audiovisuel a été un processus de longue durée, avec des lobbyistes et d’autres personnes influant sur les débats en matière de régulation bien avant le tournant néolibéral évident des années 1980. Et cela nous aide à comprendre que le néolibéralisme ne concerne pas seulement la privatisation et la déréglementation de la radiotélévision de service public, mais aussi la re-réglementation de la radiodiffusion en termes de marché et de mécanismes concurrentiels. Ce n’est pas la même chose que le libéralisme classique du laisser-faire (la philosophie de la «liberté de la presse»). Il s’agit de concurrence, pas d’échange. Il s’agit de contrats plutôt que de droits de propriété. Ce n’est pas toujours facile à expliquer en termes d’idéologie, et certainement pas toujours en termes d’intérêts privés ou, selon une approche typiquement marxiste, de transfert de pouvoir à une classe d’élites (bien que cela puisse souvent être le cas). Il nous aide donc à comprendre que, bien qu’il serve les intérêts des citoyens et des consommateurs, l’Ofcom (l’organisme britannique de régulation des télécommunications), est l’incarnation même de la réglementation néolibérale.
FV: Dans la plupart des pays européens, les années 1970 apparaissent comme un tournant avec la reconsidération des monopoles sous la pression notamment de la nouvelle donne technique mais aussi de la mobilisation d’acteurs privés et médiatiques pour infléchir les principes de régulation. En Grande-Bretagne, le rapport Annan (1977) incarne cette évolution en affichant une position plus ouverte envers la publicité et en substituant le consensus autour de l’intérêt public par le principe du pluralisme. Au-delà des membres du comité Annan lui-même, quels sont les acteurs sociaux qui ont œuvré à cette reconfiguration ?
SD: Oui, c’est tout à fait le contexte du rapport Annan et du Royaume-Uni des années 1970. Mais dans ce cas-ci, c’était aussi une période où l’alternance politique était de mise entre le parti travailliste et le parti conservateur, ce qui a eu pour conséquence que l’enquête avait été arrêtée et recommencée plusieurs fois. En ce qui concerne ceux qui ont influencé l’enquête et la décision d’ouvrir celle-ci, ceux qui sont à gauche du Parti travailliste (comme Tony Benn), les universitaires impliqués dans des groupes comme le Groupe 76, la Conférence permanente sur la radiodiffusion et le Glasgow University Media Group, ainsi que divers syndicats et groupes de pression affiliés, ont été particulièrement actifs. Comme l’ont montré des universitaires comme Des Freedman (2001), le rapport était un juste compromis entre leurs appels radicaux à la réforme (qui comprenaient l’élimination des radiodiffuseurs existants) et les propositions plus conservatrices des radiodiffuseurs eux-mêmes.
Outre les critiques du pouvoir politique des radiodiffuseurs et de la couverture par la BBC des conflits du travail en particulier, Annan réagissait également à une certaine «crise de représentation» de la société britannique, le rapport reconnaissant celle-ci comme une «formation sociale fracturée» et diverse, plutôt qu’un public universel et homogène de sujets impériaux ; le pluralisme allait donc de pair avec la diversité (culturelle). Comme Graham Murdock (un des pionniers des Television studies et de l’économie politique de l’audiovisuel) l’a fait valoir il y a de nombreuses années, cela a eu pour conséquence que la nouvelle chaîne de télévision créée par le rapport – Channel Four – comprenait une contradiction fondamentale. Elle était en effet chargée de représenter les voix des minorités et les questions auxquelles ni le marché ni la BBC ne parvenaient à répondre, tout en dépendant (quoique indirectement au début) des recettes publicitaires et donc des incitations commerciales.
La reconnaissance de l’hostilité du public à l’égard du monopole (double monopole en fait dans la situation britannique depuis la création d’ITV en 1955) d’une part, des différences culturelles entre les citoyens d’autre part, justifiait l’émergence du «choix» comme nouveau principe directeur de la régulation, compliquant ce qui était jusqu’alors une distinction raisonnablement claire entre ce qui était «public» et ce qui était «privé». Cela dit, le rapport maintient néanmoins une distinction claire entre les «intérêts des consommateurs» et l’«intérêt public», les premiers n’étant abordés que sur une page d’un rapport qui en compte 522.
