La santé personnalisée sous le regard des sciences humaines

Faculté de biologie et médecine

Professeur à l’UNIL et à l’EPFL, médecin chef de l’Unité de médecine de précision du CHUV, Jacques Fellay mène ses recherches génomiques dans une visée de soins et de santé personnalisée. Soutenu par un financement du Fonds Engagement Migros, il étudie ainsi la possible origine génétique de l’arrêt cardiaque auprès d’une cohorte de patients à risque, suivis par le Service de cardiologie. Un troisième service est impliqué : celui de médecine génétique. L’étude cherche à valider l’hypothèse génétique, donc le lien entre certaines mutations sur le génome et cette menace cardiaque.

Un arrêt du cœur létal, sans signes avant-coureurs, survient chez des personnes parfois jeunes et sportives, souffrant généralement d’une maladie cardiaque restée méconnue. Détecter cette prédisposition pourrait aider ces patients à mieux se connaître, à organiser leur existence dans une optique de prévention, voire à partager ces informations avec leurs proches potentiellement à risque. Dans la cohorte étudiée, certains ont surmonté l’événement cataclysmique qu’est un arrêt cardiaque subit, d’autres ne sont pas malades… mais acceptent de se confronter à cette éventualité dont l’annonce viendrait pourtant ébranler leur vie.

Professeur Jacques Fellay (Félix Imhof © UNIL)
Restitution des résultats aux patients

L’information qui leur sera communiquée est à double tranchant : rassurante dans une certaine mesure mais aussi potentiellement anxiogène. Dans ce contexte, des chercheurs de l’Institut des humanités en médecine vont observer et analyser l’étude en cours, basée sur de nouvelles technologies biomédicales et impliquant les patients dans leur propre prise en charge.

Ainsi, comme chercheuse associée à cet institut, la philosophe et éthicienne Gaia Barazzetti a reçu un soutien de la FBM pour son projet. Responsable de recherche au ColLaboratoire de l’UNIL, elle s’intéresse aux motivations et aux attentes des participants, ainsi qu’au processus de restitution des résultats sur la base de guidelines validées en 2019 au CHUV. « Il s’agit de ne rendre aux patients que les résultats qui répondent au critère de cliniquement actionnables, autrement dit il faut que les informations données soient utiles à chaque patient concerné en termes de traitement ou de prévention », esquisse-t-elle.

© Gilles Weber, CHUV

Il s’agit de ne rendre aux patients que les résultats qui répondent au critère de « cliniquement actionnables », autrement dit il faut que les informations données soient utiles à chaque patient concerné en termes de traitement ou de prévention.

Gaia Barazzetti
Responsable de recherche au ColLaboratoire
Première fois en Suisse

Dans le cadre de sa propre étude réalisée avec un échantillon de participants à la recherche menée par le professeur Fellay, Gaia Barazzetti s’intéresse notamment à la notion d’utilité personnelle d’un retour de résultats. Cette notion renvoie à la valeur d’un résultat du point de vue du participant à la recherche et reconnaît l’importance d’une approche centrée sur la personne, ses besoins, préférences, relations et ressentis.

Elle entend suivre en collaboration avec les équipes du CHUV l’organisation et la tenue des consultations médicales qui seront mises en place, sachant qu’il y a encore une dizaine d’années on ne communiquait pas aux participants les résultats de recherches en génomique. « C’est la première fois qu’on est dans ce type de démarche en Suisse », précise-t-elle. Les données de sa propre recherche pourraient contribuer à faire évoluer le dispositif. « Il est important pour une éthicienne de nourrir la réflexion sur les questions normatives avec des données de terrain. Je fais de la recherche participative pour pouvoir intégrer les points de vue des patients dans la réflexion sur les questions soulevées par le développement de la santé personnalisée », conclut-elle.