Professeure assistante en études genre et environnement, Miriam Tola a rejoint l’UNIL en février 2020. Elle s’intéresse principalement à l’articulation entre inégalités sociales et inégalités environnementales, ainsi qu’aux liens entre les humains, les autres êtres vivants et le monde matériel. « Les relations que nous avons avec la nature sont corrélées à la manière dont nous concevons les rapports de genre, de classe et de race », affirme-t-elle.
Elle cite le concept de mère nature en guise d’exemple : « Cette image populaire est utilisée par les politiques, les activistes et même le pape, pour parler de la planète d’une façon qui se veut bienveillante, mais sans réfléchir à la question du genre », estime-t-elle. Or, selon elle, « évoquer mère nature c’est utiliser une figure genrée qui postule les ressources planétaires comme généreuses, voire illimitées ». En outre, face à cette figure maternelle, « on peut considérer les multinationales et tous les gros pollueurs comme des enfants rebelles, autrement dit y voir un phénomène individuel et non systémique », précise-t-elle.
Pour Miriam Tola, qui fut journaliste en Italie avant de passer dix ans aux États-Unis où elle a réalisé une thèse sur le genre et les politiques du commun, le choix des mots a une grande importance. Par exemple, elle précise qu’elle ne dit jamais « les hommes » pour parler du genre humain. Elle pointe l’ambiguïté du concept de mère nature, « utilisé de manière positive par les éco-féministes pour souligner la réciprocité entre les humains et la nature ».
La crise du care à la lumière de la pandémie
Sa nouvelle recherche porte sur les politiques du care* en lien avec la pandémie. Elle s’intéresse aux contextes d’émergence des nouveaux virus, selon elle « la déforestation, l’urbanisation, l’agriculture intensive ou encore le franchissement de la barrière des espèces s’agissant des maladies zoonoses ».
Elle interroge les liens entre santé et environnement d’une part, et d’autre part la manière dont la pandémie a « rendu plus visibles les inégalités dans leurs dimensions de genre, de classe et de race ». Elle cite quelques éléments : la dévalorisation du travail du care, qui désigne des métiers majoritairement féminins, et, dans la sphère privée, la mauvaise répartition entre les sexes du surcroît de travail domestique lié à la pandémie ainsi que la montée de la violence envers les femmes au sein des couples hétérosexuels confinés. Ce dernier constat vaut en tout cas pour l’Italie, où il a été rapporté par une recherche à laquelle Miriam Tola a participé et qui a été publiée dans la revue américaine Feminist Studies.
Quelles sont ses sources ? « J’ai utilisé des outils comme l’observation participante et l’analyse des textes publiés par des groupes féministes et « queer ». Beaucoup de choses se passent notamment sur les réseaux sociaux, où ces féministes sont très actives et en contact avec de très nombreuses femmes. Il s’agissait de mettre en avant les réponses féministes à ces questions, des réponses qui passent par la création de réseaux de solidarité et d’entraide et qui révèlent les lacunes des dispositifs institutionnels. L’action des féministes ne vise pas à supplanter celle de l’État mais à demander notamment une revalorisation du travail du care en reconnaissance de sa centralité », résume-t-elle.
Miriam Tola s’intéresse aux réponses des activistes à la crise socio-environnementale. Elle collabore en ce moment à un projet de livre collectif sur la politique du care en lien avec la pandémie de Covid-19 dans plusieurs pays comme le Brésil, le Royaume-Uni, l’Italie et la France. Elle enseigne les idées et les politiques de la nature et prépare un nouveau cours de master sur la politique et la justice environnementales dans une perspective transnationale.
* Le care concerne aussi bien les métiers de soins à la personne, souvent dévalorisés sur le plan socio-économique, et le travail domestique « gratuit » , inégalement réparti entre les femmes et les hommes…