FV: Une autre borne est constituée par le rapport Peacock de 1986. Dans la littérature secondaire, il est souvent vu comme l’emblème d’une forme de thatchérisme et l’émergence du tournant néolibéral. Ton analyse est plus nuancée et pourtant comment contester la recrudescence des logiques économiques et managériales depuis ce moment ?
SD: Certes, il suffit de jeter un coup d’œil aux divers rapports pour constater un clair changement de ton. Le Rapport Peacock a été rédigé par les mêmes économistes qui avaient fait partie du mouvement néolibéral de réflexion des décennies précédentes, et ils avaient été mandatés par Margaret Thatcher. Mais comme le reconnaissent tous les spécialistes des médias (voir par exemple O’Malley & Jones, 2009), Peacock n’a pas fait ce que Thatcher espérait, et dans son évaluation économique de la radiotélévision de service public, il a conclu que même si la redevance n’était pas aussi positive qu’un marché libre, elle était meilleure qu’un système financé par la publicité ; il a donc proposé que le statu quo soit maintenu (au moins dans le court terme). Il n’y a pas eu d’autres rapports depuis (ils avaient été publiés à peu près tous les dix ans jusque-là), et il est vrai qu’il a changé le langage et l’orientation du débat réglementaire.
Mais à trop se focaliser sur le caractère néolibéral du rapport Peacock, on néglige son engagement impartial et nuancé sur certaines questions. Et aucun document n’a développé ce caractère nuancé depuis. Le rapport Hunt sur la radiodiffusion par câble fait passer le rapport Peacock pour le Manifeste du parti communiste ! L’accent mis par Peacock sur la «souveraineté des consommateurs», par exemple, représentait en fait une forme de troisième voie par rapport à la redevance et au financement par la publicité. Bien que la critique ait eu tendance à se concentrer sur l’absence ou la marginalisation des intérêts des citoyens ou du service public depuis Peacock, il est important de reconnaître que la souveraineté des consommateurs n’a pas été beaucoup considérée non plus. Au contraire, la liberté de choix du consommateur a été tenue pour synonyme de concurrence (et donc contraire au service public). Et par rapport aux rapports précédents, bien que je convienne bien sûr qu’ils privilégient davantage l’importance sociale de la radiodiffusion, il faut aussi reconnaître que nulle part l’idée d’un public actif n’est autant mise en avant qu’au sein du rapport Peacock.
Une façon d’aller de l’avant serait que les réformateurs se réapproprient la souveraineté des consommateurs des néolibéraux et l’utilisent pour plaider en faveur d’un média public qui privilégie l’influence et la participation active du public.
L’émission Newsnight sur BBC-2 analyse la sortie du rapport Peacock, le 29 mai 1986
FV: Aujourd’hui le service public semble fragilisé un peu partout en Europe, même si le résultat de la votation suisse contre l’initiative No Billag montre que le principe de la liberté du consommateur n’a pas annihilé les principes d’universalité et d’indépendance qui restent au cœur d’une des déclinaisons du service public. En Grande-Bretagne, l’actualité récente a été marquée par différents rapports sur le futur de la BBC. Quelles en sont les grandes tendances et comment vois-tu l’évolution de ce débat dans les mois et années à venir ?
