Les débuts de la cartographie céleste
Si la plus ancienne carte céleste conservée est la carte chinoise de Dunhuang (649-684), c’est néanmoins à la science grecque qu’il faut remonter pour retracer l’histoire occidentale des représentations globulaires du ciel.
Le concept de globe pour modéliser la géométrie du cosmos est essentiel à l’astronomie grecque. Dès le IVe siècle avant notre ère, l’Antiquité grecque, connaît cette représentation sphérique du ciel. Pour la plupart, ces globes représentent les constellations sous une forme allégorique avec leurs étoiles principales et quelques cercles tels que les méridiens, l’équateur et l’écliptique.
Dans sa Syntaxe mathématique, mieux connue sous le nom d’Almageste, Ptolémée (IIe siècle après J.-C.) étudie géométriquement les diverses composantes du système Terre-Ciel. Il aborde également la construction des globes célestes, en donnant une liste de 48 constellations, les coordonnées écliptiques de 1022 étoiles ainsi que leur grandeur (qu’il nomme « éclat »). On conservera ce découpage du ciel, avec quelques améliorations, pendant de nombreux siècles y compris jusqu’au XVIe siècle.
La science arabe, entre 900 et 1300, va préserver les fondements de l’astronomie grecque. La connaissance de la projection stéréographique, utilisée dans l’astrolabe, est ainsi transmise vers l’an mil au monde latin occidental au travers de l’Espagne musulmane. On connaît actuellement une douzaine de globes célestes arabes en laiton hérités de la période médiévale.
La représentation de la voûte céleste sur un globe devient, dans le monde chrétien, un moyen privilégié de déterminer le temps, utile notamment pour la planification des fêtes religieuses, dont Pâques. Il n’est donc pas étonnant de retrouver dans les monastères les premiers globes célestes d’Europe occidentale. Ils sont cependant extrêmement rares, car réalisés en exemplaires uniques gravés sur bois.
L’une des premières cartes céleste du monde occidental est le Manuscrit de Vienne, oeuvre anonyme réalisée vers 1440 et actuellement conservée à la Österreichische Nationalbibliothek. Cette carte représente une étape importante dans le développement de la cartographie mathématique en Europe. Pour la première fois, les figures humaines des constellations y sont dessinées depuis l’arrière.
Les représentations célestes émergent véritablement à la Renaissance. Les scientifiques entament alors un processus de démystification des cieux, rompant avec les mythologies médiévales et instituant une nouvelle tradition reposant sur les mathématiques. Albrecht Dürer (1471-1528), Conrad Heinfogel († 1517) et Johann Stabius (ca 1460-1522), réalisent les premières cartes célestes imprimées, sans doute inspirés du Manuscrit de Vienne.
Ces cartes seront suivies en 1515 par le premier globe céleste imprimé. A Nuremberg, Johann Schöner réalise un globe de 27 centimètres de diamètre à partir de fuseaux gravés sur bois. Ce globe, qui forme une paire avec son pendant terrestre, semble avoir servi de modèle pour le tableau des Ambassadeurs de Holbein le Jeune (1533).
En 1537, le mathématicien, astronome, médecin et géographe Gemma Frisius, réalise également un globe à Louvain, cette fois-ci à partir de plaques de cuivre, ce qui représente une avancée significative dans la fabrication de ces artefacts. Sur sa sphère, Frisius se désigne lui-même en tant que « medicus ac mathematicus », une attribution qui explique son travail intégrant médecine et astrologie, deux domaines alors liés à travers la vision macrocosmique et microcosmique des éléments et des « humeurs ».
Tout en se basant sur les travaux de Dürer, Frisius améliore la représentation du ciel en ajoutant de nombreux détails : par exemple, l’extrémité d’Eridan est probablement représentée d’après le mathématicien allemand Pierre Apian (1495-1552). La précession des équinoxes est également identique à celle de Dürer (19°40’). L’indication de la magnitude des étoiles est meilleure et quelques noms d’étoiles ont été ajoutés. Le globe comporte également des mentions de correspondances astrologiques entre étoiles et planètes, associant par exemple, Vénus et Mercure à Spica, ou Saturne et Mars au Bélier.
En 1551, Mercator suit l’exemple de son maître Frisius et complète son propre globe terrestre par un globe céleste de 41 centimètres de diamètre. La paire mercatorienne fera date, le consacrant comme le véritable père de la fabrication moderne des globes.
Pour en savoir plus
- Bonnet-Bidaud, J.M., Praderie, F. & Whitfield, S. (2009) « The Dunhuang chinese sky : a comprehensive study of the oldest known star atlas », Journal of Astronomical History and Heritage, Vol. 12, N° 1, pp. 39-59.
- Dekker, E. (2013) Illustrating the phaenomena : celestial cartography in Antiquity and the Middle Ages, Oxford : Oxford University Press.
- Whitfield, P. (1995) The Mapping of the Heavens, London : The British Library.