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1676

Pierre Bayle, Correspondance

À quoi sert un livret d'opéra ?

Le frère de Pierre Bayle lui avait demandé, de la part d’un ami, comment faire pour se procurer un livret d’opéra. Mais la réponse de Pierre s’est perdue. Il réitère donc ses explications : cela ne vaut pas la peine d'acheter le texte d'un opéra que l'on n'a pas pu voir, car l’unique intérêt de cet imprimé, c’est d’aider à suivre la représentation.

La demande que vous me faites de l’opéra fait bien voir qu’on ne vous a pas rendu les lettres que je vous ai écrites en dernier lieu […]. Je vous disais positivement qu’il est impossible de l’acheter en musique, et que si on le [v]eut avoir en cet état, il faut le faire écrire et noter par un musicien [e]xprès, pour quoi il serait nécessaire d’avoir des habitudes avec les acteurs ou les actrices, afin qu’ils prêtassent leur copie et que sur celle-là un musicien vous en fît une semblable. Tout cela demande un homme qui sollicite et qui furète partout. Il ne reste que l’opéra imprimé, qui n’est pas difficile à acheter, car on le trouve exposé en vente publiquem[en]t et il ne coûte que 30 sols. Mais cet opéra est si peu de chose quand il est dénué de sa musique et de l’actuelle représentation des changements de théâtre et de l’exécution des machines, que vous plaindriez toute votre vie les 20 ou 30 sols qu’il vous coûterait de port. Il n’est rien de plus languissant que cette sorte de vers, les événements et les intrigues ne sont rien à les voir ainsi décharnés, enfin il n’y a presque personne qui achète ces pièces, sinon ceux qui vont à la représentation, afin de suivre de l’œil les paroles qui se chantent sur le théâtre. Figurez-vous que je vous envoie des vers fort méchants, où on a mis de beaux airs. Si vous ne saviez pas ces airs-là, n’est-il pas vrai que vous ne me sauriez aucu[n] gré d’un tel présent ? Ainsi il vaut mieux que vous attendiez d’apprendre les airs de quelqu’un qui les saura chanter.

Lettre 135, Pierre Bayle à Joseph Bayle[Sedan,] le 28 mars 1677.    

Correspondance disponible sur le site de l'Université de Saint-Etienne.


Pour indiquer la provenance des citations : accompagner la référence de l’ouvrage cité de la mention « site Naissance de la critique dramatique »