Une mémoire qui se perd, un bouddha à l’Anthropole

Sculpture du bouddha

Le bouddha de l’Anthropole © Alain Kilar 2016

La sculpture en bois taillé représentant un Bouddha à l’entrée de la Section de langues et civilisations salves d’Asie du Sud cache encore bien des mystères. La seule information qui subsiste est sa provenance : un don d’une délégation bouddhiste. Il n’existe actuellement pas d’autres données sur cet objet. Sans traces écrites, la mémoire orale se perd en même temps que le renouvellement des professeurs de l’UNIL s’opère. Avec les années, on oublie les raisons de la présence d’une œuvre, on s’y habitue.

Un nouvel exercice se met alors en place, regarder l’œuvre, l’objet pour ce qu’il est et pour ce qu’il représente. En l’observant, l’œil voit une figure qui se dessine sur un fond ajouré, assise en tailleur sur une fleur stylisée qui nait d’un socle richement orné. Très vite, on reconnaît un certain nombre de symboles qui peuvent nous conduire à identifier cette figure comme étant une représentation du bouddha (tout comme nous voyons, par exemple, sous les traits d’un homme crucifié sur une croix, le Christ).

En bouddhisme, pour qu’un bouddha soit reconnu comme tel, il doit correspondre à une liste précise de caractères physiques, établis par 32 signes fondamentaux et 80 signes secondaires. On s’en doute, ces détails ne sont pas tous transposables de façon plastique. Mais alors, quels sont les principaux éléments qui permettent, d’un point de vue iconographique, de reconnaître cette figure ? Une partie d’entre eux peuvent nous apparaître évidents, comme l’assise en tailleur sur la fleur de lotus ou le chignon sur la tête ainsi que les lobes allongés.

Chacune de ces caractéristiques renvoie à une signification qui lui est propre: la position des jambes en tailleur est un signe de méditation, tout comme les mains jointes sur les genoux, pouces en contact (d’autres attitudes des mains, mûdra, renvoient à des significations différentes : geste d’apaisement, de générosité ou d’argumentation). Le chignon sur la tête est en fait une bosse osseuse (un des 112 signes distinctifs !), les lobes allongés des oreilles sont un souvenir de sa jeunesse. Avant de devenir un Bouddha, l’homme était prince et portait donc de lourds ornements qui lui ont déformés une partie des oreilles. A ces éléments s’ajoute aussi le vêtement, composé de plusieurs parties, qui doit recouvrir absolument l’épaule gauche. Autour du Bouddha, deux auréoles (ou nimbes) sont représentées, la première représente la lumière physique, la seconde, la lumière spirituelle. Dans la sculpture en bois taillé, ces deux éléments sont également représentés, ils permettent une transition entre la figure et le fond ajouré par des motifs végétaux en volute.

L’art bouddhique se développe dès le IIIe siècle avant notre ère, il faudra cependant attendre le premier siècle avant J.-C. (d’autres spécialistes estiment qu’il s’agit plutôt du premier siècle après J.-C.) pour trouver des sculptures ou des images du Bouddha sous sa forme humaine, inspirées par l’art figuratif indien. Avant, la vie du Bouddha – principal thème représenté – est suggérée par des symboles ou des animaux. Sa naissance par exemple, est évoquée par une déesse et l’arbre de la Connaissance (Bodhi) représente son Eveil. Durant les premiers siècles après J.-C., l’expansion du bouddhisme et son assimilation dans différentes régions (Chine, Japon, Corée etc.) offrent une grande diversité dans le « style » de reproductions du Bouddha. Ces variations ont été regroupées en trois écoles différentes d’art bouddhique: l’école de Mathura, de Gandhâra et d’Amaravati. Au cours des siècles, ces écoles initiales se transforment et se développent. Un élément subsiste cependant: celui de l’idéalisation. Le but du bouddhisme étant la transcendance, son art se doit de transmettre une représentation d’une grande beauté, supérieure à ce que pourrait offrir l’apparence durant l’existence terrestre.

Mais chacune de ces caractéristiques a une signification propre: la position des jambes en tailleur est un signe de méditation, tout comme les mains jointes sur les genoux, pouces en contact. Le chignon sur la tête est en fait une bosse osseuse (un des 112 signes distinctifs), les lobes allongés des oreilles sont un souvenir de sa jeunesse. Avant de devenir bouddha, l’homme était prince et portait donc de lourds ornements qui lui ont déformés une partie des oreilles. A ces éléments s’ajoute aussi le vêtement, un pagne composé de plusieurs parties, qui doit recouvrir absolument l’épaule gauche. Autour du bouddha, deux auréoles (ou nimbes) sont représentées, la première représente la lumière physique, la seconde, la lumière spirituelle. Dans la sculpture en bois taillé, ces deux éléments sont également représentés, ils permettent une transition entre la figure et le fond ajouré par des motifs végétaux en volute.

Ce genre d’exercice nous permet d’appréhender l’œuvre sous un angle différent, pour la placer dans un réseau de signification plus vaste dans lequel, à ce stade, nous pouvons nous passer des éléments factuels d’identification (auteur, date, technique, dimensions), qui apparaissent alors comme secondaires, pour se concentrer sur l’objet et ce à quoi il renvoie.

Lorena Ehrbar, assistante-étudiante en archives