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1705

François Catrou, Histoire générale de l'empire du Mogol depuis sa fondation sur les Mémoires portugais de Manouchi

Paris : de Nully, 1705.

Musiciennes et comédiennes de talent

Cette relation n'est pas à proprement parler un récit de voyage, mais, d'après la préface, une « Histoire »issue de la compilation de chroniques et de récit de voyage, en particulier le manuscrit en portugais du Vénitien Manouchi qui a voyagé longuement dans les Indes et décrit le Pays des Empereurs mongols. L'Histoire se veut à la fois instructive et plaisante : F. Catrou espère susciter la curiosité de ses lecteurs en lui proposant des héros asiatiques au lieu des habituels héros européens. Dans un chapitre consacré à la description de la cour du Mogol, le voyageur fait l'éloge des musiciennes dont le talent est parfois mis à contribution pour la représentation de spectacles comiques et en musique :

Les musiciennes et les danseuses sont divisées par bandes. Chaque troupe a sa maîtresse pour le chant et pour la danse. Elle est la gouvernante et la directrice de ces jeunes personnes qu'on choisit indifféremment dans les familles mahométanes et dans celles des gentils, pour les transformer au sérail. La pension des intendantes de la musique est égale à celle des Dames du Palais, mais les premières ne sont jamais admises aux conseils de l'Empereur. Tout leur emploi est de régler les concerts, d'apprendre à leurs disciples à toucher une espèce de luth dont le son est harmonieux, et de fournir de nouveaux airs aux plaisirs des reines et des princesses. En effet toutes les femmes du Mogol et toutes les filles de son sang, ont à elles chacune sa troupe de musiciennes qui ne servent point à d'autres. C'est de là qu'elles tirent leurs confidentes. Cependant tous ces choeurs de musique se réunissent à certains jours de fête, soit pour chanter des cantiques à l'Éternel, soit pour célébrer les louanges de l'Empereur. On n'épargne point les flatteries au Mogol dans ces sortes de chansons. Quand il marche, lui dit-on, les quatre éléphants qui soutiennent la terre sont effrayés. Le soleil lui sert de coussin pour reposer sa tête, et la Lune est son étrier lorsqu'il est à cheval. Les noms de ces musiciennes est toujours de l'invention de l'Empereur. Il appelle l'une Soc-Bay, c'est-à-dire, La Voix mélodieuse ; l'autre Gian-Bay, qui signifie, l'esprit inventif. En effet le grand mérite de ces sortes de filles est d'imaginer des divertissements pour leurs maîtresses, et surtout des spectacles comiques où elles excellent. L'Empereur s'y trouve, et souvent une comédie agréable, bien représentée, et mêlée de chants et de danses, a valu à quelqu'une des actrices une place parmi les femmes du premier ou du second ordre.

Édition de 1708 en ligne sur Google Books, p. 342-343.


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