Curieusement, aucune découverte archéologique n’est signalée à l’ouest de la Chamberonne, à l’emplacement des différents bâtiments et aménagements de l’UNIL. Et ce n’est pas faute de surveillance des chantiers. En revanche, les terrasses de la zone voisine de Vidy, entre Chamberonne et Flon, ont livré des traces d’occupation dont les plus vieilles remontent à quelque 10’000 ans, et qui permettent ainsi d’esquisser la préhistoire des rives du Léman avant l’implantation de la bourgade gallo-romaine de Lousonna.

Les rives du Léman avant Rome

Deux objets ont été enregistrés au Musée vers 1880 avec la mention « Dorigny », malheureusement sans provenance précise. Il s’agit d’un disque et d’un crochet de ceinture en bronze, portés par une femme de qualité au VIIe siècle av. J.-C.

Chronologies: du Paléolithique moyen jusqu'à nos jours (© Alain Gallay, Pierre Corboud)

Mais la fréquentation des terrasses lacustres est bien plus ancienne: quelques outils en silex, armatures de flèches, lames ou grattoirs du VIIIe ou VIIe millénaire avant notre ère sont attribués au Mésolithique (9500-5500 av. J.-C.). Les foyers des campements saisonniers de ces chasseurs-cueilleurs nomades, installés sur le littoral, ont laissé quelques traces à Vidy. L’arrière-pays giboyeux est alors recouvert par la forêt.

Rappelons que les derniers glaciers se sont retirés il y a plus de 18 000 ans et que la végétation a progressivement repris ses droits, avant que les premiers colons du Néolithique (5500-2200), agriculteurs, éleveurs et sédentaires, n’amorcent le processus de défrichement. Des stations « lacustres » sont aménagées sur le rivage, dont on ne sait quasiment rien: quelques haches en pierre polie, tessons de vases en céramique, outils en os, bois de cerf, etc. sont autrefois parvenus au Musée. Un village est signalé aux Pierrettes, un autre à Vidy, aujourd’hui recouverts de remblais. On connaît en revanche mieux le monde des morts grâce à plus d’une centaine de sépultures en cistes (caissons de pierres) renfermant des individus en position repliée. Et un menhir a été redressé à l’emplacement de sa découverte.

L’âge du Bronze (2200-800 av. J.-C.) est également bien présent, par le biais de tombes à inhumation, vers -2000 (Ecublens, Bourdonnette et Bois de Vaux notamment), puis à incinération, vers -1000. Les parures en bronze, et provisions pour l’au-delà déposées dans des services en céramique, sont nombreuses et de qualité.

Quelques tessons témoignent d’une occupation en retrait du lac, lors d’une dégradation climatique et d’une remontée du niveau des eaux dans la seconde moitié du IIe millénaire. Les stations palafittiques seront définitivement abandonnées vers 800 av. J.-C.

L’âge du Fer et la fin de la préhistoire

Il existe quelques témoins fugaces du Premier âge du Fer (ou époque de Hallstatt, 800-450 av. J.-C.), comme la parure conservée au Musée provenant à coup sûr d’une sépulture recouverte d’un tumulus, un tertre de terre comme c’était l’usage.

Il faut attendre le Second âge du Fer (ou époque de La Tène, 450-50 av. J.-C.) pour disposer à nouveau de documents funéraires: une grande nécropole d’une centaine de tombes du Ve au IIIe siècle à Saint-Sulpice, une autre de la seconde moitié du IIe siècle immédiatement sous les premières strates de Lousonna.

L’inhumation est quasi exclusive au temps des sépultures de Saint-Sulpice, avec de l’armement et des parures accompagnant hommes, femmes et enfants, ornés selon l’évolution du style celtique ; dès lors en effet, on est certain d’être en présence de Celtes.

Qui plus est, pour la nécropole de la route de Chavannes, on peut proposer, toujours sur la base de textes antiques, de l’attribuer au peuple celte des Helvètes. L’incinération côtoie l’inhumation; des femmes et des enfants y sont enterrés avec parures et offrandes. La mémoire de ces morts n’empêchera pas l’installation, quelques générations plus tard, des premiers aménagements du centre de ce qui deviendra la bourgade (le vicus), avec son port, de Lousonna la gallo-romaine…

Gilbert Kaenel,
directeur du Musée cantonal d’archéologie et d’histoire

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Source pour les illustrations: Des Alpes au Léman. Images de la préhistoire, sous la direction d’Alain Gallay, Gollion : Infolio, 2008, pp. 38 (A. Gallay, P. corboud), 105, 179, 239, 277 (A. Houot, J. Charrance). Photo Musée cantonal d’archéologie et d’histoire (Fibbi-Aeppli).