Lorsque la fiction s’empare de thèmes comme l’environnement ou la durabilité, elle nous propose régulièrement des visions d’un avenir apocalyptique, à l’image de La Route de l’écrivain Cormac McCarthy. À l’inverse, certaines œuvres mettent en avant l’idée que les progrès technologiques résolvent tous les problèmes, en écartant les questions liées à l’épuisement des ressources. C’est le cas de Star Wars, un univers dans lequel une énergie propre coule à flots. Ces modèles façonnent nos représentations.
«Il s’agit de faire émerger d’autres pistes pour traverser la crise écologique», note Alain Ausoni, directeur adjoint du Centre interdisciplinaire d’étude des littératures (CIEL). Il convient donc de dénicher des imaginaires qui mettent en scène «des liens différents entre homme et nature», ajoute son collègue Olivier Thévenaz, directeur du CIEL.
Piloté par ces deux chercheurs, également maîtres d’enseignement et de recherche à la Faculté des lettres, le projet «Durabilittérature» explore les littératures de tous horizons à la recherche de récits alternatifs, depuis l’Antiquité et jusqu’à la science-fiction contemporaine. «L’étude de ce type d’enjeux globaux bénéficie de regards croisés, d’où l’intérêt des structures qui, comme le CIEL, permettent de réunir des spécialistes de différentes disciplines», indique Olivier Thévenaz.
Proposer des récits «habitables»
Le projet est ambitieux. Il s’agit d’arpenter les littératures pour faire le point sur les représentations de la dimension écologique de l’être humain, la perpétuelle reconfiguration de nos manières de nous inscrire dans notre environnement. Dans cette optique, les responsables de «Durabilittérature» sont en contact avec l’Observatoire des récits et imaginaires de l’Anthropocène (ORIA), jeune entité regroupant des chercheuses et chercheurs de différentes facultés, soutenue par le Centre de compétences en durabilité (CCD).
Pourquoi des chercheurs de lettres mènent-ils une telle quête ? «Si nous voulons que la société adhère à des mesures de transition écologique qui pourraient sembler contraignantes sur le plan individuel, les imaginaires doivent être travaillés et des récits habitables proposés», souligne Alain Ausoni. «Il est insuffisant de présenter, d’une part, des faits inquiétants au sujet du changement climatique ou de la biodiversité et, d’autre part, certaines solutions techniques envisagées. Les sciences humaines doivent investir ce champ», complète le chercheur.
Pour Olivier Thévenaz, «la manière dont fonctionne notre psyché humaine, ses cadres de référence et ses symboles, ainsi que les mythes qui nous nourrissent sont importants, si l’on cherche à modifier notre rapport à la nature.» Il convient par exemple de battre en brèche certains récits prométhéens très répandus, «comme l’idée qu’un départ pour une autre planète, comme Mars, constitue une solution possible pour l’humanité lorsque la Terre sera inhabitable», soutient Alain Ausoni.
Un cours public à l’automne 2022
Inscrit dans des préoccupations contemporaines, le projet comprend un volet de médiation, à destination d’étudiants non spécialistes de littérature et, au-delà du monde académique, de toutes les personnes intéressées : un cours public aura lieu tous les mercredis en début de soirée du 28 septembre au 16 novembre 2022.
Cette démarche de médiation s’articulera le 9 novembre à l’ouverture d’un congrès scientifique organisé par Olivier Thévenaz et Alain Ausoni et consacré, dans le domaine de l’écologie littéraire, aux rapports des humains à l’eau. Ce thème constituera aussi le fil rouge d’une manifestation culturelle qui se déroulera en parallèle : l’édition 2022 de CinéMasala, un festival de cinéma consacré à l’Inde. – DS