Bienvenue au BFSH2

L’histoire de l’Anthropole n’est pas seulement construite de béton et d’acier. Chaque jour depuis trente ans, ce microcosme voit défiler dans ses couloirs de nombreuses personnes qui y étudient, y travaillent ou visitent simplement l’espace universitaire. Au-delà des récits architecturaux, l’édifice est marqué par quelques souvenirs, sérieux ou vaudevillesques, qui s’accumulent depuis sa conception. L’envergure du projet a nécessité un budget conséquent, du temps et de l’énergie humaine; entre les personnes impliquées dans cette longue gestation, les divergences de points de vue sont naturelles. En pleine planification du futur bâtiment, l’animation artistique, par exemple, est prioritaire aux yeux de certains, et moins à d’autres. Les débats autour du BFSH2 sont animés jusque dans les chambres cantonales, où les délais, les financements et les besoins universitaires font l’objet de longues discussions. À son inauguration, les discussions continuent, cette fois-ci dans le monde architectural.

Le bourdon du béton ?

En 1987, travailler entouré de béton brut sort de l’ordinaire, engendrant des réactions fortes de la part des utilisatrices et utilisateurs. Au point où des personnes souhaitent faire des travaux dans leurs bureaux tout neufs; l’Institut de psychologie appliquée, par le biais de son directeur, qualifie de « triste et déprimant » le mur de son secrétariat. Pour y remédier, l’Institut propose de recouvrir l’objet fautif d’un lambrissage de bois. Les architectes répondent négativement à cette demande, s’en remettant au BUD pour la décision finale. Si le béton brut devait gêner les occupantes et occupants, le décor entier de l’édifice poserait problème. Cependant, ce décor se remet parfois lui-même en cause, en se séparant abruptement de son support bétonné.

Un bâtiment qui perd ses utilisateurs, 24 heures, 30 octobre 2002
Les affiches de la colère, Nouvelle Revue de Lausanne, 9 décembre 1987
Les étudiants se heurtent à un mur, 24 heures, 9 mars 1988
L’UNIL fait peau neuve, dossier de presse, Unicom, UNIL, 6 juillet 2005
On dirait des noms pour Disneyland, Le Matin, 1er novembre 2005

À plusieurs occasions, les fauteurs de trouble sont les additions. Phénomène récurrent, la jungle des affiches prolifère par endroits pour le (dé)plaisir des résidentes et résidents; des papiers fleurissent pour défendre une cause noble, vendre un dictionnaire ou annoncer l’événement incontournable de la vie nocturne universitaire. Heureusement, le béton n’est pas l’unique animateur des lieux. D’autres créations, rêvées ou éphémères, se dévoilent dans la presse régionale. Les hauteurs monumentales du BFSH2 auraient pu se couvrir de prises de grimpe. On aurait aussi pu, en 2017, souffler les 30 bougies du bâtiment « Humense ».

Une lecture en diagonale

La situation du BFSH2 et son intégration au site étaient primordiales pour les architectes. Le plan directeur prévoyait une deuxième étape de construction, en prolongement du BFSH 1 (actuel Internef) construit en 1977 par les architectes Frédéric Brugger, Edouard Catella et Erich Hauenstein. Le BFSH1 ne pouvant accueillir que 1600 personnes, l’agrandissement devait augmenter sa capacité à 3600 personnes au total. La fonctionnalité du bâtiment asymétrique semble clairement l’emporter sur la recherche d’un volume parfait; grâce à cette asymétrie, on aurait facilement pu greffer au BFSH1 de nouveaux éléments, comme cela a été fait avec l’ajout d’une bibliothèque. Cette solution est pourtant rapidement écartée. Le deuxième BFSH sera conçu dans un style nouveau, en trouvant un moyen de relier les deux bâtiments de manière harmonieuse.

Le bâtiment crée une géométrie nouvelle: son axe longitudinal forme une diagonale et ses façades introduisent des lignes parallèles ou perpendiculaires. Par son orientation en diagonale par rapport au BFSH1 (préférant longer le terrain que de s’aligner à son prédécesseur), l’actuel Anthropole s’en distancie. Stylistiquement, les deux bâtiments s’opposent: le premier pousse le fonctionnalisme parfois au détriment de la forme, le second exhibe une recherche de la forme et de l’esthétique, parfois au détriment de la fonction.

Plan du 3e étage du BFSH2, 10 octobre 1983 (© M. Bevilacqua, J. Dumas, J.–L. Thibaud).

La préservation du paysage, la conservation des espaces verts et l’harmonie entre espaces bâti et naturel étaient essentielles pour le BUD, ainsi que pour Bevilacqua, Dumas et Thibaud. L’analyse topographique du terrain, la manière d’y intégrer au mieux le bâtiment, la mise en valeur du paysage: autant de questions que se sont posées les architectes. Le BFSH 2 longiligne suit le terrain (l’autoroute existait en 1987, mais pas le métro); le territoire s’en retrouve circonscrit et en même temps souligné.

