Par-delà l’hyperspécialisation

Francois Bussy, vice-recteur Recherche, relations internationales et formation continue

Pourquoi l’interdisciplinarité ?

Pour François Bussy, vice-recteur Recherche, relations internationales et formation continue, la réponse relève désormais de l’évidence : « L’UNIL joue un rôle essentiel de carrefour de la diversité des savoirs et de catalyseur des énergies pour développer des regards croisés sur de nombreuses thématiques comme la durabilité, les parcours de vie et les vulnérabilités, la montagne, le sport et l’éthique », détaille-il. D’où la création de plusieurs centres interdisciplinaires dans ces différents domaines qui sont, selon lui, « l’affaire de tous ».

Une seule vision hyperspécialisée ne permet pas de prendre en compte les multiples facettes d’une problématique globale ; la durabilité, par exemple, concerne une discipline comme la biologie, si l’on songe à la biodiversité, mais aussi la science politique, l’économie, la philosophie, la médecine, la climatologie, la géographie, les sciences de la Terre…

Félix Imhof © UNIL

L’interdisciplinarité permet aux scientifiques d’intégrer d’autres aspects de la question dans leur propre thématique de recherche. Bien sûr, ce n’est pas une baguette magique pour régler toutes les controverses mais c’est un enrichissement réciproque.

Professeur François Bussy
Vice-recteur Recherche, relations internationales et formation continue

« L’interdisciplinarité permet aux scientifiques d’intégrer d’autres aspects de la question dans leur propre thématique de recherche. Bien sûr, ce n’est pas une baguette magique pour régler toutes les controverses mais c’est un enrichissement réciproque. Entre un spécialiste des OGM, impliqué dans la recherche de solutions pour répondre à la problématique de la faim, et un tenant du principe de précaution et du maintien des conditions naturelles préexistantes la discussion sera sans doute difficile, mais notre rôle comme lieu de recherche est précisément de les pousser à sortir de leur zone de confort, à se mettre à l’épreuve pour connaître la perspective de l’autre et, quand ça se passe bien, on peut s’engager dans une co-construction des savoirs », précise François Bussy.

Quel lien entre la science et l’engagement citoyen ?

« L’activisme ne doit pas se substituer à la recherche scientifique, mais les chercheurs se sentent de plus en plus en devoir de communiquer leur conviction profonde », souligne-t-il. De fait, l’interdisciplinarité favorise la recherche au bénéfice de la société, des organismes, institutions, entreprises et différents secteurs d’activité. Un exemple : la montagne, écosystème très sensible aux variations climatiques – ne serait-ce que sur le plan de l’offre touristique – mérite une attention globale et non segmentée.

L’interdisciplinarité n’est pas toujours valorisée dans le milieu scientifique, qui peine à reconnaître cette dimension notamment chez les jeunes chercheuses et chercheurs, sommés de poursuivre l’excellence dans le champ exclusif de leur discipline, une quête qui peut freiner leur ouverture, estime François Bussy. L’UNIL a signé récemment la Déclaration de San Francisco sur l’évaluation de la recherche (DORA), dont l’enjeu principal est de mettre fin à la pratique d’établir une corrélation entre le facteur d’impact d’une revue et la qualité de la contribution d’un scientifique. L’étude des candidatures académiques ne doit plus se focaliser uniquement sur l’hyperspécialisation, le nombre de publications et de citations, mais tenir compte aussi d’autres critères comme la communication, la médiation, la capacité à accepter les débats et les mandats dans un esprit scientifique ouvert à l’interdisciplinarité et à la société.

Mettre en oeuvre l’interdisciplinarité

par Iago Otero, coordinateur du Centre interdisciplinaire de recherche sur la montagne (CIRM)

Concrètement, il faut soutenir financièrement le démarrage de projets interdisciplinaires pilotes à risque d’échec, former des chercheurs et chercheuses en intégration des méthodes des sciences sociales et naturelles aussi bien qu’en gestion de conflits et facilitation, et enfin redéfinir les normes d’évaluation de carrière pour mieux reconnaître l’interdisciplinarité à l’échelle de l’UNIL. D’une manière plus générale, il s’agit de développer certaines aptitudes comme l’empathie pour se comprendre les uns les autres, y compris quand on travaille avec des partenaires non-scientifiques qui parlent des langages très différents.