SD: Récemment, l’influence du gouvernement sur la gestion quotidienne de la BBC a ranimé de nombreuses craintes, et les documents récents produits par le gouvernement conservateur ont souligné que le rôle de la BBC doit être un rôle de «distinction», un nouveau terme qui renvoie à la nécessaire correction de la défaillance du marché (il faut donc que la BBC fasse que ce que les autres chaînes ne feront pas). Un autre avenir pour les «médias publics» pourrait être de démocratiser la BBC en faisant participer le public à l’élection du conseil d’administration, et en faisant participer les employés à l’élection du directeur général, plutôt que de laisser au gouvernement le soin de les nommer. Comme indiqué précédemment, l’organisme de régulation de la radiotélévision de service public devrait également être indépendant et faire participer davantage le public, tandis que les points de vue des groupes BAME (minorités noires et ethniques) devraient être clairement pris en compte dans le cadre de cette participation publique. La Media Reform Coalition, actuellement dirigée par Natalie Fenton, et maintenant le Parti travailliste de Jeremy Corbyn, ont récemment proposé de telles mesures, tandis que des écrivains comme Tom Mills (2016) et Dan Hind (2012) ont également proposé un rôle plus actif pour le public dans la commande des programmes. Si les travaillistes gagnent les prochaines élections, il pourrait y avoir de grands changements.
L’approche de la BBC en matière d’impartialité et d’équilibre soulève également des questions plus spécifiques et plus urgentes. L’approche actuelle qui consiste à suivre la ligne éditoriale des tabloïds, à donner aux extrémistes de droite et aux négationnistes du changement climatique une plate-forme d’expression de manière peu légitime, ainsi qu’à ne pas contester ou nuancer les affirmations litigieuses, signifie que la BBC risque de devenir avant tout un problème pour la démocratie.
Mettre l’accent sur l’indépendance et le caractère public de l’espace médiatique est évidemment important, mais cela ne nous permet pas d’aller bien loin. Pour construire le type de «médias publics» que nous voulons vraiment, nous devons repenser et préciser ce que nous entendons par «public», et évaluer de manière critique les défaillances des modèles antérieurs comme actuels.
Références
Born, G (2005) Uncertain Vision: Birt, Dyke and the Reinvention of the BBC, London: Vintage
Freedman, D (2001) ‘What use is a public inquiry? Labour and the 1977 Annan Committee on the Future of Broadcasting’, Volume: 23, issue: 2, page(s): 195-211
Hind, D (2012) The Return of the Public: Democracy, Power and the Case for Media Reform, London: Verso.
Mills, T (2016) The BBC: The Myth of a Public Service, London: Verso.
O’Malley, T, and Janet Jones (eds.) (2009) The Peacock Committee and UK Broadcasting Policy, Hampshire: Palgrave Macmillan.
Pour en savoir plus sur le travail de Simon Dawes, nous renvoyons à son très intéressant blog, et pour en savoir plus sur les débats sur les médias britanniques, au site de la Media Reform Coalition
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Neue Zürcher Zeitung
«In einer Hinsicht ändert sich allerdings wenig: Die SRG behält ihre privilegierte Stellung. Sie steht weiterhin im Zentrum der Medienförderung. Ein Grossteil der ab dem kommenden Jahr von den Haushalten zu bezahlenden Abgabe kommt dem nationalen Rundfunk zugute. Der Auftrag der SRG wird teilweise ausgedehnt. So soll sie regelmässig im täglichen Informationsangebot, das von grossen Teilen des Publikums beachtet wird, über die jeweils anderen Sprachregionen berichten.»
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«Ein revolutionärer Akt ist das Papier keineswegs. Im Kern bestätigt es die derzeitige Ordnung, die vor allem auf die Hege und Pflege der SRG ausgerichtet ist. Deren Dominanz im elektronischen Sektor soll unangetastet bleiben.»
Lesen Sie hier den Kommentar von Rainer Stadler
Tagesanzeiger
«Der Bundesrat hat die Vernehmlassung zum neuen Gesetz über elektronische Medien eröffnet. Die Online-Mediennutzung nehme zu, sagte Medienministerin Doris Leuthard am Donnerstag in Bern. Service public müsse dort präsent sein, wo das Publikum sei. Online-Medien sollen aber nur unterstützt werden, wenn sie hauptsächlich Audio- und Videoinhalte anbieten. Damit will der Bundesrat die Presse vor subventionierter Konkurrenz schützen. Für eine direkte Förderung von Zeitungen – ob gedruckt oder online – fehlt ohnehin die Verfassungsgrundlage, wie Leuthard betonte.»
