Plusieurs personnes travaillent sur les conséquences des changements climatiques à la Faculté des géosciences et de l’environnement. Avec la création en cours de la plateforme Climact, ces scientifiques cherchent à regrouper leurs données et à les mettre en cohérence par-delà leurs champs disciplinaires respectifs. Fortement impliqués dans la construction de ce réseau qui se constitue également avec l’EPFL, Stuart Lane et Marie-Élodie Perga expliquent le rôle qu’ils entendent jouer.
Lui travaille sur l’hydrologie, la glaciologie, la géomorphologie et les liens avec les écosystèmes aquatiques. Elle est biologiste et limnologiste (spécialiste des lacs). « Ce type de centre peut mettre en tension la politique actuelle avec la politique nécessaire pour nous protéger plus fortement contre les conséquences du réchauffement climatique », esquisse Stuart Lane. Il précise que trois éléments sont à évaluer quand on réfléchit aux risques : il y a le danger lui-même, l’exposition et le niveau de vulnérabilité. Or, certaines décisions renforcent la vulnérabilité, comme, dans la plaine du Rhône, un changement dans la construction des maisons qui ne tient plus compte des inondations comme autrefois, où l’on construisait d’abord des sous-sols puis des rez-de-chaussée au-dessus : « Certains types de planification augmentent le niveau de vulnérabilité et c’est particulièrement le cas dans les villes, où la population est très concentrée », observe-t-il.
Au niveau du territoire
Le nouveau centre est interdisciplinaire parce que les enjeux le sont. Si 20 à 25% de l’eau des barrages provient des glaciers, quel impact sur le bilan hydrique à l’horizon 2080 ? Faut-il investir déjà dans de nouveaux barrages alors que le gain n’est pas immédiat dans la mesure où, aujourd’hui, le prix de l’énergie est faible ? On peut encore penser au tourisme de montagne, également affecté par ces changements. Autant de questions qui impliquent dans ce projet les sciences économiques et les sciences sociales (Faculté des HEC et Faculté des sciences sociales et politiques). L’impact sur la biodiversité intéresse évidemment aussi la Faculté de biologie et de médecine.
Comme le souligne Marie-Élodie Perga, il s’agit d’étudier ces phénomènes mondiaux à une échelle régionale (en gros le glacier du Rhône et le territoire Valais-Léman) et de constituer des données précises pour « générer de l’action », voire guider les choix des politiques, des cantons, des villes, des institutions, des ONG, des entreprises ou des simples particuliers, et en relation avec ces différents acteurs. « Notre recherche n’a aucune résonance si elle se construit uniquement en laboratoire, entre nous qui serions seuls détenteurs du savoir, si elle ne prend pas en compte les autres types de connaissance et si nous n’entrons pas nous-mêmes en résonance avec les préoccupations des gens, donc l’écoute doit bien être des deux côtés », explique la chercheuse.
Prioriser les problèmes
Tous deux sont formels : les événements extrêmes vont se multiplier, les pics de chaleur, la sécheresse, l’intensité des orages, des crues, voire à plus long terme la pénurie des ressources vitales. Comment, dès lors, s’y préparer ? « Il n’y a pas de solution unique », insiste Marie-Élodie Perga, qui ne bloque pas sur la question du nucléaire, par exemple, et envisage la science comme un moyen d’aider les communautés à investir le plus efficacement possible dans certaines solutions plutôt que d’autres, en fonction des données propres aux capacités locales et aux effets climatiques sur tel ou tel écosystème. Elle prévient aussi : « Il n’y a aucune énergie propre et il faudra forcément consommer moins. »
Pour Stuart Lane, le changement reste à notre portée : « On attend beaucoup des technologies. Les panneaux solaires, par exemple, doivent être rendus plus efficaces. Si on critique une nouvelle technologie, il faut se donner les moyens de la modifier. Nous devons prioriser les problèmes et savoir que les coûts du changement ne sont pas exorbitants », conclut-il.