Le rôle du Service des ondes courtes (SOC) lors de la Seconde Guerre mondiale fut en premier lieu d’informer les Suisses expatriés. Cette radio internationale se distingue de l’Agence télégraphique suisse (ATS) et de la presse écrite notamment par l’importance qu’elle accorde à la forme de ses chroniques, cherchant par ce biais à atteindre une véritable communion entre les Suisses à travers le globe.
Durant la Seconde Guerre mondiale, le SOC, sous l’égide du Service de radiodiffusion (nom pris par la SSR au cours de la guerre), s’adresse en priorité aux auditeurs suisses vivant à l’étranger. Ce média, contrairement à une presse partisane et d’information s’adressant avant tout à un public suisse, a vocation à toucher une audience internationale. Cette différence d’auditoire est importante car elle influence la manière même de rendre l’information. En effet, alors que les citoyens vivant en Suisse étaient avant tout attirés par les informations pratiques qu’ils pouvaient trouver dans la presse écrite, l’intérêt des citoyens établis à l’étranger résidait principalement dans l’accès à une information non soumise à la propagande des belligérants.
L’information radiophonique : rapidité et proximité
La radio se distingue par la rapidité avec laquelle elle peut transmettre l’information. Dans la Chronique politique du 28 août 1939, on annonce officiellement la mobilisation partielle, ce qui ne sera fait dans la presse écrite que le lendemain. Une allocution du président de la Confédération Philipp Etter, publiée également dans un titre comme la Gazette de Lausanne, est donnée à entendre. Notre source ne nous permet pas de savoir sous quelle forme le discours a été retransmis, s’il a été lu par le journaliste ou s’il s’agit d’un enregistrement.
L’information racontée comme une histoire
La chronique du 30 août s’adresse clairement aux concitoyens expatriés. Le chroniqueur raconte le déroulement de la journée du lundi 28 août 1939 : le vote des pleins pouvoirs au Conseil fédéral et l’élection du Général Guisan. Au-delà de l’information délivrée, le journaliste veut faire partager ces évènements à tous les Suisses de l’étranger qui n’ont pas eu « le privilège » d’assister à cette « manifestation d’une grande beauté » qui restera à jamais gravée dans les mémoires. La rhétorique est incantatoire et la tonalité appartient au registre du sermon. Alors que les bulletins de l’ATS sont élaborés dans le but de délivrer une information brute, le SOC semble plus attentif à la forme qu’au contenu. Les mots sont choisis avec soin pour (r)éveiller le sentiment patriotique des citoyens expatriés. La Gazette de Lausanne, pour sa part, dans son numéro du 29 août 1939, relate les événements de manière très factuelle.
Le SOC rassemble les Suisses du monde entier
Le chroniqueur parle et relate les faits de manière à capter l’attention de l’auditeur. Il s’adresse directement à lui en l’impliquant dans son récit : « Nous vous l’avons dit ici même tout dernièrement ». Les expressions sont conformes au caractère exceptionnel de la situation. Lorsque le journaliste évoque l’élection du Général Guisan par exemple (Chronique politique du 30 août 1939), celle-ci est présentée comme un choix unanime. En faisant abstraction des quelque 21 voix qui s’étaient portées sur son rival Jules Borel, l’élection est élevée au rang d’un acte quasi sacré.
Contrairement à la presse écrite qui relate cette élection de manière factuelle, la chronique du SOC revêt un caractère solennel. Ce n’est pas uniquement un journaliste qui s’adresse aux auditeurs, mais l’expression d’une forme de communion entre les différents Suisses à travers le monde autour des valeurs d’unité et de solidarité. Un message de confiance est passé : la Suisse veille, elle monte la garde. On rappelle ainsi aux Suisses du monde entier qui ils sont et surtout d’où ils viennent. De physique et militaire, la mobilisation devient spirituelle.
Constance Dayer
Dans la chronique du 28 août 1939, le Service des ondes courtes rappelle la position spécifique de la Suisse au sein des Etats neutres européens.
Dès le 28 août 1939, la mobilisation des troupes de couverture de la frontière est décidée; deux jours plus tard, le Parlement vote les pleins pouvoirs et élit le Général Guisan. La chronique du 30 août 1939 revient sur ces événements avec une certaine emphase. La mobilisation générale de l’armée – 430’000 militaires et 200’000 complémentaires – se déroulera du 3 au 5 septembre dans un très grand calme; l’Exposition nationale, fermée le 1er septembre, rouvrira 4 jours plus tard.
Annexe
Un article, paru dans la Gazette de Lausanne [en pdf] le 29 août 1939 et intitulé «Une mesure de prudence et de sécurité», annonce la levée des troupes de couverture de la frontière de manière très factuelle.