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«Der Plan des Bundesrats, neben Radio- und Fernsehstationen auch Online-Medien mit Audio- und Videoinhalten Geld aus der Medienabgabe zukommen zu lassen, scheidet die Geister. SVP und FDP lehnen das Vorhaben ab, SP und CVP unterstützen es.»
Erfahren Sie hier, welche Meinungen die jeweiligen Parteien und Verbände vertreten.
AZ Medien
«Die Schlacht war mit der gewonnenen Abstimmung der No-Billag-Initiative geschlagen und gewonnen. Entspannt hat die SRG deshalb dem neuen Mediengesetz entgegenblicken können, das nun als Entwurf vorliegt: Es unterstreicht wie erwartet die Bedeutung des öffentlich-rechtlichen Rundfunks.»
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Blick
«Welche bestehenden Online-Angebote in den Genuss von Geldern kommen könnten, wollte Leuthard nicht sagen. Es müssen hauptsächlich Audio und Videoinhalte angeboten werden. Dies um die klassischen Printtitel nicht weiter zu konkurrenzieren.»
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Basler Zeitung
« In der Schweiz gab es bislang immer einen Konsens, dass direkte Medienförderung abzulehnen ist. Der Staat soll keinen Einfluss nehmen auf die einzelnen Angebote und diese nicht bewerten. Wenn der Bundesrat dies ändern will, ist eine verfassungsmässige Grundlage unumgänglich. Es ist mir schleierhaft, was den Bundesrat dazu gebracht hat, solche Vorschläge zu publizieren.»
Lesen Sie hier das Interview mit Gregor Rutz, SVP-Nationalrat und Vorstand der Aktion Medienfreiheit.
Auch die francophonen Medien haben den Gesetzesentwurf kommentiert und über seine Form berichtet. Hier erhalten Sie eine Übersicht über die Presseerzeugnisse der Westschweiz zu diesem Anlass.
]]>Par Roxane Gray, mars 2018.
A l’issue de la votation contre No Billag, le réalisateur Jean-Jacques Lagrange livre quelques réflexions sur les évolutions de la Télévision Suisse Romande. Ce pionnier de la télévision met en parallèle les premières années d’existence du média et le tournant que ses professionnels vivent aujourd’hui: après la création de la télévision en 1954, il s’agit maintenant de la réinventer.
]]>« Tatsächlich wird immer klarer, dass bei Tamedia eine Entlassungswelle bevorsteht. «Die Verunsicherung nimmt stark zu», sagt Jürg Steiner, Präsident der «BZ»-Peko. «Illusionen macht sich niemand mehr.» Per Anfang Jahr sind bekanntlich die überregionalen Ressorts sämtlicher Tamedia-Titel in der Deutschschweiz und der Romandie zusammengelegt worden. Das deutschsprachige Publikum wird nun mit einem beinahe identischen Mantelteil aus der Zürcher Zentralredaktion versorgt – egal, ob es die «Zürichsee-Zeitung», das «Thuner Tagblatt» oder den «Tages-Anzeiger» abonniert hat. »
Den Bericht können Sie hier lesen.
Neben Tamedia muss auch die SRG SSR sparen. Nach der No-Billag-Initiative prüft das staatliche audiovisuelle Medienhaus im Rahmen des Effizienzsteigerungs- und Reinvestitionsplans ein Umzug der Radioredaktion von Bern nach Zürich, wie die Berner Zeitung verlauten liess. Was aber nicht ohne Probleme geschehen würde:
« Die Vorteile der Konzentration in Zürich liegen auf der Hand: Die Informationsinhalte für TV, Radio und Online könnten am selben Standort hergestellt werden.Klar ist aber auch: Die Regionalredaktion Bern, Freiburg, Wallis, die Bundeshausredaktion sowie einige Fachredaktionen Inland würden nicht aus Bern abgezogen. «Bern bleibt als Produktionsstandort in jedem Fall zentral», bemüht sich SRF um einen föderalistischen Diskurs. »
Den Bericht können Sie hier lesen.
