Bien qu’il ne se situe qu’à moins de 500 m du vicus (agglomération secondaire) de Lousonna-Vidy, le site de l’UNIL n’a livré que très peu de témoignages de son passé antique, à l’exception « de médailles et d’amphores » qui y auraient été découvertes au XIXe siècle [1]. Il est possible que des constructions d’époque romaine soient un jour mises en évidence sur le site, mais l’absence de découvertes récentes dans ce secteur densément bâti n’est pas liée qu’au hasard des découvertes archéologiques.

Trop loin du vicus pour voir le développement d’ateliers de potiers ou de tuiliers, toujours en marge des agglomérations, ou même celui de nécropoles, qui constituent la dernière couronne urbaine des villes antiques, le site de Dorigny en était par contre trop proche pour l’implantation de villae rusticae, au contraire de secteurs comme Crissier ou Prilly. Le dossier n’est cependant pas vide et permet d’aborder différentes questions, comme celle de la voie qui traversait le site, celles de la périphérie urbaine et des établissements ruraux qui le bordaient, ou celle de son utilisation par les populations antiques.

Sur le grande voie lémanique

Le site de Dorigny était traversé par l’une des principales voies romaines de nos régions, reliant Lousonna à Nyon (Colonia Iulia Equestris), Genève (Genava) et Lyon (Lugdunum), capitale des Gaules. Cette voie, qui a été repérée mais n’a pas fait l’objet de fouilles systématiques, passait certainement un peu au sud de la Bibliothèque, dans le pré qui la sépare de l’actuelle route cantonale. Un pont permettait à cette de voie de franchir la Chambronne, mais cet aménagement n’est pas localisé (à l’aval du Château, certainement).

La périphérie occidentale de Lousonna

Notamment fouillée par l’UNIL dans les années 1980 [2], la périphérie occidentale de Lousonna se présentait, sous la forme d’une succession de secteurs résidentiels, puis artisanaux, religieux et enfin funéraires. Constitués de maisons présentant leurs petits côtés sur les rues parallèles au Léman, les quartiers périphériques étaient réservés aux populations les moins aisées et à des ateliers de potiers, dont plusieurs ont été fouillés. La nécropole qui bordait la voie lémanique n’est connue que par quelques tombes dans le secteur des Sablons. Il est vraisemblable qu’elle s’étendait sur quelques centaines de mètres en direction de l’UNIL. Un sanctuaire périphérique bordait également la voie au sortir de l’agglomération. Il se présentait d’abord sous la forme d’un enclos cultuel de tradition gauloise, délimité par une palissade, puis sous celle d’un complexe religieux organisé autour d’un temple de plan carré gallo-romain.

Quid Dorignaco ?

Bien qu’il soit difficile d’aborder la question du passé romain d’un secteur qui n’a quasiment livré aucune trace de cette période, sa situation par rapport à Lousonna, les connaissances actuelles sur l’organisation spatiale des cités gallo-romaines et la toponymie du site livrent des éléments intéressants. Après les quartiers artisanaux et les nécropoles, la voie qui quittait Lousonna en direction du Couchant s’engageait certainement dans la campagne et devait donc être bordée par des espaces boisés, des prés et, surtout, des champs. Il est possible qu’une partie de ces terres aient appartenu aux fundi des villae environnantes, mais la proximité de Lousonna, où de nombreux outils agricoles ont été découverts, ainsi que différents parallèles ethnographiques permettent d’imaginer que le secteur était plutôt exploité par les habitants du vicus (en complément à leurs autres activités). Le toponyme de Dorigny (Doriniacum), enfin, indique que le secteur a été la propriété d’un certain Dorinius, résidant vraisemblablement dans le secteur à la fin de l’Antiquité.

Thierry Luginbühl
Directeur de l’Institut d’archéologie et des sciences de l’Antiquité

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[1] Mottaz E., Dictionnaire historique, géographique et statistique du Canton de Vaud, Lausanne, 1921 et Genève, 1982.
[2] Paunier D. et al., Le vicus gallo-romain de Lousonna-Vidy, vol. 2, Vidy 85, Lausanne, 1989.