Vous prenez trois groupes aux caractéristiques similaires et vous les placez dans plusieurs situations de stress – par exemple un entretien d’embauche fictif avec des personnes en blouse blanche qui semblent indifférentes, voire hostiles – puis vous évaluez divers paramètres physiologiques et psychologiques (mesures physiques objectives et entretiens subjectifs sur la situation vécue par chacun des volontaires) et vous obtenez des résultats commentés ci-dessous par Liudmila Gamaiunova, auteure de cette recherche à la Faculté de théologie et de sciences des religions.
« Nous avons bien entendu offert à chacun un programme standard de méditation de huit semaines, mais après-coup concernant l’un de nos trois groupes, qui s’est révélé le plus durablement stressé dans notre expérience. Par rapport à ce groupe-contrôle, notre deuxième groupe – ayant bénéficié du programme de méditation – a mieux géré la situation de stress ; enfin, toujours comparé à notre groupe-contrôle, le troisième groupe a pu affronter la situation et récupérer un peu mieux encore que les participants du deuxième groupe. En plus de l’intervention classique (méditation standard), ce dernier groupe avait pu bénéficier d’autres techniques contemplatives issues du bouddhisme, associées à des exercices pour renforcer la bienveillance, réaliser l’impermanence de toutes choses, ou encore mesurer le caractère insaisissable du soi », explique la chercheuse.
Ces résultats pourraient renforcer la créativité en matière de programmes réducteurs de stress par la méditation, une méthode qui gagne du terrain y compris dans les hôpitaux. Mais pourquoi le bouddhisme et pas le christianisme, qui invite lui aussi à la compassion et à une pratique silencieuse de longue haleine si l’on songe aux religieux confinés dans des monastères ? « Parce que les pratiques issues du bouddhisme sont accessibles même à des personnes sans aucune croyance religieuse, tandis qu’avec le christianisme on est tout de suite confronté à la question de la foi », répond Liudmila Gamaiunova.
Réflexion sur soi-même et spiritualité
Elle signale un autre résultat intéressant, qu’elle n’anticipait pas forcément : les interventions proposées (méditation avec ou sans exercices complémentaires) ont offert une expérience spirituelle y compris aux participants sans aucune croyance religieuse ni intérêt préalablement affirmé pour la spiritualité. Cet élargissement spirituel constaté chez la plupart des personnes pose la question de savoir si ces techniques restent du domaine strictement séculier ou entrent dans quelque chose d’autre, une question qui intéresse particulièrement cette chercheuse travaillant à la frontière entre la psychologie, la physiologie et la spiritualité. Son travail sur les effets de la méditation se décline à travers plusieurs articles publiés ou à venir dans des revues spécialisées en psychologie clinique et/ou neurosciences.
Deux premières études avaient été réalisées avec des personnes déjà très impliquées dans les techniques proposées en Suisse romande (Vaud et Genève notamment) par des centres zen et tibétains. « Nous avions déjà pu constater que les personnes sachant méditer pouvaient plus facilement que les autres manier l’ironie sur leur propre comportement face au stress et avoir une forme de distanciation qui leur permettait d’affronter les choses désagréables au lieu de chercher simplement à les fuir, ce qui n’est pas toujours possible », conclut la chercheuse. Reste que l’état méditatif ne s’improvise pas et qu’il faut selon elle pratiquer régulièrement, au-delà de la formation reçue, si on veut pouvoir convoquer la méditation dans les moments de grande incertitude.