En plus de tenir compte de la topographie du site et de l’architecture voisine, les architectes du BFSH2 doivent concevoir une circulation pédestre aisée avec le BFSH1. Dans un premier temps, ils proposent de relier les deux bâtiments par des gradins semi-circulaires, formant une sorte d’amphithéâtre. Finalement, une rampe d’accès est réalisée, dans laquelle passe un tunnel; la rampe coupe les fenêtres du tunnel de liaison, créant un jeu saccadé d’ouvertures et de lumière à l’intérieur du passage. À l’origine, l’espace vert entre les BFSH 1 et 2 était vide, mais Guido Cocchi y fait installer une fontaine de bronze et de granit (Pierre Oulevay, 1994), ce qui a fortement déplu aux architectes.

Du béton, de la géométrie et de la lumière

Le béton est la matière principale du bâtiment, mis en scène par la lumière naturelle des multiples ouvertures vitrées. Au-delà de l’élément constructif, le matériau participe à la beauté du BFS 2. La masse de béton est telle que son coût atteignit environ 18% du budget total; souhaitant un béton clair et non gris, les architectes optent pour un mélange de ciment de Roche et de sable de Neuchâtel, plus onéreux que la formule standard. Les plaques de béton sont préfabriquées, puis reliées entre elles par des joints négatifs. Ceci sert à masquer la reprise du bétonnage (phase de travail où des fissures apparaissent) et à marquer une trame, mais peut aussi constituer un langage architectural. Utilisé lors de changements de matériaux, il permet de faire des transitions de texture, de couleur, de matière: d’abord un besoin technique, le joint négatif crée une grammaire esthétique.

BSFH2, coupe, 28 octobre 1983. Échelle 1:100 (© M. Bevilacqua, J. Dumas, J.–L. Thibaud).

Le deuxième facteur esthétique du BFSH2 est sa géométrie simple, maîtrisée et soignée. Bevilacqua décrit Dumas comme étant obnubilé par les formes: carrés, triangles et cercles se retrouvent partout dans le bâtiment. Le choix des trois X et des façades non rectilignes permet de gagner de la place tout en créant un bâtiment aéré, harmonieux et dont les bureaux disposent de lumière naturelle. Les losanges qui se blottissent dans les creux de la structure en « accordéon » correspondent aux auditoires; la forme de ceux-ci, selon le plan directeur, reste libre et échappe aux règles de dimension. La géométrie est autant visible dans la structure (tels que la forme générale, les panneaux de béton, les escaliers) que dans les détails (notamment les lucarnes, les faux plafonds, les caissons acoustiques, les variations de couleur au sol).

Sur le toit plat, on retrouve les formes (cercle, triangle, carré) qui parsèment l’édifice: ce sont les superstructures techniques (moteurs des ascenseurs, ventilateurs, etc.). Ces éléments sont reliés entre eux (sauf les demi-cercles aux extrémités) par des pans de verre qui constituent les importants puits de lumière du BFSH2. L’éclairage naturel est l’un des principes essentiels du plan directeur; que ce soit un éclairage direct ou non, les vitres omniprésentes laissent la lumière s’infiltrer, comme dans les cages d’escalier.

Mémoires d’outre-mer

La forme en « accordéon » de l’Anthropole permet de répondre aux demandes du BUD, du Rectorat et des Facultés. Après sa construction, un article paraît dans la revue zurichoise d’architecture Hochparterre affirmant que le BFSH2 serait la copie d’un édifice de Louis Kahn (1901-1974). Erdman Hall Dormitory (1960-1965) est unbâtiment de 3 étages sur le campus de Bryn Mawr College en Pennsylvanie, qui sert de dortoir et comprend notamment des chambres pour 130-150 personnes et une grande salle à manger. Sans entrer dans ce débat (Bevilacqua, Dumas et Thibaud réfutent cette filiation), on retrouve dans le BFSH2 quelques parallèles avec Louis Kahn, voulus ou non.

Erdman Hall et le BFSH2 sont comparables particulièrement dans la répartition des espaces et les matériaux utilisés, bien que leurs fonctions soient différentes et que les dissemblances soient nombreuses. Dans les deux cas, les plans montrent des losanges (ou carrés tournés à 45 degrés) fusionnés pour permettre une vue dégagée sur l’extérieur depuis les chambres ou bureaux. Erdman Hall se compose de trois carrés retournés sur la pointe; le BFSH2 de deux carrés et, fermant chaque extrémité, un triangle (ou demi-carré). Placés au centre des carrés, les espaces communs bénéficient d’une lumière naturelle grâce à des puits de lumière: les salles de séjour, la salle à manger et les escaliers à Erdman Hall; quelques bureaux, les cœurs de sections, les couloirs et les escaliers au BFSH2.

