Penser le sexe et le genre par-delà les stéréotypes dans le but de mieux soigner

Faculté de biologie et de médecine

VU DES FACULTÉS

On retrouve la professeure Carole Clair­ (spécialiste en médecine interne générale) dans son bureau à Unisanté. En 2019, elle y a créé avec la sociologue Joëlle Schwarz l’Unité santé et genre, « une première en Suisse ».

Fabrice Ducrest © UNIL

VU DES FACULTÉS

On retrouve la professeure Carole Clair­ (spécialiste en médecine interne générale) dans son bureau à Unisanté. En 2019, elle y a créé avec la sociologue Joëlle Schwarz l’Unité santé et genre, « une première en Suisse ».

Carole Clair préside la commission médecine et genre à l’École de médecine. Elle est responsable de la recherche clinique en médecine communautaire dans une perspective de genre, sachant que des différences dans la prise en charge clinique sont induites par le genre et/ou le sexe des personnes.

Elle a notamment obtenu un fonds FNS en vue de développer des méthodes pour mesurer la dimension du genre dans la recherche. Le but est de « mieux soigner toutes les personnes », en tenant compte des spécificités biologiques et socio-culturelles. Un seul exemple : les femmes seraient moins sensibles à la douleur, croit-on, or « c’est plutôt le contraire », esquisse Carole Clair.

Jouer des situations réelles

Avec sa collègue Joëlle Schwarz et à l’initiative d’étudiantes en médecine et du décanat de la faculté, la professeure a lancé en 2020 un enseignement obligatoire pour la prévention du sexisme et du harcèlement sexuel en milieu médical et hospitalier. Des comédiens et comédiennes y jouent des scènes tirées de situations réelles et sollicitent la participation des étudiant·e·s. Par-delà la question du harcèlement ­(qui pourrait concerner aussi d’autres métiers et d’autres environnements), la spécialiste signale qu’il subsiste encore « des difficultés d’accès à certaines spécialités médicales plus marquées pour les étudiantes que pour leurs homologues masculins ». Cet enseignement a été évalué récemment (avec celui, similaire, délivré à l’Université de Fribourg) et a montré toute sa pertinence.

Un autre cours dispensé en première année de master permet aux étudiant·e·s en médecine de réfléchir aux stéréotypes de genre qu’ils et elles peuvent partager. Il s’agit de les confronter d’une manière très pratique à de vrai·e·s patient·e·s et à d’authentiques situations cliniques pour les sensibiliser à la question de l’écoute et de la prise en charge médicale, par-delà ces stéréotypes culturels et en fonction de caractéristiques biologiques bien réelles.

Lier les dimensions biologiques et sociales

Pour le moment, cet enseignement n’est pas proposé aux jeunes biologistes mais cette possibilité n’est pas exclue, selon Carole Clair. « En médecine, on ne peut pas faire abstraction du biologique », souligne-t-elle. On a pu faussement attribuer certaines différences biologiques aux hommes et aux femmes, au point d’aboutir à de mauvais diagnostics et à des erreurs médicales. Cependant, il n’est pas adéquat non plus, selon elle, d’entrer maintenant dans un discours complètement social. « Notre enseignement vise à mettre ensemble ces deux dimensions essentielles de l’humain, qui s’influencent l’une l’autre », conclut-elle. Il y a du genre chez les singes et du sexe chez les humains, pourrions-nous résumer. Elle conseille à cet égard la lecture du récent livre de Frans de Waal, Différents : Le genre vu par un primatologue, aux éditions Les Liens qui libèrent (2022). – NR