Reproduction et transformation du philosphe de l’Antiquité

Buste de Platon

Platon (429-348/7), copie du XXe siècle en poudre de marbre d’une copie romane du buste de Platon datant du IIe s. après J.-C. d’après un original de Silanion du IVe s. avant J.-C. se trouvant dans la Glypothèque de Munich, socle en imitation granit, 35×19 x 24 cm, Anthropole niveau 5, cœur de la Section de Philosophie (salle 5099). Photo: © Lorena Erhbar

La Section de philosophie conserve en son cœur la reproduction d’une copie romane d’une œuvre grecque réalisée au IVe siècle avant notre ère. Il s’agit d’un buste de Platon: la copie romane se trouve dans la collection Börringer à Genève, l’original, sculpté par Silanion, à la Gylptothèque de Munich. Notre objet est donc le résultat d’une transmission par la copie d’un portrait du philosophe. Nous pouvons alors nous interroger sur la façon dont, à travers le temps et les techniques, les artistes et artisans ont représenté cette figure.

Le support et l’époque à laquelle est réalisée l’œuvre sont fondamentaux, une œuvre n’est jamais isolée, sa production répond à des conventions, conscientes ou non, qui se transforment avec les siècles. Dans l’Antiquité, la figure du philosophe rayonne et tient un rôle central dans la société. Les artistes en sculptent des statues dans le marbre, ils détaillent aussi bien l’expression du visage que la physionomie entière, la posture, le vêtement. Tous ces éléments apparaissent importants pour l’identification du philosophe.

La mémoire de l’Antiquité reproduite et transformée

Les romains, fascinés par la culture grecque, vont ensuite copier une partie des représentations. Il existe quantitativement plus de copies romanes de bustes de philosophes grecs que d’hommes d’Etat. La figure du philosophe se rapproche d’une figure sacrée, presque idolâtrée, et cet attrait explique l’abondance des reproductions créées à travers les siècles, au détriment d’autres personnages fameux. Mais une différence est notable, les romains ont tendance à reproduire principalement les bustes, en mettant ainsi l’accent sur le visage. Aujourd’hui un nombre important de bustes nous est parvenu, mais cet héritage peut tromper la production initiale de l’image du philosophe qui s’étendait aussi largement aux statues.

La représentation des philosophes ne remplit pas les mêmes critères selon les époques, il est même difficile de parler de « portrait » à proprement parler pour des reproductions qui datent du Ve siècle avant notre ère. Dans l’Antiquité et la période romaine, c’est moins une individualité, l’identité précise d’un philosophe, qu’on cherche à reproduire, que l’application d’un archétype idéalisé. La longue barbe ou le crâne dégarni, sont des exemples d’éléments qui permettent l’identification d’une figure à celle d’un philosophe. Elle est ensuite accompagnée d’une inscription qui nomme le philosophe représenté.

Il est possible également que les copies effectuées à travers les siècles, parfois seules témoins des originaux disparus, modifient des détails involontairement, et ainsi, transforment l’icône. Par contre, lorsque la photographie est inventée, l’idée d’individualité prend tout son sens, une photographie de Nietzsche par exemple, est forcément très fidèle, vraisemblable, aux traits physique de ce philosophe.

Quant à l’emploi de la peinture (et d’autres techniques, comme la gravure) pour la représentation de ce thème, il permet d’approcher une dimension supplémentaire à celle du sujet. A savoir, l’environnement qui entoure le philosophe et l’ambiance dans laquelle il est représenté. Au début du XVIe siècle, L’Ecole d’Athènes de Raphaël au Vatican, représente de nombreux philosophes – dont Platon – et théoriciens en interaction, avec pour chacun ou presque, un symbole qui permet son identification.

Au contraire, Le philosophe en méditation de Rembrandt au XVIIe nous propose une figure solitaire en pleine réflexion, installée dans la pénombre. Ainsi, la figure du philosophe traverse les siècles, chaque artiste et chaque époque en propose une interprétation, qui est à la fois inspirée du passé et qui, en même temps, répond aux exigences et aux possibilités de son temps.

Lorena Ehrbar, assistante-étudiante en archives