Erdman Hall Dormitory–Bryn Mawr, Pennsylvanie Plan du 2e étage 1960-1965, Louis Kahn, Hochparterre, avril 1989

Les architectes du BFSH2, tout comme Kahn, jouent avec la lumière sur les façades. Une alternance entre parties saillantes et étroits retraits crée une sensation de mouvement à Bryn Mawr, alors qu’à Dorigny, cette impression est due à l’alliance du béton et du métal. À l’intérieur, les détails des plafonds à caisson carré se confondent. Plus généralement, l’architecte américain et les Lausannois manifestent leur affection pour le béton : béton brut coffré chez Kahn, il s’agrémente de céramiques au BFSH2, ce qui donne une apparence plus soignée. Bevilacqua affirme que les bandes de céramiques colorées, incrustées dans le béton, sont inspirées du Sher-e-Bangla Nagar ou centre gouvernemental (1962-1974) de Dhaka, Bangladesh. Kahn y a souligné les joints du béton par des bandes d’acier pour marquer les reprises du bétonnage. À l’extérieur du BFSH2, des bandes d’acier inoxydable rythment également les façades. Même si l’édifice lausannois ne contient pas de briques, l’utilisation massive de béton rapproche ces deux bâtiments.

30 ans déjà !

Le BFSH2 essuie très vite des critiques: les utilisatrices et utilisateurs ne s’y sentiraient pas à l’aise et s’y perdraient; les espaces seraient peu fonctionnels, voire inutiles ou inutilisables. Le bâtiment est vaste, d’une surface habitable très étendue. Pourtant, l’impression de gigantisme est évitée grâce à la modularisation intérieure et cette composition en unités distinctes, en « maisons », qui vise à renforcer la vie de section. En effet, le BFSH2 n’est pas purement fonctionnel, mais dénote un haut degré de recherche formelle et géométrique, une réflexion poussée sur les surfaces et les matériaux et un traitement soigné de la lumière.

Dans la Nouvelle Revue de Lausanne, Mario Bevilacqua confirme que la forme dépasse la fonction: « Si l’on relève parfois des décorations qui paraissent inutiles, il faut les accepter en tant que telles comme quelque chose d’ajouté qui n’est pas essentiel. Nous avons aussi désiré dépasser le fonctionnel pour apporter ce petit supplément qui se situe au-delà de la satisfaction immédiate des besoins ». Malgré les commentaires négatifs, ce sont certainement ces éléments, au-delà du fonctionnel, qui font que l’actuel Anthropole nous parle toujours en 2017.

Un dédale artistique

Parmi toutes les œuvres d’art présentes dans l’Anthropole, trois artistes ont été financés par un budget dédié à la promotion artistique appelé « pour cent culturel » et prévu par la législation vaudoise dans le cas de nouvelles constructions. Roger Gerster est nommé officiellement « conseiller artistique » des architectes du BFSH2. Ensemble, ils imaginent deux œuvres qui reflètent la collaboration entre artiste et architectes, et la relation entre art et architecture. Prises dans le béton, elles sont physiquement indissociables du support bâti – même si des céramiques se sont détachées à plusieurs reprises, heureusement sans causer de dommages – et elles sont insignifiantes hors contexte. À l’extérieur, des bandes en acier inoxydable ornent les têtes de l’édifice.

L’animation intérieure est constituée de triangles noirs couplés à des bandes de céramique bleue dessinant des lignes diagonales, des bandes de céramique rouge dessinant des lignes verticales ou des bandes de céramique jaune dessinant des lignes horizontales. En 1986, un devis fait état de 2232 mètres linéaires de bandes de céramique et de 732 triangles. Les trois couleurs (jaune, rouge ou bleu) auraient dû permettre la différenciation spatiale entre les facultés présentes en 1987, les secteurs verticaux de l’édifice possédant chacun sa couleur. Cependant, cette volonté théorique n’a pas pu être mise en œuvre pour des raisons pratiques.

La Grande peinture noire de Christiane Lovay est une commande de l’Institut suisse pour l’étude de l’art (ISEA), dont l’antenne romande s’installe début 1988 au BFSH2. L’artiste crée l’œuvre in situ (au niveau 2) pour le vernissage de l’ISEA et celle-ci n’a pas bougé depuis. Le tableau est ensuite acheté à l’artiste par le Rectorat. La fontaine de Pierre Oulevay est inaugurée le 30 juin 1994, sept ans après la construction du bâtiment. L’œuvre de bronze et de granit, qui orne la liaison entre les BFSH 1 et 2, s’insère donc a posteriori dans le campus, sans lien avec la construction des deux édifices. Elle est commandée par le Rectorat en accord avec le BUD, à l’issue d’un concours restreint auquel sont invités quatre artistes de la région.

