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1670

Charles Robinet, Lettres en vers

Paris, Chénault, 1670.

Compte-rendu de Policrate

Dans sa lettre du 25 janvier 1670, Robinet rend compte du Policrate de Boyer. Il le mentionne à nouveau dans sa lettre du 1er février :

Parle de l'heureux Policrate,
Muse, pour n'être pas ingrate,
Du plaisir, qu'à le voir, tu pris
Avecque tant de beaux esprits,
Lequels, dimanche, l'admirèrent,
Et tout hautement le louèrent.
Que ce beau sujet est heureux,
Et que ce héros amoureux,
Et Tyridate, aussi, son frère, [représentés par les sr Champmeslé et Des Urlis]
Ont bien, tous deux, le don de plaire,
Dedans leur dissertation,
Pleine de tendre passion,
Où l'un désire une maîtresse,
Qui, résistant à la tendresse,
Le rende plus digne vainqueur
De ses appas, et de son cœur,
Contre le sort, murmurant même,
Qui fait qu'on l'aime dès qu'il m'aime ;
Et l'autre, d'avis opposé,
Veut trouver un objet aisé,
Qui brûle, d'abord, de la flamme
Qu'il a fait naître dans son âme,
Soutenant que toute beauté,
Par trop retranchée en fierté,
Et dans sa hauteur de courage,
Cause moins d'amour que de rage.
Cent brillants, et cent nouveautés,
De leurs discours sont les beautés.
Et plusieurs mignons antithèses,
Ornent leurs amoureuses thèses,
Qui vrai, comme ici, je le dis,
Rendent les gens tout ébaudis.
Les caractères des princesses,
Qui sont leurs aimables maîtresses,
Mais, dont ce Policrate heureux,
Attire seul, à soi, les vœux,
Sont si pleins de choses touchantes,
Et de telle sorte, attachantes,
Que l'on aime, et plaint l'embarras
Où se rencontrent leurs appas,
Si qu'on a l'âme mi-partie
Pour Elise, et pour Olympie. [Melles Champmeslé et Marotte]
J'aime le caractère, encor,
(Où tout est juste, où tout est fort)
De Doronte, ce politique,
Lequel, plus ferme qu'un stoïque, [Le sieur de Verneuil.]
Refuse au roi, jusqu'à la fin,
De souffrir qu'il donne la main
À ladite Elise, sa fille,
Et qu'il n'entre dans sa famille.
Cléonte ne me plaît pas moins, [Le sieur de la Roque]
Appliquant, comme il fait, ses soins,
A persuader le beau sire,
D'exécuter ce qu'il désire ;
Et le merveilleux dénouement
Me charme, enfin, extrêmement,
Qui rend cette pièce exacte ;
Sans pareil, le cinquième acte,
Tant il est d'incidents rempli,
Et de tous les points accompli.
D'ailleurs, sans que l'auteur je flatte,
Les beaux vers de son Policrate,
Sont tous heureux, tous fortunés,
Et magnifiquement tournés.
Cette pièce héroïque, au reste,
Est jouée, et je vous l'atteste,
D'un air si noble, et si pompeux,
Qu'il n'est rien plus beau, ni de mieux.
J'en ai, pour garants, les éloges,
Dont théâtre, parterre, et loges,
Retentissaient incessamment ;
D'où je confirme, sûrement,
Sans, dis-je, que l'auteur je flatte,
Le nom d'heureux à Policrate.


[1 février]

Parlant de l'heureux Policrate,
Dont le renom, partout, éclate,
Il m'est arrivé d'oublier
De vous remarquer que Boyer
Est l'auteur de ce beau poème,
Digne d'une louange extrême.
Ainsi, par un juste souci,
Je vous en avertis ici,
Et que c'est au Marais, aussi, que l'on le joue,
Où la brillante foule, et l'admire, et le loue.

Transcription de David Chataignier disponible sur le site Molière21.


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