L’Académie de Lausanne est la première école supérieure protestante implantée en territoire francophone. Lausanne constitue ainsi, dès les années 1540, un pôle de première importance dans le monde réformé. De nombreux savants protestants, attirés par la liberté de pratiquer leur foi, et par la présence de l’Académie, s’établissent dans cette ville. Les étudiants affluent alors, non seulement de toute la Suisse, mais aussi de toute l’Europe.

Les structures de l’Académie de Lausanne et son programme d’enseignement condensent sous une forme nouvelle les réflexions pédagogiques de la Renaissance. L’Académie lausannoise constitue l’archétype de toutes les académies calvinistes fondées entre le XVIe et le XVIIe siècles.

Avant 1540, il n’est jamais fait mention d’une structure de formation supérieure à Lausanne, que ce soit sous le nom d’Académie, de Haute École, de collège, de gymnase, ou de leurs équivalents latins et allemands. Les sources ne font alors mention que de « cours » donnés par des « lecteurs » de grec et d’hébreu, mais ne parlent pas d’institution de formation supérieure.

En octobre 1540, les autorités bernoises annoncent leur intention de mettre sur pied des structures académiques à Lausanne et de créer un collège de 12 boursiers. C’est en 1542 que le premier maître y est nommé à Lausanne en la personne de l’humaniste italien Celio Secondo Curione, spécialiste de rhétorique cicéronienne. Le développement des structures académiques se poursuit jusqu’en 1547, lorsque les premières lois académiques lausannoises sont rédigées et mises en application.

L’Académie de Lausanne est alors organisée en deux niveaux. Le niveau inférieur comporte sept classes successives, s’adressant aux enfants dès l’âge de six ou sept ans. Les élèves y apprennent essentiellement à lire et à parler un latin pur, un niveau élevé de grec et des bases de dialectique et de rhétorique. Le niveau supérieur compte quatre chaires: grec, hébreu, arts libéraux et théologie, dont les cours peuvent être suivis en parallèle.

Le 9 février 1559, à la suite d’un conflit entre les pasteurs de Lausanne et les autorités politiques bernoises, trois pasteurs de Lausanne sont bannis du territoire bernois. Deux semaines plus tard, par solidarité, tous les professeurs de l’Académie démissionnent et quittent Lausanne pour Genève où, moins de trois mois après, l’Académie de Genève est inaugurée, avec l’essentiel du personnel lausannois démissionnaire et des structures calquées sur celles de Lausanne.

Le nombre d’étudiants à Lausanne s’élève à environ 700 en 1558. Le registre des immatriculations n’ayant pas été conservé pour le XVIe siècle, il n’est plus possible de connaître le nom de la totalité des étudiants inscrits à l’Académie pour cette période. Toutefois, les comptes du bailli de Lausanne nous indiquent le nom de la plupart des boursiers. Les non boursiers ne nous sont connus que de manière fortuite. Il s’agit souvent de fils de l’élite politique protestante, en particulier Bernois, Zurichois, ou provenant du Royaume de France. Ils étaient envoyés à Lausanne pour obtenir une formation de type humaniste, centrée sur la lecture d’auteurs de l’Antiquité païenne gréco-latine, tout en séjournant dans une ville réformée francophone.

L’Académie de Lausanne n’avait donc pas à son origine comme unique but celui de former des étudiants en théologie. Et l’éducation qu’elle offre au milieu du XVIe siècle porte un accent beaucoup plus important sur la lecture des classiques de l’Antiquité et sur l’acquisition d’un latin de type cicéronien que sur une formation théologique.

L’Académie de Lausanne n’est donc pas une « simple école de pasteurs » à l’origine, comme on l’a trop souvent affirmé jusqu’à ce jour, mais plus largement une institution offrant une formation d’un niveau très élevé dans les trois langues anciennes (latin, grec et hébreu), en arts libéraux, en philosophie naturelle et morale, et en théologie. Au milieu du XVIe siècle, l’Académie lausannoise est capable de rivaliser avec les meilleures institutions pédagogiques de la Renaissance et d’attirer, dans un rayon très large, non seulement des étudiants qui se destinent au pastorat, mais aussi ceux qui sont formés pour gouverner leurs cités.

Karine Crousaz
Maître assistante, Section d’histoire UNIL

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