D’autres œuvres hétéroclites parent l’Anthropole. Petit tour des lieux… Présentée en marge de cette exposition, la série « UNIL » est réalisée en 2003 par l’artiste zurichoise Claudia Renna en collaboration avec le musicien André Décosterd à l’occasion d’une exposition à l’Unité d’Art Contemporain (devenue le Cabanon en 2009). Le couloir de 76 mètres reliant l’Anthropole à l’Internef a été repeint en 1993 par Edwige et Elvira Dale (de leurs vrais noms Mélisse Lebon et Renée-Paule Danthine), suivant leur créativité spontanée et colorée. En 1976, le Comptoir suisse reçoit des moulages en plâtre de son hôte d’honneur, l’Égypte. À la fin de cette 57e édition du Comptoir, le retour en Égypte étant trop onéreux, certaines œuvres (réalisées par l’Institut des moulages du Musée archéologique du Caire) sont stockées à l’UNIL; en 1987, elles sont restaurées puis transférées au BFSH2. Le corpus d’une dizaine de moulages conservés à l’Anthropole comprend, entre autres, la pierre de Rosette (dont l’original est au British Museum, Londres).

Une variété de sculptures viennent aussi animer les sections: le buste en bronze de Rabindranath Tagore (Janak Jhankar Narzary, 2011) à la Section de Langues et civilisations slaves et de l’Asie du Sud; le cheval de bronze prêté par le Département de la Justice, de la Police et des Affaires militaires en 1986 (une fausse antiquité saisie par la justice) à la Section d’Archéologie et sciences de l’Antiquité; le buste de Platon (428-348 av. J.-C.), une copie du XXe siècle en poudre de marbre, à la Section de Philosophie (salle 5099).

Du centre-ville à Dorigny

Marquant la fin du déménagement des dernières facultés (Sciences sociales et politiques, Théologie et Lettres) du centre-ville de Lausanne au site de Dorigny, le BFSH 2 est inauguré officiellement le 9 septembre 1987. Cette deuxième étape pour les sciences humaines était déjà prévue dans le plan directeur de l’UNIL, en anticipation de la croissance du nombre d’étudiantes et d’étudiants.

Le contrat est signé en 1982 entre les trois architectes et l’État de Vaud, commanditaire du bâtiment, représenté par le Comité directeur du Bureau de construction de l’Université de Lausanne à Dorigny (BUD). Avec un dépassement d’un peu moins de 4 millions sur le budget initial, le BFSH 2 a coûté finalement plus de 78 millions de francs. Ce chantier est le plus important du canton dans les années 1980, avec celui du CHUV.

Les architectes

Le mandat de construction est confié aux architectes Jacques Dumas, Mario Bevilacqua et Jean-Luc Thibaud. En qualité d’architecte en chef du BUD, Guido Cocchi donne les noms de « valeurs sûres »de l’architecture vaudoise au Comité directeur. Aucun concours n’a lieu: Cocchi mandate directement Dumas et Bevilacqua sur la base de leurs carrières. Les deux architectes bien établis sont chargés de recruter un jeune confrère et choisissent Thibaud, que Bevilacqua connaît de l’EPFL. L’équipe est ainsi formée d’architectes différents, par leur âge, leur formation et leur style. Se répartissant les tâches entre les trois architectes et leurs collaborateurs, ils créent un bureau physique et se rencontrent au minimum une fois par semaine. Jacques Dumas prend en charge la gestion administrative et  la communication entre le bureau, le maître d’ouvrage et les tiers; Jean-Luc Thibaud s’occupe du « bureau technique » (dessinateurs, soumissions, etc.); Mario Bevilacqua gère le chantier.

Le projet

Lors de la conception du projet, deux requêtes sont formulées par le Rectorat: la possibilité de moduler les espaces, ainsi que le développement d’une architecture conceptualisant des « maisons » pour chaque section et institut. Rapidement, la grande surface habitable demandée et la volonté de s’intégrer au mieux à l’environnement de Dorigny ont poussé les architectes à trouver des solutions originales.

Trois projets pour un bâtiment

Ainsi, la forme en X ou en « accordéon » permet de rallonger la façade et la surface habitable sans augmenter la longueur ni la hauteur du bâtiment. Le programme doit aussi se conformer au plan directeur; ceci est une condition déterminante du projet. Les exigences sont les suivantes: 250 bureaux pour les corps enseignant et administratif, 70 salles de séminaires (20-40 places), deux grands auditoires polyvalents (200 et 500 places), trois autres plus modestes (120 places), des salles de lecture pour les étudiantes et étudiants, et des locaux techniques. L’aménagement de zones vides est inclus dans ce programme. De plus, le BFSH2 doit respecter certains principes architecturaux imposés par le BUD sur tout le campus universitaire, notamment la hauteur des étages et du bâtiment, le dimensionnement basé sur une trame de 1.20 m, les façades en verre et aluminium, et la présence de galeries extérieures.

L’espace

Pour faire cohabiter plusieurs facultés, et en raison de la taille du bâtiment, les architectes conçoivent le BFSH2 comme une ville contenant ses propres maisons et appartements, mis en relation par des rues et des places. En effet, le plan choisi permet de distribuer tous ces espaces de manière raisonnée. L’individualité des facultés est préservée, mais la rencontre est possible, voire encouragée. Afin de rendre harmonieuse cette cohabitation des différents organes, l’organisation spatiale du bâtiment est séquentielle. Le développement est répétitif, que ce soit dans les unités de lieu de travail, dans la circulation verticale, ou dans les unités d’avant-corps. De plus, la structure modulaire est conçue pour garantir la convertibilité des affectations.