https://www.nzz.ch/schweiz/tamedia-die-stimmung-ist-auf-dem-tiefpunkt-ld.1374183
]]>Par Roxane Gray, mars 2018
Jean-Jacques Lagrange a été réalisateur pour la Télévision Suisse Romande (TSR) de 1954 à 1994. Il en perpétue aujourd’hui la mémoire, en partageant, notamment sur le site Notrehistoire.ch, récits et témoignages sur ses années de télévision. Ce réalisateur a, non seulement suivi, mais également accompagné et pensé les transformations successives de la télévision. En témoignent son exposé consacré aux nouvelles techniques de reportage « De la Bolex à la Microcam » présenté en 1978 lors de la Quinzaine de la télévision, mais aussi la production de nombreux écrits. Citons, pour exemples, l’article « La télévision en Suisse Romande » paru dans l’Annuaire de la Nouvelle Société Helvétique en 1968 ; l’ « Etude sur le métier de réalisateur et de producteur » rédigée l’année suivante ou encore le rapport « Prévoir l’avenir » produit en 1976.
Par le prisme de ses écrits destinés aux professionnels de la TSR comme à son public et de ses participations à des rencontres nationales et internationales, ce chef des réalisateurs a pris part aux réflexions, aux discussions ainsi qu’aux expérimentations portant sur les transformations techniques et organisationnelles de la télévision et des métiers qui la constituent. Le 5 mars 2018, au lendemain de la votation contre No Billag, Jean-Jacques Lagrange est revenu, en quelques lignes, sur les évolutions plurielles qu’a connues la télévision suisse. Non pas pour les mythifier mais bien au contraire pour inscrire la réforme que connaît aujourd’hui la SSR dans un temps long, jalonné par des mutations et restructurations constantes.
Nous publions sur cette page son texte intitulé « Réflexions après le vote du 4 mars » dont voici le contenu:
« Le refus par 71,6 % de l’initiative No Billag pour une participation de 54,1 % des citoyens est un véritable plébiscite pour une redevance du service public audiovisuel. Ce vote signifie que les Suisses veulent une information générale et de proximité qui soit indépendante et de qualité, outil nécessaire à notre démocratie directe et ils font confiance au service public SSR. C’est un démenti aux propos du conseiller national UDC et rédacteur en chef de la Weltwoche, Roger Köppel, qui écrivait que « le service public fabrique des fakenews et est une institution étatique, surdimensionnée, surpayée, surestimée et surannée ».
Sans attendre le résultat du vote, le nouveau directeur général de la SSR, Gilles Marchand, a proposé un plan de réforme-choc qui doit adapter la SSR au nouveau monde numérique. Contrairement à ce que disent les initiants qui pensent que la SSR « est un mammouth qui s’est endormi sur l’oreiller de paresse de la redevance », la proposition coup-de-poing de Marchand n’est de loin pas la première réforme de notre radio-tv.
Pour avoir vécu la TSR depuis sa naissance en 1954, je peux témoigner qu’elle n’a fait, en un demi-siècle, que se réformer et s’adapter techniquement. Petit rappel : évoluer de deux heures d’émission par jour à vingt heures quotidiennes, passer du kinescope à l’enregistrement magnétique et du noir-blanc à la couleur, affronter dès 1959 la concurrence des tv étrangères voisines arrosant notre petit pays (situation unique en Europe à ce moment-là), former des dizaines de réalisateurs et spécialistes tv en l’absence d’une école de cinéma, résister plus tard à la concurrence de la tv par câble qui amène un défi de centaines de chaînes, s’adapter aux restructurations du plan Hayek et du plan Andersen, abandonner la pellicule film et prendre le virage de la vidéo légère, du son stéréo, de la radio et de la tv numérique, du montage virtuel, de l’internet, de la TVHD, etc…et finalement fusionner radio et tv tout en produisant un programme généraliste conservant une audience majoritaire de 35% de part de marché est le résultat de l’effort de tout un personnel hautement qualifié qui a assuré une place de choix de la SSR au sein de l’UER. Sans parler des coupes budgétaires et des économies imposées régulièrement aux créateurs de programmes et aux techniciens avec un double slogan : « faire plus avec moins » et « les bonnes idées ne coûtent pas cher ».
