«La pandémie nous a demandé beaucoup d’adaptations», résume Marie Neumann, directrice du Service culture et médiation scientifique (SCMS) à l’UNIL. Spectacles annulés, reprogrammés et à nouveau repoussés au fil des différentes vagues de restrictions sanitaires ont contraint l’équipe de La Grange à travailler dans l’incertitude, envisageant plusieurs scénarios en parallèle. Certaines représentations sont tombées à l’eau au dernier moment, un comédien ayant attrapé le Covid. Le festival Fécule, qui se déroule généralement sur une quinzaine en mai, a été reporté et s’est déroulé en quatre temps, tout au long de la saison.
Seule certitude durant la pandémie : le travail de création doit continuer, même derrière des portes closes. «Nous avons accueilli les artistes et mis le plateau et l’équipe à leur disposition pour qu’ils puissent mener leurs projets à bien.» Ceci pour donner aux spectacles une chance d’exister après la pandémie, dans d’autres salles ou festivals. Des représentations ont été organisées pour les professionnels (programmateurs·trices et journalistes), dans la limite des jauges autorisées. «Cette période a été frustrante et nous a amenés à imaginer de nouvelles façons de partager les créations avec le public. Renonçant aux spectacles proposés en streaming, nous avons préféré inventer des objets alternatifs (textes, interviews ou formats courts) et les proposer sur les réseaux sociaux. L’idée était de raconter les projets qui auraient dû être partagés avec les spectacteurs·trices et la manière dont les équipes artistiques vivaient cette situation exceptionnelle», complète-t-elle. Outre le fait de préserver un lien avec le public, des captations filmées ont aussi été réalisées pour aider les compagnies à présenter leur travail après la pandémie.
Le digital a pris le relais à certaines occasions : le cycle de rencontres «Imaginaire des futurs possibles» avec Vinciane Despret, dont c’était la deuxième édition, a ainsi eu lieu en ligne. «Il a été suivi par des citoyennes et citoyens de toute l’Europe, le public était plus large que si ces rencontres s’étaient déroulées uniquement sur place à Lausanne», relève Marie Neumann. Les supports de communication ont eux aussi basculé uniquement dans le monde virtuel pendant un temps, puisqu’il était interdit de distribuer des programmes imprimés.
«Cette situation nous a incités à expérimenter de nouveaux formats, à analyser ce qui fonctionnait ou non et à nous interroger sur notre manière de travailler. Désormais, nous nous demandons systématiquement comment partager chaque projet artistique avec le plus grand nombre et dans quelle mesure le digital pourrait nous y aider», résume-t-elle.
D’autres changements se sont ajoutés aux contraintes causées par la pandémie. Dominique Hauser, aux commandes de la programmation de La Grange depuis 30 ans, a ainsi passé le témoin à Bénédicte Brunet. Puis, entre avril et décembre 2021, La Grange a fermé ses portes pour cause de travaux. Une solution est heureusement venue du Vortex, qui a accueilli pour une demi-saison une grande partie des spectacles reportés. Et certains spectacles qui, pour des raisons techniques, ne pouvaient se dérouler sur le campus ont été accueillis à l’Arsenic, grâce à une collaboration.
«Les équipes se sont adaptées avec brio aux exigences de cette étrange période. Elles ont fait preuve d’agilité, d’inventivité, de créativité, repensé les modèles, en somme utilisé toutes ces qualités auxquelles les acteurs et actrices du milieu culturel ont l’habitude de recourir, mais de façon encore plus intense», se félicite la directrice du SCMS.
Alors si, aujourd’hui, les spectateurs·trices ont retrouvé le chemin des salles, si l’on ose à nouveau imprimer des affiches et des programmes, La Grange continue de développer sa communication digitale. «Nous sommes très heureux que les échanges entre le public et les artistes reprennent, car cette expérience collective et sensible constitue l’essence et la raison d’être des arts vivants», conclut-elle. – SU