Plusieurs aspects structurels sont critiqués dès l’inauguration, notamment la circulation et les espaces de travail. Fonctionnels et esthétiques, les escaliers sont destinés à être des lieux de regroupement, privilégiant l’identification et la communication entre utilisatrices et utilisateurs. Un journaliste les décrit dans la Nouvelle Revue de Lausanne comme « des déambulatoires le long desquels les moines-étudiants sont appelés à se rencontrer, à s’arrêter pour échanger leurs notes ou à cheminer de concert ». À l’origine, chacun des escaliers devait mener aux deux facultés principales, Lettres et SSP. Cependant, faute de place, les facultés n’ont pas pu être clairement délimitées comme prévu en théorie; des occupantes et occupants de différentes facultés se croisent donc régulièrement en se déplaçant. Les bureaux étaient également considérés comme conventuels, en particulier ceux qui ont été ajoutés au fil du projet et qui donnent sur les galeries intérieures. Bien que l’intention première était d’y apporter  un éclairage naturel, ceux-ci forment des espaces vitrés dans lesquels on peut observer les personnes depuis les couloirs.

Les pleins et les vides

Il y a une volonté de la part des architectes de laisser apparents les matériaux des structures porteuses, quitte à exhiber les traces de coffrage du béton, les circuits électriques ou les structures métalliques. Dans la structure générale du bâtiment, le béton et le métal sont omniprésents: la structure-squelette en béton apparent pour les porteurs verticaux (mur, pilier) et pour les dalles à caissons; la structure-gaine en béton armé incrusté de céramique; la structure métallique indépendante des avant-corps (auditoire, cafétéria) constituée de fermes en profilé acier normal et d’un plafond acoustique en tôle perforée. L’enveloppe est composée de façades pignons, en plaques de béton préfabriqué incrustées d’inox, qui cadrent les façades rideaux métalliques, devant lesquelles sont suspendues des coursives de fuite en profilé acier normal et en caillebotis. La façade intérieure est en profilé acier normal s’ouvrant sur de grands puits de lumière. Le revêtement du sol est en résine époxy (circulations et laboratoires), en tapis aiguilleté (bureaux, salles de séminaire et auditoires) ou en granit (cafétéria et escaliers).

L’autre acteur phare de l’édifice  est  la  lumière  naturelle,  une composante importante pour les architectes. Les vides laissés à chaque étage forment des balcons donnant sur d’immenses puits de lumière; ce souci de l’éclairage naturel est une caractéristique déterminante du bâtiment, tant au niveau fonctionnel qu’esthétique. Alliés aux matériaux tangibles, les vides présents dans le bâtiment atténuent la lourdeur du béton et créent des lignes de fuite et des perspectives bienvenues. Le verre, les arêtes, les trames métalliques ou de céramique, et les joints négatifs contribuent aux impressions d’ouverture et de légèreté. Toutefois, ce jeu de vides et de demi-étages peut être à l’origine du sentiment de désorientation connu des utilisateurs, que le codage savant (les escaliers de formes différentes, les couleurs des céramiques, etc.) ne suffit pas à combler.

Une mémoire qui se perd, un bouddha à l’Anthropole

Une mémoire qui se perd, un bouddha à l’Anthropole

Sculpture du bouddha

Le bouddha de l’Anthropole © Alain Kilar 2016

La sculpture en bois taillé représentant un Bouddha à l’entrée de la Section de langues et civilisations salves d’Asie du Sud cache encore bien des mystères. La seule information qui subsiste est sa provenance : un don d’une délégation bouddhiste. Il n’existe actuellement pas d’autres données sur cet objet. Sans traces écrites, la mémoire orale se perd en même temps que le renouvellement des professeurs de l’UNIL s’opère. Avec les années, on oublie les raisons de la présence d’une œuvre, on s’y habitue.

Un nouvel exercice se met alors en place, regarder l’œuvre, l’objet pour ce qu’il est et pour ce qu’il représente. En l’observant, l’œil voit une figure qui se dessine sur un fond ajouré, assise en tailleur sur une fleur stylisée qui nait d’un socle richement orné. Très vite, on reconnaît un certain nombre de symboles qui peuvent nous conduire à identifier cette figure comme étant une représentation du bouddha (tout comme nous voyons, par exemple, sous les traits d’un homme crucifié sur une croix, le Christ).

En bouddhisme, pour qu’un bouddha soit reconnu comme tel, il doit correspondre à une liste précise de caractères physiques, établis par 32 signes fondamentaux et 80 signes secondaires. On s’en doute, ces détails ne sont pas tous transposables de façon plastique. Mais alors, quels sont les principaux éléments qui permettent, d’un point de vue iconographique, de reconnaître cette figure ? Une partie d’entre eux peuvent nous apparaître évidents, comme l’assise en tailleur sur la fleur de lotus ou le chignon sur la tête ainsi que les lobes allongés.

