A l’aube de la Seconde Guerre mondiale, le gouvernement helvétique met en place ce qu’il appelle la défense nationale spirituelle. Une politique culturelle se développe visant à promouvoir une certaine image de la Suisse tant sur le plan national qu’international. Le Service des ondes courtes (SOC) constitue un des outils pour diffuser une vision positive du pays par le biais de ses Chroniques politiques et culturelles.
A travers les années de la guerre, de 1939 à 1945, on distingue une évolution quant à la façon d’aborder le thème de la culture au sein des chroniques du SOC. Lors des premières années, jusqu’en 1943 environ, le discours culturel est utilisé avant tout à des fins patriotiques en valorisant, vis-à-vis de l’extérieur, le rôle du pays dans le maintien de certaines valeurs bouleversées par la conjoncture de guerre. A partir de 1943, la place de la culture au sein des chroniques du SOC devient plus importante et donne lieu à un traitement spécifique. Plusieurs d’entre elles sont rédigées par l’Institut für Auslandforschung, institut privé rattaché à l’Université de Zurich afin de rompre l’isolement diplomatique dont souffre la Suisse durant cette période. Créé le 8 mars 1943, il sera dirigé pendant ses premières années d’existence par Eduard Fueter, un ancien frontiste, cofondateur de Pro Helvetia (membre du conseil de fondation de 1939 à 1952) et chef de l’Office central universitaire suisse (1940-1946).
Une culture de propagande
La grande exposition nationale qui s’est tenue à Zurich en 1939 – la Landi – est considérée par certains comme l’une des expressions paradigmatiques de cette défense spirituelle de la Suisse, mise en place par le gouvernement. Au cours de cette exposition, le but principal était de proposer une vision de la Suisse susceptible d’inculquer aux Confédérés espoir et fierté en leur pays. Lors d’une interview, en octobre 1939, de M. Schlatter, responsable du service de presse romand de l’exposition nationale, le journaliste présente la presse et la publicité comme étant les deux facteurs de la réussite de l’exposition. La presse joue en effet un rôle important dans cette promotion de l’identité suisse. Les chroniques du SOC, se faisant aussi largement le relais de cet évènement, s’intègrent ainsi dans un processus plus large. Ces émissions, destinées aux Suisses de l’étranger avant tout, transmettent la vision officielle des autorités. Dans la chronique du 30 octobre 1939, qui porte sur la fermeture de l’exposition nationale, le discours du chef de l’exposition est repris tel quel en évitant toute appréciation personnelle sur le sujet.
Un nouvel essor pour la culture
Dès 1943 pourtant, la façon dont est présentée la culture change au sein même des chroniques. Préoccupations secondaires dans les années antérieures, les thématiques culturelles vont ainsi s’imposer plus largement au sein du SOC avec des chroniques qui y seront désormais exclusivement consacrées. Parmi les thématiques récurrentes, on peut signaler la mise en valeur du «génie» industriel helvétique, la tradition et l’activité de ses universités, le rayonnement des écrivains et artistes suisses. Dans la chronique du 25 mai 1945, le journaliste souligne surtout la contribution des universités et des enseignants suisses à la reconstruction de la structure scolaire et éducative dans les pays touchés par la guerre.
Emergence d’une diplomatie culturelle
Ce poids croissant donné à la culture sur le plan international doit être relié plus largement à la mise en place par la Confédération d’une forme de diplomatie culturelle. Si cette dimension est présente dans le mandat de Pro Helvetia dès sa création en 1939, il faut attendre la deuxième partie du conflit pour voir se développer une politique plus volontariste qui passe notamment par le soutien à des concerts et conférences, la subvention d’une histoire de la Suisse en anglais ou encore la distribution de livres à des bibliothèques étrangères. Parallèlement se mettront en place dans l’immédiat après-guerre et sous l’égide du Département politique les premiers postes d’attachés culturels rattachés successivement aux légations de Paris, Washington et Londres.
Gregory Vauthier
Bibliographie
Hauser Claude, Seger Bruno, Tanner Jakob (dir.), Entre culture et politique: Pro Helvetia de 1939 à 2009, Genève: Slatkine, 2010.
Dans la chronique du 30 octobre 1939 en français, le journaliste présente une forme de bilan à l’occasion de la fermeture de la Landi. Pour tout commentaire sur cette séance ou sur l’exposition nationale elle-même, le SOC relaie le discours des dirigeants. C’est un discours subjectif avec un but principal: valoriser certes l’exposition, mais surtout le message qu’elle veut faire passer aux Suisses. Un discours de propagande en sorte.
Avec cette Chronique politique et culturelle du 25 mai 1945 en allemand et centrée sur le monde culturel uniquement, on voit nettement le changement dans la façon dont la radio internationale propose d’aborder les sujets culturels. La culture a désormais une place à part entière dans les actualités du SOC.
Annexe
Le cinéma helvétique connaît un fort développement durant la Seconde Guerre mondiale, tout en contribuant à promouvoir une certaine image de la Suisse. La Praesens Film, l’une des principales maisons de production de l’époque, se distingue par plusieurs films à grand succès dont certains, comme La dernière chance, connaissent une carrière internationale.
La Suisse au miroir du monde, www.miroirdumonde.ch, Université de Fribourg.
Audiovisuel
Interview du 28 octobre 1939 de M. Schlatter, chef par interim de la section romande du service de presse pour l’exposition nationale de 1939 (archives RTS).
Liens
Sur les expositions nationales (Dictionnaire historique de la Suisse)