Ils en demeurèrent à cette résolution ; et trois jours s’étaient passés sans que le Duc d’Alençon eût paru. Lors qu’ayant appris par Du Lac qu’on devait danser un Ballet devant la reine, il se mit dans l’esprit d’être de la partie ; l’occasion s’en présenta d’elle-même. Le Comte de Licetre qui devait y danser s’étant trouvé mal, il ne fut pas difficile au Duc d’Alençon de remplir sa place : cela se fit pourtant sans que la reine en sut rien. Le Duc étant à peu près de la taille du comte, [il] fut aisément pris pour lui-même, et l’on trouva qu’il n’avait jamais dansé de meilleure grâce. Le ballet fini, la reine se trouvant de belle humeur, voulut donner le reste du soir au divertissement, et dit au comte prétendu, qu’elle voulait danser avec lui. Les danseurs ne s’étaient point encore démasqués ; le duc ne jugea pas à propos de se découvrir : on sait que le masque change tout le ton de la voix, et il ne pouvait pas être reconnu. Il ne fit donc point de scrupule d’entretenir la reine, et de danser avec elle ; et son esprit ne fit pas moins d’honneur au comte que sa danse.