Chacune de ces caractéristiques renvoie à une signification qui lui est propre: la position des jambes en tailleur est un signe de méditation, tout comme les mains jointes sur les genoux, pouces en contact (d’autres attitudes des mains, mûdra, renvoient à des significations différentes : geste d’apaisement, de générosité ou d’argumentation). Le chignon sur la tête est en fait une bosse osseuse (un des 112 signes distinctifs !), les lobes allongés des oreilles sont un souvenir de sa jeunesse. Avant de devenir un Bouddha, l’homme était prince et portait donc de lourds ornements qui lui ont déformés une partie des oreilles. A ces éléments s’ajoute aussi le vêtement, composé de plusieurs parties, qui doit recouvrir absolument l’épaule gauche. Autour du Bouddha, deux auréoles (ou nimbes) sont représentées, la première représente la lumière physique, la seconde, la lumière spirituelle. Dans la sculpture en bois taillé, ces deux éléments sont également représentés, ils permettent une transition entre la figure et le fond ajouré par des motifs végétaux en volute.

L’art bouddhique se développe dès le IIIe siècle avant notre ère, il faudra cependant attendre le premier siècle avant J.-C. (d’autres spécialistes estiment qu’il s’agit plutôt du premier siècle après J.-C.) pour trouver des sculptures ou des images du Bouddha sous sa forme humaine, inspirées par l’art figuratif indien. Avant, la vie du Bouddha – principal thème représenté – est suggérée par des symboles ou des animaux. Sa naissance par exemple, est évoquée par une déesse et l’arbre de la Connaissance (Bodhi) représente son Eveil. Durant les premiers siècles après J.-C., l’expansion du bouddhisme et son assimilation dans différentes régions (Chine, Japon, Corée etc.) offrent une grande diversité dans le « style » de reproductions du Bouddha. Ces variations ont été regroupées en trois écoles différentes d’art bouddhique: l’école de Mathura, de Gandhâra et d’Amaravati. Au cours des siècles, ces écoles initiales se transforment et se développent. Un élément subsiste cependant: celui de l’idéalisation. Le but du bouddhisme étant la transcendance, son art se doit de transmettre une représentation d’une grande beauté, supérieure à ce que pourrait offrir l’apparence durant l’existence terrestre.

Mais chacune de ces caractéristiques a une signification propre: la position des jambes en tailleur est un signe de méditation, tout comme les mains jointes sur les genoux, pouces en contact. Le chignon sur la tête est en fait une bosse osseuse (un des 112 signes distinctifs), les lobes allongés des oreilles sont un souvenir de sa jeunesse. Avant de devenir bouddha, l’homme était prince et portait donc de lourds ornements qui lui ont déformés une partie des oreilles. A ces éléments s’ajoute aussi le vêtement, un pagne composé de plusieurs parties, qui doit recouvrir absolument l’épaule gauche. Autour du bouddha, deux auréoles (ou nimbes) sont représentées, la première représente la lumière physique, la seconde, la lumière spirituelle. Dans la sculpture en bois taillé, ces deux éléments sont également représentés, ils permettent une transition entre la figure et le fond ajouré par des motifs végétaux en volute.

Ce genre d’exercice nous permet d’appréhender l’œuvre sous un angle différent, pour la placer dans un réseau de signification plus vaste dans lequel, à ce stade, nous pouvons nous passer des éléments factuels d’identification (auteur, date, technique, dimensions), qui apparaissent alors comme secondaires, pour se concentrer sur l’objet et ce à quoi il renvoie.

Lorena Ehrbar, assistante-étudiante en archives

Reproduction et transformation du philosphe de l’Antiquité

Reproduction et transformation du philosphe de l’Antiquité

Buste de Platon

Platon (429-348/7), copie du XXe siècle en poudre de marbre d’une copie romane du buste de Platon datant du IIe s. après J.-C. d’après un original de Silanion du IVe s. avant J.-C. se trouvant dans la Glypothèque de Munich, socle en imitation granit, 35×19 x 24 cm, Anthropole niveau 5, cœur de la Section de Philosophie (salle 5099). Photo: © Lorena Erhbar

La Section de philosophie conserve en son cœur la reproduction d’une copie romane d’une œuvre grecque réalisée au IVe siècle avant notre ère. Il s’agit d’un buste de Platon: la copie romane se trouve dans la collection Börringer à Genève, l’original, sculpté par Silanion, à la Gylptothèque de Munich. Notre objet est donc le résultat d’une transmission par la copie d’un portrait du philosophe. Nous pouvons alors nous interroger sur la façon dont, à travers le temps et les techniques, les artistes et artisans ont représenté cette figure.

Le support et l’époque à laquelle est réalisée l’œuvre sont fondamentaux, une œuvre n’est jamais isolée, sa production répond à des conventions, conscientes ou non, qui se transforment avec les siècles. Dans l’Antiquité, la figure du philosophe rayonne et tient un rôle central dans la société. Les artistes en sculptent des statues dans le marbre, ils détaillent aussi bien l’expression du visage que la physionomie entière, la posture, le vêtement. Tous ces éléments apparaissent importants pour l’identification du philosophe.

