C’est une course de rattrapage sans fin. Puisque de nouvelles technologies arrivent sans cesse sur le marché, le nombre de données augmente de manière exponentielle. Il faut garder le rythme pour résoudre les problèmes de stockage, de traitement et d’analyse qui en découlent. Au milieu de ce marathon, un domaine ne perd pas son souffle : celui de la bioinformatique.
Contraction des mots «biologie» et «informatique», cette branche met le deuxième au service du premier. Nicolas Guex, bioinformaticien à cheval entre l’UNIL et l’EPFL, utilise les compétences de son équipe au profit des sciences fondamentales. Il offre aux chercheuses et chercheurs de l’expertise et des technologies pour tous les aspects liés au traitement et à l’analyse des données telles que les séquences d’ADN, les images ou encore la structure des protéines. La bioinformatique qu’effectue le groupe de Raphael Gottardo, elle, est mise à contribution des activités cliniques et hospitalières du CHUV : aide au dépistage, à la prévention, au diagnostic ou encore au traitement.
Ils travaillent tous deux sur une dizaine de projets à la fois, rendant leur quotidien extrêmement varié. Le parcours des membres de leurs équipes est tout aussi diversifié : ce qui compte est davantage la capacité à trouver des solutions aux nouveaux problèmes. Pour Raphael Gottardo, qui préfère parler de sciences des données, terme plus inclusif, il s’agit avant tout de se remettre en question continuellement : «C’est un domaine qui change tout le temps. Il faut donc savoir se réinventer et ne pas avoir peur d’apprendre en permanence.»
«Les médecins ne seront pas remplacés par des machines»
Cette réinvention constante de la bioinformatique lui a permis une évolution rapide. Elle a connu une véritable expansion dans les années 1980, lors du début du séquençage d’ADN : il a fallu stocker les données et créer des algorithmes pour automatiser les démarches. Qui dit nouvelles méthodes dit nouveaux problèmes à résoudre, et donc besoin d’expertise. Aujourd’hui, 40 ans plus tard, les équipes de spécialistes ont bien grandi et font face à de nouveaux défis. Demain, le domaine sera d’autant plus nécessaire : «Il y aura de plus en plus de données, et le niveau d’expertise augmentera. Le côté multidisciplinaire sera d’autant plus présent dans le futur», se projette Raphael Gottardo. Nicolas Guex, lui, prévient : «Il y a une grande expansion, mais le domaine étant en constante évolution, je ne pense pas qu’il y aura une révolution du jour au lendemain. Il y a une forte attente de la part de la société, notamment dans le domaine de la médecine. S’il est vrai que nous disposons d’algorithmes toujours plus puissants et que nous nous dirigeons de plus en plus vers une automatisation, les médecins ne seront pas remplacés par des machines.»
S’ils traitent toutes sortes de données, il ne suffit pas d’assaillir ces spécialistes de tableurs Excel et d’attendre qu’une réponse parvienne magiquement en retour. Loin du cliché de l’informaticien cloîtré derrière son ordinateur à longueur de journée, le travail est une discussion constante et bidirectionnelle avec les scientifiques ou les médecins. Il est essentiel de saisir les enjeux du projet et de réfléchir ensemble à la manière d’atteindre leurs objectifs. «Considérant la quantité et la diversité des données à analyser pour les différents groupes de recherche, nous collaborons beaucoup», s’enthousiasme Nicolas Guex, épanoui par l’absence de routine dans son métier.
La bioinformatique, ou science des données de manière plus générale, n’est donc pas près de sortir de la piste. Qu’elle permette d’éclairer les scientifiques dans la course compétitive du monde académique ou de donner un peu d’air aux patients du CHUV, les pas s’enchaînent. – MdV