Une éthicienne étudie l’impact des robots en EMS

Faculté de théologie et de sciences des religions

Certaines directions d’EMS utilisent des robots d’animation et d’autres pas. Membre du comité d’éthique de l’Association vaudoise d’établissements médico-sociaux, directrice du Centre interdisciplinaire de recherche en éthique (CIRE), rattaché institutionnellement à la FTSR, Nadja Eggert a sondé sur cette question une dizaine d’EMS de plusieurs cantons romands dans le cadre d’un projet financé par la Fondation Leenaards.

Le but semble assez simple : «voir ce qui se passe entre le robot et la personne âgée». Mais la réponse n’est pas univoque. Au niveau des directions, certains estiment que proposer un ordinateur déguisé en phoque, en chien ou en chat, c’est tromper des personnes déjà désorientées par leur maladie. Mais d’autres n’hésitent pas à acquérir ces peluches high tech dont l’utilisation semble amuser, voire stimuler certains résidents.

Nadja Eggert (qui a travaillé avec le professeur de la FBM Ralf Jox, corequérant et spécialiste des soins palliatifs gériatriques, Stéphanie Perruchoud, chercheuse postdoctorante engagée sur le projet, et Nicola Banwell, chercheuse au CIRE) recommande notamment aux établissements d’accompagner professionnellement chaque intervention avec ces robots exigeant des compétences informatiques, et d’en surveiller l’usage tout au long de la manipulation.

Félix Imhof © UNIL

L’idée du robot thérapeutique fait son chemin petit à petit, mais certains craignent d’infantiliser les résidents.

Nadja Eggert
Maître d’enseignement et de recherche, Centre interdisciplinaire de recherche en éthique

«L’idée du robot thérapeutique fait son chemin petit à petit, mais certains craignent d’infantiliser les résidents», estime-t-elle. Avec Zora, par exemple, qui diffuse de la musique, les personnes âgées peuvent danser en imitant les mouvements de ce petit robot humanoïde posé sur une table, ou parler, mais attention, car «Zora se trompe parfois quand il s’agit de répondre à une question aussi simple que le jour qu’il est», souligne la chercheuse. Mais Zora sait convaincre ; ainsi, une personne à mobilité réduite s’est soudain levée sans aide, comme transportée par cette interaction au point d’en oublier ses propres limites…

Un phoque très expressif

Le plus bluffant de ces robots utilisés dans l’animation (et non les soins corporels) est un joli phoque muni de capteurs, aux yeux noirs expressifs ourlés de cils qui bougent ; en outre, il émet des sons sous les caresses. Prénommé Paro, «il marche bien avec les personnes souffrant de maladies dégénératives», esquisse l’éthicienne, qui décrit «des moments de crise aiguë, où les professionnels rapportent que l’intervention de Paro permet de calmer les angoisses de manière parfois plus efficace et moins invasive qu’un médicament». Elle observe que ce doux robot peut susciter des confidences de la part de personnes mutiques ou très isolées. Certains résidents peuvent aussi développer des attitudes protectrices et se sentir investis d’une mission envers ces créatures. Du côté des directions, certaines préfèrent Paro à des robots chats ou chiens, plus proches du réel pour les résidents. «En effet, elles estiment qu’un phoque n’évoque rien, qu’il est donc moins susceptible de tromper ces personnes», précise-t-elle.

Quant aux vrais animaux, ils ont parfois des réactions inattendues ou une préférence envers tel ou tel résident, ce qui n’est pas le cas d’un robot. «Beaucoup d’EMS utilisent déjà la zoothérapie et ce n’est pas incompatible avec l’usage de l’intelligence artificielle.» Un chat bien réel peut, en revanche, charmer toute la communauté, y compris les soignants !

Enfin, Nadja Eggert soulève «la question du corps», la manière très physique avec laquelle les personnes âgées réagissent à de simples robots, un contact «qui peut déclencher toutes sortes de réactions émotionnelles et psychologiques». Elle s’interroge sur les termes pour nommer ces relations particulières : ce sont des interactions qui peuvent créer un certain type de liens, mais peut-on parler de relations ? Cette recherche aborde un contexte gériatrique exigeant, où certaines activités très prenantes pour les soignants pourraient être facilitées par l’usage des robots…

«Nous voulons clarifier la situation pour les EMS et enrichir la littérature dans ce domaine», ajoute Nadja Eggert, qui a obtenu avec Ralf Jox et Stéphanie Perruchoud un fonds FNS de trois ans pour étendre sa recherche notamment au personnel soignant. – NR