Ces soixante-quatre ans d’histoire sont la réponse des professionnels aux partisans néo-liberaux des lois du marché et de la concurrence comme un certain M. Bessard qui affirme que « le service public radio-tv est un outil ringard, non rentable et politiquement dévoyé qui ne peut tenir la cadence de l’initiative et de l’innovation privées ».
Dans l’émission après le vote contre No Billag, on a entendu les représentants des partis politiques et des autres médias commenter la réforme Marchand en salivant déjà sur la part supplémentaire qu’ils pourraient tirer de la redevance ou en discutant des limites à mettre au périmètre de la SSR qui devrait se contenter de ce que les privés ne veulent pas faire…ça nous promet de rudes batailles pour l’enjeu politique de la discussion parlementaire à venir !
En provoquant un faux débat sur la redevance, l’initiative libertarienne No Billag a vraiment court-circuité le vrai débat planifié ce printemps pour la rédaction d’une nouvelle loi sur les médias qui tienne compte des bouleversement technologiques de l’ère numérique qui nous menacent tous : presse, radio, tv, web, services publics et privés doivent s’allier plutôt que se combattre. Car le paysage suisse des médias n’est pas brillant. La diversité des titres est mise à mal, l’ATS est en crise profonde. Les grands éditeurs fusionnent les rédactions, licencient les journalistes et peinent à assumer leur rôle en matière de débat démocratique, plus préoccupés qu’ils sont à garantir des rendements pour leurs actionnaires sans oublier l’effondrement des revenus publicitaires accaparés par les grandes chaînes étrangères qui, en retour, n’investissent pas un centime dans la production suisse. Chacun lorgne vers un partage de la redevance qui laisserait les miettes à la SSR. Il est pourtant primordial de définir d’abord le mandat de prestations d’un service public plébiscité par les citoyens avant de parler de la mission de la SSR puis éventuellement de toucher à la redevance.
Mais, il faut surtout penser à l’enjeu essentiel du XXIe siècle face à ce géant qui menace tous les médias : l’emprise des réseaux sociaux GAFA et de Netflix qui siphonnent déjà 80% des revenus publicitaires mondiaux sur le web, amassent des sommes colossales sans payer d’impôts, veulent devenir producteurs-éditeurs-diffuseurs et colonisent nos vies avec les algorithmes qui en savent plus sur nous que nos plus proches parents.
No Billag a été heureusement balayée…mais tout reste à faire ! L’enjeu est aussi grand que celui que nous avons rencontré en créant la télévision suisse il y a soixante-quatre ans ! »
Pour consulter les textes de Jean-Jacques Lagrange:
« La télévision en Suisse Romande », Annuaire de la Nouvelle Société Helvétique, 1968.
« Etude sur le métier de réalisateur et de producteur », 12 juin 1969, Fonds « Télévision suisse » PP 525/1919, Archives cantonales vaudoises.
Rapport « Prévoir l’avenir », novembre 1976, extraits consultables dans le dossier de la rétrospective, « Jean-Jacques Lagrange, documentariste. Hommage à l’un des fondateurs de la télévision suisse romande », 1983, Fonds Moritz et Erika de Hadeln, boîte n°187, Cinémathèque suisse.
« Le mirage No Billag », Revue Culture Enjeu, décembre 2017.
« Une Suisse sans voix? », Idée suisse contre No Billag. Réflexions sur le futur de la SSR, 3 février 2018.
« Pourquoi je voterai Non à No Billag », Notrehistoire.ch, 8 février 2018.
Quelques références:
« Quatre sages de la SSR livrent leurs idées pour sauver le service public », Le Temps, 12 décembre 2017.
Consulter le blog « Idée suisse contre No Billag. Réflexions sur le futur de la SSR ».
« No Billag », revue CultureEnjeu, numéro 56, décembre 2017.
]]>Ecouter l’entretien.
