Au début des années soixante, la pression démographique et les réformes de l’enseignement secondaire doublent, puis triplent le nombre des étudiants. L’Université de Lausanne, alors dispersée en divers endroits de la ville, est confrontée à des problèmes d’exiguïté de ses locaux, de pénurie de logements pour les étudiants, d’absence de réfectoire et de terrains de sports.

En septembre 1963, le Grand Conseil accorde au Conseil d’Etat un crédit de 22 millions de francs pour l’acquisition de la propriété de Dorigny, sise sur les territoires des communes d’Ecublens et de Chavannes-près-Renens, sur les deux rives de la Chamberonne. Cette propriété qui couvre 27 hectares, dont 20 pourcents en forêts, a été proposée à la Commune de Lausanne qui, hésitant à acquérir des terrains situés sur le territoire d’autres communes, a transmis l’offre au Canton, estimant qu’il serait mieux à même d’en disposer à des fins d’intérêt public. Dans la foulée, le Conseil d’Etat nomme la Commission d’étude pour le développement de l’Université de Lausanne. Les conclusions du rapport qu’elle dépose au printemps 1965 confirment que la propriété de Dorigny, augmentée de quelques parcelles de terrains avoisinants, se prête à l’édification de la future Université de Lausanne.

Du point de vue géologique, plusieurs crêtes d’origine glaciaire limitent le secteur de Dorigny dans le delta de la Venoge. Ce sont des moraines latérales composées de matériaux essentiellement graveleux et sableux contenant une faible proportion de limon. L’ancienne campagne aristocratique de Dorigny, avec des vallonnements, sa rivière, ses allées d’arbres ornementaux, son château et ses dépendances, se prêtait à la dissémination des bâtiments facultaires de l’Université conçus comme autant de réalisations singulières, apparentées par « l’air de famille » que leur donne le cahier des charges. Celui-ci prescrivait en effet quelques règles de cohérence minimale telles que l’éclairage et la ventilation naturels des locaux de travail, une hauteur d’étage, une trame constructive, le principe de l’ombrage des façades par des coursives de fuite et d’entretien.

Grâce au système d’attribution directe des mandats à des équipes mixtes associant jeunes architectes et professionnels expérimentés, le Bureau des constructions de l’Université a pu à la fois respecter son programme et stimuler les créativités. Il en résulte une série de variations interprétatives sur le thème et le type de l’édifice d’enseignement et de recherche. La dispersion spatiale des objets dans le parc reflète aussi le calendrier des opérations, l’obligation pour le Canton d’atteindre ses objectifs par étapes, au gré des disponibilités financières, dans le respect des échéances politiques régionales et de la diversité des besoins à satisfaire.

En dépit de cette urbanisation tout à fait particulière, le domaine de Dorigny, déjà converti en jardin paysager dans les dernières décennies du XVIIIe siècle, n’a jamais cessé d’affirmer sa forte territorialité.

Nadja Maillard
Histoire et anthropologie de l’architecture

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