La mémoire de l’Antiquité reproduite et transformée

Les romains, fascinés par la culture grecque, vont ensuite copier une partie des représentations. Il existe quantitativement plus de copies romanes de bustes de philosophes grecs que d’hommes d’Etat. La figure du philosophe se rapproche d’une figure sacrée, presque idolâtrée, et cet attrait explique l’abondance des reproductions créées à travers les siècles, au détriment d’autres personnages fameux. Mais une différence est notable, les romains ont tendance à reproduire principalement les bustes, en mettant ainsi l’accent sur le visage. Aujourd’hui un nombre important de bustes nous est parvenu, mais cet héritage peut tromper la production initiale de l’image du philosophe qui s’étendait aussi largement aux statues.

La représentation des philosophes ne remplit pas les mêmes critères selon les époques, il est même difficile de parler de « portrait » à proprement parler pour des reproductions qui datent du Ve siècle avant notre ère. Dans l’Antiquité et la période romaine, c’est moins une individualité, l’identité précise d’un philosophe, qu’on cherche à reproduire, que l’application d’un archétype idéalisé. La longue barbe ou le crâne dégarni, sont des exemples d’éléments qui permettent l’identification d’une figure à celle d’un philosophe. Elle est ensuite accompagnée d’une inscription qui nomme le philosophe représenté.

Il est possible également que les copies effectuées à travers les siècles, parfois seules témoins des originaux disparus, modifient des détails involontairement, et ainsi, transforment l’icône. Par contre, lorsque la photographie est inventée, l’idée d’individualité prend tout son sens, une photographie de Nietzsche par exemple, est forcément très fidèle, vraisemblable, aux traits physique de ce philosophe.

Quant à l’emploi de la peinture (et d’autres techniques, comme la gravure) pour la représentation de ce thème, il permet d’approcher une dimension supplémentaire à celle du sujet. A savoir, l’environnement qui entoure le philosophe et l’ambiance dans laquelle il est représenté. Au début du XVIe siècle, L’Ecole d’Athènes de Raphaël au Vatican, représente de nombreux philosophes – dont Platon – et théoriciens en interaction, avec pour chacun ou presque, un symbole qui permet son identification.

Au contraire, Le philosophe en méditation de Rembrandt au XVIIe nous propose une figure solitaire en pleine réflexion, installée dans la pénombre. Ainsi, la figure du philosophe traverse les siècles, chaque artiste et chaque époque en propose une interprétation, qui est à la fois inspirée du passé et qui, en même temps, répond aux exigences et aux possibilités de son temps.

Lorena Ehrbar, assistante-étudiante en archives

La peinture face à l’architecture

La peinture face à l’architecture

Grande Peinture Noire de Christiane Lovay

Christiane Lovay, Grande Peinture Noire, 1988, peinture sur papier sulfurisé, 300 x 350, Anthropole, niveau 2. Photo: © SIK-ISEA

En avril 1988, une antenne romande de l’Institut suisse pour l’étude de l’art (SIK- ISEA) est inaugurée à l’Anthropole. Cet Institut se consacre à la recherche dans le domaine de l’art suisse et de l’art en Suisse. Pour son vernissage, l’Institut, coordonné alors par Paul- André Jaccard, invite six artistes romands à présenter une œuvre éphémère et inédite élaborée à l’attention de cette seule manifestation. Christiane Lovay, représentant le canton de Fribourg, propose la Grande Peinture Noire, dont les dimensions monumentales ont été calculées pour s’insérer parfaitement sur la paroi à laquelle l’artiste dédie l’œuvre. Le Rectorat décide ensuite d’acheter la peinture.

Céramique, peinture, puis sculpture, sont autant de techniques et de supports qui peuvent témoigner d’un intérêt de la part de l’Université de proposer une diversité dans l’offre artistique du bâtiment. Le fameux pourcent artistique de l’Etat de Vaud, géré à l’Université par le Comité directeur du BUD, permet aussi cet enrichissement. Outre la question décorative, l’œuvre est aussi choisie selon la façon dont elle interpelle et s’intègre au bâtiment concerné. Christiane Lovay en présente un exemple. Cette artiste valaisanne, née en 1949, étudie à Genève puis à Bâle, voyage, découvre Paris, y vit plusieurs années (son adresse est encore parisienne en 1988) et revient s’installer en Suisse, dans la campagne fribourgeoise.