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La suspension du transfert n’est pas liée à la votation « No Billag » mais aux mesures d’économies prises par la RTS en raison de la baisse de la redevance annoncée par le Conseil fédéral pour 2019 ainsi que la baisse des revenus publicitaires.
Ecouter Pascal Crittin sur Radio Lac, le 7 mars 2018
Lire les articles parus le même jour:
« Le déménagement de la RTS sur le site de l’EPFL est retardé », RTS info
« Le déménagement de la RTS sur le campus lausannois est retardé », Le Temps
« Le déménagement de la RTS à l’EPFL est suspendu », 24 Heures
]]>« Das Unbehagen gegenüber dem grössten Medienunternehmen der Schweiz ist nicht neu. «DOK» blickt zurück in die Geschichte der Jahrzehnte andauernden Kritik gegen die SRG. Der Film zeigt, wie rechtsbürgerliche SRG-Kritiker in den vergangenen Jahren von libertären Meinungsmachern und ihren radikalen Ideen beeinflusst wurden. »
Sehen Sie hier die Dokumentation.
]]>Eine Nachlese in ausgewählten Medien der Deutschschweiz:
Die Neue Zürcher Zeitung anerkennt die hohe Absage an die Initiative, moniert allerdings, dass medienpolitische Reformen im audiovisuellen Sektor unerlässlich seien, sollte auch künftig gewährleistet sein, dass der schweizerische Medienplatz existieren kann. Obschon die medienpolitischen Akteure nach diesem Entscheid durchatmen können, würden sie sich nicht ausruhen dürfen, denn die SRG bleibe weiterhin auf der politischen Agenda, meint die NZZ weiter.
Wie die NZZ anerkennt der Tages Anzeiger den Entscheid der Stimmberechtigten, die No-Billag Initiative abzulehnen. Sie mahnt, dass die von den politischen Akteuren getätigten Versprechungen und Zugeständnisse, wie die Senkung der Gebühr, in Zukunft umgesetzt werden und hofft darauf, dass die SRG-Spitze die geplanten Reformen umsetzen.
Die Wochenzeitung sieht im deutlichen Nein ein Signal für die Stärkung des Service public und eine Niederlage für alle Kritiker gegen den öffentlichen Rundfunk. Sie sieht darin keinen substanziellen Kritikpunkt an die SRG sondern interpretiert das Resultat als Auftrag, die SRG bestenfalls zu verändern. Weiter steht für die WOZ fest, dass das Resultat den Willen des Souveräns zur Solidarität zeige.
Die Aargauer Zeitung deutet das Resultat der Abstimmung als ein rationaler Entscheid des Bürgers, der den grossen Medienplayer keine « auswischen » wollte, sondern das Begehren der Initiative als zu radikal erkannte und sie aus diesem Grund ablehnte. Die AZ zieht weiter Parallelen zu den Banken, bescheinigt der SRG das Prädikat « to big to fail » und wundert sich über das neue Verständnis der kulturellen Akteure des Fernsehens: « Die «Tagesschau», die verlässlich und unaufgeregt die wichtigsten Ereignisse des Tages für ein älteres TV-Publikum zusammenfasst, wurde plötzlich zum Heiligen Gral der Aufklärung erhoben. »
Die Basler Zeitung kommentiert die Abstimmung aus der Sicht der « Verlierer ». Sie deutet das Begehren als eine « echte » liberale Volksinitiative, die dem Souverän zum ersten Mal die Wahl über ihren bevorzugten Medienkonsum liess. Und, obschon das Resultat klar sei, seien wichtige Fragen zur Definition des Service public und der Finanzierung der audiovisuellen Medien nicht beantwortet. Die BAZ moniert, dass die klare Abstimmung kein Abbruch am medienpolitischen Diskurs täte und verweist weiter auf die medienpolitischen Vorstösse, die im Parlament noch hängig sind oder von bürgerlichen Politiker künftig eingereicht werden.
Für die Nachlese der Medienerzeugnisse in der francophonen Schweiz, klicken Sie hier
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