« Je sens cela, mais je ne sais pas exactement ce que c’est, ni ce que cela veut dire. »

La Grande Peinture Noire ne se prête pas facilement à une lecture formelle. On y découvre, à chaque observation, un nouveau signe, une nouvelle marque. Comme si, vivante, l’œuvre évoluait, se transformait sous les yeux du spectateur. Les motifs noirs s’amassent et se dispersent sur le papier, en y créant du volume. Minuscules et monumentaux, les formes peuvent évoquer des éléments végétaux et géométriques. La nature semble être un thème central dans la création artistique de Christiane Lovay. Dès son plus jeune âge, l’artiste la côtoie dans son quotidien puis l’expérimente et en redécouvre de nombreuses facettes durant ses voyages en Egypte, en Algérie et au Yémen. Les peintures qu’elle propose en sont peut-être l’appropriation ; processus durant lequel les motifs ont été simplifiés, épurés et mêlés entre eux pour rappeler des formes originelles, universelles.

Cette simplification passe également par les matériaux et les techniques choisies. Les grands formats imposent à l’artiste une proximité avec son papier, Christiane Lovay s’y étend, marche, se relève, bref, modèle le support aussi bien que le contenu lui-même. Elle applique la peinture avec ses pinceaux et ses mains, les gestes semblent vifs, épais et libres. L’artiste parle de son œuvre en ces termes: « J’aimerais que devant mes dessins on puisse dire: oui j’ai vécu cela, ou, je sens cela mais je ne sais pas exactement ce que c’est, ni ce que cela veut dire ; quelque chose qui ne puisse ni se décrire, ni se décoder, mais accède directement à des zones très profondes. » (Propos recueilli pour le catalogue de l’exposition Huit artistes romands, dirigé par Peter Killer en 1987).

Lorena Ehrbar, assistante-étudiante en archives

L’Anthropole selon Claudia Renna

L’Anthropole selon Claudia Renna

Les peintures de la série « UNIL »

Claudia Renna, série « UNIL », 2003, huile sur toile. Photo: © Lorena Ehrbar

Le Cycle UNIL est une série de peintures à l’huile réalisée en 2003 par l’artiste zürichoise Claudia Renna (1965) à l’occasion d’une exposition à l’UAC (l’Unité d’Art Contemporain, remplacée par le Cabanon en 2009), en collaboration avec le musicien André Décosterd (1967), qui met en écho les œuvres avec des sons expérimentaux. Les toiles représentent leur lieu d’exposition, c’est-à-dire le cœur du premier niveau de l’Anthropole.

Plusieurs étapes se succèdent avant la production effective des œuvres peintes: en 2001, Claudia Renna aborde le projet par une phase d’observation et d’imprégnation du lieu, des gens qui l’habite, de l’atmosphère qui y règne. Les œuvres de l’artiste François Burland épousent alors les murs de cet espace, on les retrouve peintes dans les pièces de Claudia Renna sous la forme de monochromes jaunes. Elle part ensuite plusieurs mois en Egypte, où elle se confronte aux paysages désertiques et à l’architecture du Caire. A son retour, elle peint les huit œuvres du Cycle UNIL – cinq grands formats, 110 x 140 cm, trois plus petits, 110 x 70 cm – et les inaugure en janvier 2003. Au terme de l’exposition, le Rectorat achète une œuvre, Claudia Renna fait don des pièces restantes à l’UNIL.

L’artiste explique qu’il est possible que son voyage en Egypte et son temps passé dans le désert aient influencé l’approche évanescente qu’elle a choisi d’adopter pour les peintures de l’UNIL. Travailler sur une idée d’évaporation et d’évanouissement par ces teintes jaunes et vertes rehaussées de blanc, lui a permis de retranscrire la sensation qu’elle avait du lieu, c’est-à-dire de discerner à la fois le rez-de-chaussée de l’Anthropole comme un lieu de passage, tout en suggérant l’idée d’un endroit permanent, statique, dans lequel les étudiants s’installent. Claudia Renna propose des représentations d’un temps suspendu dans lequel domine l’architecture, anonymisant les figures qui y circulent. Dans cette perspective, il s’agit aussi d’un jeu, entre passé, présent et futur : qu’est-ce qui a été, qui est et qui adviendra ?

Presque quinze ans après la réalisation de cette série, Claudia Renna évoque un autre point important de l’exposition de 2003 à l’UAC: exposer dans un lieu universitaire permet de créer des liens, de faire des ponts entre les disciplines, entre le monde académique, scientifique et artistique. Une œuvre n’est pas autonome, elle prend du sens lorsqu’elle s’inscrit dans un réseau plus large.

Cette volonté de communiquer, de réfléchir autour de l’œuvre et grâce à elle, de diversifier ses possibilités est un chemin qu’emprunte encore l’artiste qui, très active sur la scène artistique romande, a diffusé récemment une vidéo couleur sans son, Mission Voyager 87, à l’EPFL. Influencée par l’astrophysique, elle propose un voyage dans l’histoire cosmique. Si les œuvres réalisées depuis 2003 tendent à se différencier les unes des autres – se distinguant par des préoccupations et des techniques multiples – un intérêt peut relier la majorité d’entre elles, celui du rapport au temps et à l’espace, qu’il soit infiniment petit, construit, ou infiniment grand.

Lorena Ehrbar, assistante-étudiante en archives